Covid-19 : les opérateurs touristiques de Rodrigues au bord du gouffre

La date du 30 décembre évoquée pour la reprise des vols commerciaux.

  • 10 à 15 vols de rapatriement prévus jusqu’à fin décembre
  • « Les licenciements risquent d’engendrer une crise sociale »

Il n’y a toujours pas de vols commerciaux vers Rodrigues, alors que plusieurs dates pour la réouverture avaient été annoncées, dont celles du 1er octobre et du 15 novembre. Mais l’île a fait le choix de demeurer repliée sur elle-même. Il faut dire que l’évolution de la situation sanitaire à Maurice fait peur aux Rodriguais, craignant de voir se reproduire le même schéma que Maurice et de subir ainsi le scénario catastrophe vécu actuellement par les Mauriciens. Mais parallèlement à la peur d’une explosion de cas se joue un autre drame pour les opérateurs touristiques : la peur d’avoir à mettre la clé sous le paillasson compte tenu du poids des dettes accumulées.

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L’industrie touristique locale, qui représente près de 80% de l’économie rodriguaise, reste sinistrée depuis plusieurs mois, et l’angoisse monte chez les opérateurs, dont beaucoup sont déjà au bord du gouffre financier. Comme ils le confiaient au journal local Koze Rodriguais : « Poule ki ponn ki konn so douler. » Une phrase qui en dit long sur la situation… L’espoir créé par l’annonce de diverses dates de reprise de la liaison aérienne commerciale a maintenant fait place à l’angoisse. « On avait communiqué des dates pour, à la dernière minute, se raviser et garder les frontières fermées. Désormais, nous craignons le pire pour notre business », fait valoir un petit entrepreneur.

La situation devient intenable financièrement, avec les dépenses fixes qui tombent implacablement chaque mois, malgré les mesures d’aide déployées par le gouvernement régional, et qui ne font que régler le problème en surface alors que le feu couve sous les cendres… Pire : lors d’une récente réunion, qui a rassemblé le gros des opérateurs de l’industrie touristique et des représentants de l’autorité régionale, c’est la date du 30 décembre qui a été évoquée pour la réouverture des frontières rodriguaises. Mais rien n’a été décidé officiellement à ce stade, et c’est bien là le problème. Résultat, le secteur touristique est dans le flou total, n’ayant aucune idée sur la date à laquelle l’île va de nouveau accueillir la clientèle touristique mauricienne et étrangère.

Saisies et licenciements

Un restaurateur s’inquiète pour l’avenir de son petit business. « Nous pensions que le 15 novembre allait être la réouverture. Finalement, ce n’est pas le cas. » Celui-ci souligne que la situation des opérateurs dans l’île devient critique et que beaucoup n’ont plus de fonds sur le compte de leur compagnie. Des saisies pourraient bientôt être à l’agenda pour certains et les licenciements deviendront inévitables.

Les opérateurs sont tendus, de même les quelque 300 employés du secteur et autres micro-entreprises qui dépendent de l’industrie touristique pour survivre. « Le gouvernement a introduit le travail alternatif, équivalent du WAS, avec les employés déployés sur d’autres sites pour travailler, avec la participation financière du gouvernement régional. C’est positif, mais les charges fixes sont toujours là, les factures tombent en fin de mois, avec l’électricité, le téléphone, l’Internet, le loyer, etc., à payer. Nous finirons par faire faillite », fait-on comprendre.

Le principal souci pour un hôtelier, c’est le manque de visibilité et de communication sur la date de réouverture. Et même pour la date du 30 décembre, il explique qu’il « n’y a pas eu de décision claire et précise à ce stade ». Selon des témoignages recueillis sur place, les autorités rodriguaises n’ont fait qu’évoquer 10 à 15 vols de rapatriement jusqu’à fin décembre. « Ces vols sont surtout organisés sous la pression de parents d’étudiants qui se trouvent à Maurice », dit-on.

Entre-temps, l’industrie touristique est au point mort et les mesures d’aide mises en place pourraient ne pas suffire pour sauver certaines entreprises en proie à d’énormes pertes après dix mois d’arrêt de travail. « Je perds de l’argent tous les mois. Je ne me paie même pas de salaire. Mon entreprise est déficitaire et ma trésorerie est en train de fondre comme neige au soleil », confie un petit entrepreneur.

Les banques réclament leur dû

Et selon les opérateurs touristiques interrogés, les autorités rodriguaises ne veulent pas entendre parler de l’éventualité de licenciements et de faillites lors de réunions. « Ils ne font que rappeler les mesures qu’ils ont mises en place à chaque fois, en se vantant des millions pour sauver les emplois. Mais l’équation n’est pas si simple et cela ne suffit pas à sauver les entreprises. Certes, ces mesures sont d’une grande aide, mais elles ne suffisent pas à contenir l’hémorragie et beaucoup de banques ne donnent plus de moratoire pour le remboursement des emprunts. Elles réclament leur dû », s’appesantit-on.

« Nous avons besoin d’une date de réouverture précise afin de pouvoir faire notre planning de réouverture. Il y a une incertitude totale qui est compliquée à gérer avec nos partenaires commerciaux, et sans date, c’est très difficile de préparer la relance », explique un hôtelier. À ce stade il n’envisage pas de licenciement, mais « il faudra voir comment la situation va évoluer dans les prochains jours, sinon il faudra des solutions d’assistance plus fortes ». Et d’ajouter : « On ne sait pas combien de temps cette situation va durer. Rodrigues ne peut vivre repliée sur elle-même. »

Le manque de communication du gouvernement régional est également dénoncé subtilement. « Nous apprenons certaines décisions dans la presse rodriguaise ou mauricienne deux jours avant, et à chaque fois nous sommes pris de court… On ne sait plus sur quel pied danser. On nous a dit de nous vacciner, on l’a fait. On nous a dit de mettre en place le “Safe travel”, on l’a fait. Nous avons acheté les équipements pour la prise de température, etc. Et finalement, pas de réouverture ! » regrette-t-on.

La colère gronde dans les rangs des opérateurs : « ils ont peur de rouvrir par peur du virus, mais nous allons droit dans le mur et les licenciements risquent d’engendrer une crise sociale. »


La politique prend le dessus

Le gouvernement régional n’a de cesse de reporter la réouverture des frontières par crainte d’une hausse de cas de Covid-19, surtout dans un contexte où les élections régionales sont prévues dans quelques mois à peine, soit entre janvier et avril 2022. Et si les autorités régionales se voient confrontées à une hausse subite du nombre de cas de Covid-19, cela pourrait mettre en danger leur espoir de réélection. Et cela suffit à faire pencher la balance…


Mesures du conseil exécutif de Rodrigues

Le conseil exécutif de l’Assemblée Régionale de Rodrigues a approuvé les mesures à étendre en tant que soutien à différents secteurs dans le cadre du programme d’appui COVID-19, soit
exemption pour le paiement des installations de quarantaine à Rodrigues;
prolongation du programme de subsistance touristique et paiement de bonus de fin d’année à ceux qui sont prévus dans le cadre du programme.
l’extension du programme des personnes handicapées avec un parent accompagnant pour un séjour dans un logement touristique enregistré ou un repas dans un restaurant;
subventions aux opérateurs touristiques tels que guides touristiques, licences d’artisanat de plaisance, activités écotouristiques et entrepreneurs pour lea study tours dans les écoles primaires et secondaires;
subventions sur les coûts d’électricité pour certaines entreprises touristiques enregistrées;
subventions sur les produits de l’artisanat et de l’agro-transformés, y compris les fruits de mer séchés;
subvention sur la vente de viandes locales au cours du mois de décembre 2021; et
soutien aux artistes locaux à plein temps.

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