À l’encre bleue

Les informations troublantes continuent à faire la Une jour après jour. Les unes plus surprenantes que les autres, il y en a quand même deux qui m’ont un peu plus interpellée que les autres.

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Il s’agit, en premier lieu, du cas de la femme dont on n’a retrouvé que les ossements après qu’elle a été brûlée dans une voiture. Encore un atroce meurtre, digne d’un grand thriller, découvert le samedi 19 novembre 2022. Un constable a “pik so madam e zet petrol pou bril li.” * Rien que ça ! Mais que peut-il bien se passer dans la tête de ces meurtriers qui ont perdu le nord et toute maîtrise de soi ? De quoi (ou de qui !) sont-ils inspirés pour commettre de tels crimes ? Dans le cas de cette pauvre femme, son élimination a été le résultat d’une furieuse jalousie de son époux. Quelques semaines avant, c’est Lalita qui rendait l’âme après avoir été poussée dans les escaliers par son compagnon.

Des vies éliminées et stoppées par la folie d’un conjoint, supposément aimant, qui aurait dû, au-delà de tout, veiller à la sécurité et à la protection de sa bien-aimée. Mais tel n’a pas été le cas dans ces deux… cas. Bien au contraire !

De plus, on se demande bien jusqu’où a été la “folie” pour que le constable Buldy aille jusqu’à filmer une altercation entre lui et son épouse victime, Sanjana, précédant la tragédie. Quel est le but d’immortaliser une telle scène juste avant que le feu ne fasse périr et ne réduise à jamais au silence cette femme de 26 ans ? Quel est ce besoin impulsif d’être vu et de prendre à témoin des spectateurs totalement inconnus ?

Faut-il marquer de notre main, à l’encre de couleur rouge sang, ces dérives mortelles, pour imprimer dans notre esprit, que tant de femmes sont humiliées, assassinées, réduites en cendres et au silence, parce qu’un autre, proche de surcroît, n’a pas su respecter sa fragilité, sa dignité, sa vie ?

Ces drames ne concernent pas seulement les victimes et leurs bourreaux, mais aussi leurs familles respectives. Victimes éliminées, bourreaux emprisonnés et des familles affectées ! Quelle tristesse !

La deuxième information qui bouleverse est le désastre causé par la drogue dans notre pays. Plusieurs cas officiels d’overdose ont été répertoriés chez les jeunes. Quel désespoir pour les parents dont les enfants sont des consommateurs de “nissa” potentiellement mortel ! Pour add insult to injury, tellement de Mauriciens vivants ici, sur le sol mauricien, ne connaissent même pas l’ampleur de cette situation alarmante. Situation qui n’affecte pas seulement les jeunes, mais des familles entières là aussi. Tant de pères désespérés, de mères encore debout hurlant leur peine et prêtes à tout pour sauver leurs enfants malgré leurs cœurs brisés et angoissés. À genoux, meurtris, elles supplient pour que cela cesse. Elles voient leurs enfants qu’elles ont portés en leur sein, accros à la drogue, embarqués dans une douloureuse descente aux enfers. Jeunes, parents et familles dévastés, accompagnateurs inquiets et bouleversés. Tous tracassés devant la déchéance qui guette alors qu’une évidence insupportable siffle à l’oreille : ils sont tous impuissants !

Vendre la mort en petite dose est un crime odieux. Il n’y a pas de solution miracle pour stopper cette chute. La drogue et ses méfaits ne vont pas disparaître comme par magie. Partout, elle détruit et sabote des vies promises à un avenir meilleur.

Il faut se rendre à l’évidence que la société dans laquelle nous vivons est en souffrance. Elle n’est pas malade, mais en souffrance… Que faut-il faire ? En parler, avertir, attirer l’attention sur ce qui se passe… ? Cela se fait déjà ! Alors, que faut-il faire d’autre ? Il y a la nécessité d’une prise de conscience collective.

Nous ne sommes pas tous tenus d’être de bons Samaritains prêts à aider coûte que coûte. Être conscient de ce monde écrasé, agité, est déjà un bon commencement. Par ailleurs, des ONG et d’autres associations aguerries vont au cœur même de ces lieux où se trouvent les personnes éprouvées. Il y a des mains tendues, et même si la souffrance n’est pas enlevée, elle est tout au moins écoutée, entendue. Et cela soulage déjà.

Les faits divers défilent sur les réseaux sociaux, banalisés à cause de leurs nombres inquiétants et indécents, et par la rapidité avec laquelle ils passent sous nos yeux. “Encore un meurtre ! “— “Encore une overdose ?” Et puis… Je zappe, tu scrolles et nous passons à autre chose. Un autre fait divers succède alors à un autre. Un désastre chasse l’autre.

Coup de gueule ou est-ce un coup de bec dans l’eau ? À quoi cela sert-il au final de s’offusquer, de s’étonner, d’être outrés, de s’inquiéter ? Je ne le sais pas.

2022 tire bientôt sa révérence. Le monde est encore désorienté et fragilisé. Ne restons pas inattentifs aux peines qui guettent 2023, mais soyons plutôt éveillés pour affronter avec courage et détermination tout le tralala qui nous attend.

Seuls, on peut désespérer et se décourager, mais “ensemble, on va plus loin.” C’est cela que nous devrions noter à l’encre bleue, sur un bout de papier, déposé sur notre table de chevet.

Et rappelons-nous qu’il y a toujours la beauté du jour qui se lève et la grandeur du soleil couchant qui sont au rendez-vous. Il y a encore la merveille d’un bouton de rose qui éclot et de petits êtres qui bourgeonnent dans le ventre des femmes.

Tout cela est autant de petites et de belles choses qui s’apprêtent joliment et gaiement chaque fois et se parent de beauté pour nous réjouir quotidiennement avec la même délicatesse.

Le Mauricien du lundi 21 novembre 2022

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