Un an après la réouverture des frontières : Manpower, Weak Link de la relance post-Covid-19

Les consultations trimestrielles GM-secteur privé, demain, appelées à décrasser la problématique de la main-d’œuvre étrangère que ce soit pour le tourisme ou pour les services financiers

- Publicité -

  L’AHRIM passe à l’offensive pour l’adoption d’une feuille de route s’échelonnant sur quatre ans avec le ratio d’un ressortissant étranger pour chaque trois salariés mauriciens

  Le Grand Argentier, Renganaden Padayachy : “L’objectif est de trouver des solutions aux challenges pour permettre à l’économie d’atteindre sa vitesse de croisière”

Exactement un an de cela, Maurice et en particulier l’industrie touristique, l’un des piliers de l’économie, misaient gros sur la réouverture des frontières. Et cela après 18 mois d’arrêt total !  Certes, l’évolution des principaux indicateurs économiques montre des signes positifs par rapport aux deux précédents exercices financiers passés sous cloche, dont entre autres un taux de croissance maintenu à 7,2% pour cette année. C’est ce qu’indiquent les dernières données officielles des National Accounts, publiées par Statistics Mauritius, vendredi dernier. Il n’empêche que la prochaine Public-Private Sector Meeting sur l’économie, convoquée demain sous la présidence du ministre des Finances, Renganaden Padayachy, ne se contentera pas de ce satisfecit, même si pour les deux précédentes années fiscales, la croissance était de -14,6% et de +3,7% respectivement.

Tout laisse croire que les délibérations publiques-privées seront dominées par le fait que manpower is the weak link (maillon faible) de la relance post-Covid-19. L’Association des Hôteliers et des Restaurateurs de l’Ile Maurice (AHRIM), qui regroupe 85% des opérateurs dans ce secteur, tire la sonnette d’alarme au sujet des difficultés rencontrées pour recruter de la main-d’oeuvre sur le marché local. Cette situation ne se résume pas au seul hospitality sector. D’autres filières doivent affronter ces mêmes contraintes, mais à des degrés moins criards dans la conjoncture.

D’ailleurs, on prête l’intention à Business Mauritius de venir de l’avant de manière incessante avec une étude sur le terrain pour baliser des challenges à ne pas occulter, à savoir “the population issues (size, ageing and migration) labour market issues following economic growth and development strategy and national education, including vocational training issues”. Jusqu’ici, le patronat a évité de s’étendre sur les findings de cette radioscopie socio-économique. À ce week-end, aucune indication si Business Mauritius lèvera le voile sur les problèmes structurels identifiés en termes de manpower ou encore les solutions envisagées dans la perspective de consolider les acquis pour assurer la reprise post-Covid.

Interrogé par Week-End au sujet de cette nouvelle séance de travail entre des représentants du gouvernement et les capitaines de l’industrie et aussi bien que les opérateurs de différents secteurs, le ministre des Finances situe l’enjeu de ces échanges. “Ces présentes consultations trimestrielles interviennent à un moment crucial. D’abord, c’est la fin du premier trimestre de l’exercice budgétaire en cours. Puis, cela fait un an que le pays avait rouvert ses frontières, dont entre autres pour accueillir les touristes. Le moment de faire le bilan non seulement en termes de progrès positifs, mais surtout en termes de problèmes, de difficultés et d’obstacles à surmonter en vue d’atteindre la vitesse de croisière”, fait-il d’emblée comprendre.

Poursuivant, Renganaden Padayachy concédera que “ce sera également une plateforme pour établir le bilan de la pandémie du Covid-19 par rapport aux mesures entérinées et les résultats obtenus. Nous devons nous exprimer. Nous devons dire les choses telles qu’elles sont pour pouvoir identifier les contraintes se dressant sur la route de la pleine capacité économique, dans laquelle nous sommes engagés de manière irrémédiable”, dira-t-il.

“Nous sommes dans une situation dynamique et nous n’avons pas le droit de rester figés. Évidemment, j’ai des convictions profondes. Mais je ne suis nullement dogmatique, dans la mesure où j’ai une approche libérale aussi bien que keynésienne en matière de politique économique”, ajoute-t-il.

À ce stade, le Grand Argentier évite de faire l’autruche sur la question de la nécessité d’avoir recours à la main-d’oeuvre étrangère pour soutenir la croissance dans cette phase de transition.

Tourisme : déficit de 1 500 employés

Une indication que le débat a été initié sur la question au sein du Conseil des ministres, alors que le ministre du Travail et des Relations industrielles, Soodesh Callychurn, intervenant lors d’une journée de réflexion à l’École Hôtelière Sir Gaëtan Duval sur l’avenir du tourisme, a apposé un veto des plus catégoriques à toute importation de la main-d’oeuvre étrangère dans l’hôtellerie.

À ce stade, sans vouloir anticiper toute décision de la part du gouvernement, Renganaden Padayachy avance sans plus que “j’ai dit à Jocelyn Kwok de l’AHRIM que nous devons travailler en vue de trouver des solutions aux problèmes qui ont surgi dans le secteur de l’hôtellerie.” Aucun doute que ce dossier sera évoqué en priorité lors de la Public-Private Sector Meeting de demain.

En tout cas, l’AHRIM  est déjà armée en termes d’arguments pour plaider la cause en faveur du  recrutement de ressortissants étrangers au sein du personnel des établissements hôteliers. D’ailleurs, en urgence, les tourism hospitality big players affirment accuser un déficit de quelque 1500 employés pour faire face au nouveau dynamisme de croissance touristique d’ici à la fin de cette année. “Immediate requirements of AHRIM Hotel Members, which account for about 85% of hotel room inventory, are 1500 workers whereas requirements for whole industry are much higher obviously”, a soutenu le Chief Executive Officer de l’AHRIM, Jocelyn Kwok, lors de la présentation de l’Overview of the Human Resources Challenges in the Tourism and Hospitality Industry à l’École hôtelière Sir Gaëtan Duval.

Brossant un tableau de la situation de l’emploi dans le tourisme, l’AHRIM avance que “since the reopening in October last year, tourism and hospitality cannot recruit the numbers required”. Alors que depuis mars 2020 l’hôtellerie a été délestée de son personnel, passant de 32 253, dont 25039 dans les large hotels, à 27858, dont 21 693 chez les gros opérateurs, à la fin de mars de l’année dernière. “March 2022 figures now show no movement between 2021 and 2022”, ajoute le CEO de l’AHRIM, tout en indiquant que dans la catégorie des petits hôtels, le personnel se monte à 35 159, selon les données de 2018.

L’AHRIM constate que cette hémorragie est la conséquence d’une conjugaison de facteurs, dont entre autres “strong competition from increasing number of operators within and outside of industry (cruise, all hosting establishments in health, old age and education, serviced accommodation, food outlets, caterers, etc)”. De ce fait, les multiples job fairs consacrées à l’hôtellerie et aux offres d’emploi n’ont pas donné les résultats escomptés “despite meaningful offers and competition among employers”.

À ce même chapitre, Jocelyn Kwok ne manquera pas d’ajouter que “former Tourism and Hospitality workers are not coming back and input/output of EHSGD and other institutions are not sufficient and output not always entering the industry”. Il reconnaît que le secteur de l’hôtellerie a ses spécificités vu que “in spite of advanced technology, the industry remains labour intensive compared to others and labour requirements are still high and industry-specific on food and beverages, housekeeping and food production”.

Solutions durables

Littéralement à la veille de la prochaine saison de pointe, soit celle de la fin de l’année, l’AHRIM tente de jouer son va-tout pour forcer une décision en déverrouillant le cadenas de la main-d’oeuvre étrangère. À la réunion de demain, il faudra s’attendre à voir les grosses pointures de l’hôtellerie répondre de manière positive à l’appel du ministre des Finances pour un dialogue ouvert en vue de concrétiser des solutions durables.

Néanmoins, l’AHRIM a déjà les bases de la feuille de route avec “immediately open foreign labour to the industry (all TA licensed establishments) to the tune of 1 foreigner allowed for every 3 permanently employed locals”. À coup sûr, cette demande sera réitérée devant le ministre des Finances avec en complément une série de propositions pour assurer l’encadrement du personnel hôtelier à tous les niveaux.

Ainsi, l’AHRIM retient six autres composantes, à savoir :

l “Engage immediately on a proper HRD plan over same 4 years, with HRDC support ;

l “Study and scope labour migration, circular migration and employment in cruise sector and other competing ones ;

l “EHSGD to boast its ambitions and develop its plan – recruitment, MOU with foreign institutions, placement students;

l “Include all public institutions — Polytechnics, UTM, UDM, etc. and private ones as well ;

l “Engage in the reinsertion of those who dropped out of the system, improve RPL, etc ;

l “Engage the industry  operators with cross border investments”.

Toutefois, conscient de la réticence susceptible de gagner en intensité contre le recours à la main-d’oeuvre étrangère dans le circuit des hôtels et des atteintes au concept service with a smile, le CEO de l’AHRIM s’appesantit sur le fait que “the strength of the Mauritian hospitality model (local people welcome guests from all over the world) depending on the specific establishment’s market-facing position, should not be an obstacle to a national policy of employment of foreign labour in the industry”.

Le débat est lancé irrémédiablement avec l’AHRIM ayant déjà essuyé une première salve du ministre du Travail et l’opposition extra-parlementaire en particulier remettant en cause cette solution (voir texte plus loin).

L’aile jeune du MMM dit non

Zenes Militan s’élève contre la demande de l’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM) pour procéder à l’importation de la main-d’oeuvre étrangère. C’est ce qui ressort d’un communiqué émis en cours de semaine « Rasinn problem-la vinn plis depi enn mismatch ant latant ki bann travayer, sirtou zenes, ena de zot kondision travay ek propozision ki bann anplwayer pe kapav fer azordi », fait-on comprendre du côté de l’aile jeune du MMM. “Bann akter sekter lotelri ki de-z-an de sela ti met lame dan pos Morisien avek benediksion batiman trezor atraver Mauritius Investment Corporation (MIC) pou ki zot pa fer lapert depi zot kapital”, s’indigne Zenes Militan. Réaffirmant que le recours à la main-d’œuvre étrangère n’est pas la solution au problème, l’aile jeune du MMM fait un appel «a tou bann travayer sekter lotelri zwenn avek nou pou fer bar sa proze-la ek obliz bann anplwayer revwar zot bann kondision danplwa pou tou travayer».

Linion Pep Morisien objecte

Linion Pep Morisien n’a pas tardé à réagir contre la démarche du corporate sector du tourisme pour recruter de la main-d’oeuvre étrangère. José Moirt a été le principal porte-parole à ce titre. Mais il n’y a pas que le tourisme qui inquiète, car Dev Sunnasy a également écrit officiellement au Premier ministre, Pravind Jugnauth, par rapport à la situation annoncée dans le secteur des TIC.

José Moirt dénonce l’attitude Ponce Pilate du Deputy Prime Minister et ministre du Tourisme, Steven Obeegadoo, dans la conjoncture avec l’emploi à la croisée des chemins dans l’hospitality sector. « Lindiferans Obeegadoo pou travayer tourism revoltan. So lindiferans ek so larogans. Sa bann travayer-la se bann frontliners enn pilie lekonomi. Enn mo li pann dir lor sa deba si bizin pran travayer etranze-la. Lafwit talan ek servo pa so traka sa ! » déclare-t-il.

Linion Pep Morisien prévoit une campagne contre toute éventualité. « Si zame travayer etranze rantre, zot lavi pou vinn enn martir. Anplwayer pou fer seki zot anvi ar zot. Fer nou kone si zot trouv travayer etranze, nou pou al divan laport lotel-la », prévient José Moirt.

De son côté, Dev Subassy met en garde contre toute velléité de “outsourcing of the data economy and digital government of Mauritius”. Dans cette correspondance à Pravind Jugnauth, il prend pour cible le ministre de tutelle pour son projet de partenariat avec le National Informatics Centre de l’Inde. “Local ICT companies have all competencies and are looking to grow their customer base”, déclare Dev Sunnasy, un spécialiste de ce secteur, en rappelant que “Digital Outsourcing (ICT and Fintech) represent a huge opportunity for our youth, those leaving universities, MITD or Polytechnics Mauritius. Only an unpatriotic idiot could take any decision that would hamper the growth of our knowledge economy, when these young graduates would not find a proper well-paid job in a local company or simply leave for greener opportunities abroad”.

Secteur bancaire — Face à la Double-Digit Inflation,
le Key Repo Rate porté à 3%

    Avec un Significant Pick-Up dans le Baltic Dry Index, la Banque de Maurice craint une reprise des High Freight Costs

   Statistics Mauritius confirme le taux de croissance de 7,2% de juin et des prétentions de 200,8% pour le tourisme avec l’objectif du million contre 179 780 l’année dernière

Avec le taux d’inflation s’installant dans le double-digit territory, soit la year-on-year inflation s’affichant à 11,5% à la fin du mois d’août, la révision du Key Repo Rate (KRR) était devenue incontournable. Ainsi, à la réunion du Monetary Policy Committee de la Banque de Maurice de mercredi, la hausse de 75 points, portant ce taux à 3%, soit presque le double des 1,85% d’août 2020, a été entérinée comme une lettre à la poste.

À ce titre, le gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Seegoolam, s’est évertué à être rassurant en affirmant que “even if we are witnessing increases in rate, the Key Repo Rate is still far from the one of the pre-COVID times, that is a Key Repo Rate of 3.35% of November 2019.”

L’annonce de cette décision est intervenue à la mi-journée au lieu de l’heure habituelle après la fermeture des banques comme c’était le cas en général. Ainsi, les banques commerciales procèdent depuis la fin de la semaine dernière à des ajustements de leurs barèmes de taux d’intérêt imposés sur des prêts et autres facilités bancaires accordées et les clients, qu’ils soient des individus ou du corporate sector, qui vont en faire les frais. D’autre part, en ce début de quatrième trimestre, Statistics Mauritius confirme que le taux de croissance est maintenu à 7,2% pour cette année, contre les 3,7% de l’année dernière.

L’inflation, avec pour résultante la perte du pouvoir d’achat des ménages, reste une préoccupation majeure dans la conjoncture. D’ailleurs, le Monetary Policy Committee de mercredi souligne que “price dynamics in Mauritius remain under the influence of external factors, notably the Russia-Ukraine war that continues to affect global food and energy prices, protracted supply-chain disruptions and freight costs.”

À ce dernier titre, la Banque de Maurice relève que depuis le mois de septembre, le Baltic Dry Index montre des signes de picking up, avec des risques potentiels de “still high freight costs” comme cela a été le cas ces derniers temps. Dans l’immédiat, la tendance laisse voir que taux de year-on-year inflation a atteint 11,5% à la fin du mois d’août.

D’ailleurs, l’analyse de la dernière édition de l’Inflation Expectation Survey indique qu’une majorité à 80% avait trouvé que le taux d’inflation de 8,4%, enregistré en juillet dernier était très élevé, alors qu’une infime majorité, soit 4,4%, l’avait qualifié d’approprié. Les principaux facteurs ayant influencé cet indicateur économique sont dans l’ordre les facteurs externes, le taux de change de la roupie, pour ne pas dire la dépréciation accélérée, et des changements dans la demande.

Statistics
Mauritius maintient la barre d’un
million de touristes

Alors que la Banque de Maurice prévoit un taux de croissance de 7,4% pour cette année, Statistics Mauritius a préféré la prudence en reconduisant ses projections de 7,2%, établie à l’heure de la présentation du budget en juin dernier. L’un des rares secteurs économiques à pouvoir prétendre une croissance en hausse n’est autre que le tourisme avec un taux de 200,8% par rapport à l’année dernière. Toutes les autres lignes d’activités sont en berne.

Statistics Mauritius maintient la barre d’un million de touristes cette année. La Banque de Maurice se retrouve sur la même longueur d’onde, ajoutant que les recettes brutes s’élevaient à la fin du mois d’août à Rs 34,5 milliards avec 557 245 visiteurs et une hausse d’un point dans la durée de séjour, qui est en moyenne de 12,8 jours.

Les prévisions dans les autres secteurs d’activités se déclinent comme suit selon Statistics Mauritiuus :

l agriculture : croissance de 2,8% cette année contre 7,2% en 2021, dont une contraction de 7,2% dans la production sucrière, soit de 240 000 tonnes

l manufacture : à 5,4% contre 8,3% l’année dernière, avec le textile en baisse, soit 2,9% contre 8,9% l’année dernière et les Export Oriented Enterprises (EOE) à 4% contre 6,5%

l construction : une croissance nominale de 1% en nette régression comparativement aux 22,7% de 2021

l commerce en gros et au détail : prévisions de 2,2% contre 4,1% à décembre de l’année dernière

l transport : une perte de 0,7 point pour se retrouver à 2% en décembre

l TIC : 3,9% et loin des 7,1% de 2021

l services financiers : ralentissement à 3% comparativement aux 4,6%

l activités professionnelles: en baisse à 4,1%

l administration publique: croissance robuste de 5% cette année contre 0,9% l’année dernière et

l les autres services : 10,4 contre 5,7% en 2021.

D’autre part, un autre facteur déterminant dans la reprise économique demeure l’évolution des crédits bancaires aux secteurs productifs de l’économie. Dans ses commentaires post-Monetary Policy Committee de mercredi dernier, le gouverneur de la Banque de Maurice fait état d’une accélération notée entre juillet de lannée dernière et avril de cette année.

“The annual growth rate of bank credit to the private sector accelerated to 3,1 per cent in July 2022, from 1,8 per cent in April 2022. Bank credit to households continued to expand strongly, reaching 14,5 per cent in July 2022, up from 11,8 per cent in April 2022. Credit to the corporate sector contracted by 3,5 per cent in July 2022, at a slower pace than the 3,9 per cent contraction recorded in April 2022”, déclare-t-il.

 

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -