Gilbert Espitalier-Noël : « Inquiet de l’impact du réchauffement climatique sur les plages et les lagons »

En marge de la publication des résultats financiers du Beachcomber Resorts & Hotels pour les neuf premiers mois de l’exercice financier prenant fin en juin et qui affichent des profits de l’ordre de Rs 1,8 milliard, Le Mauricien a rencontré Gilbert Espitalier-Noel, Chief Executive Officer (CEO) de Beachcomber Resorts & Hotels. Il évoque le rôle joué par les hommes et les femmes dans le succès de l’industrie touristique mauricienne. Il se dit satisfait de la solidarité extraordinaire ayant prévalu tout au long de la crise sanitaire provoquée par le Covid-19 entre les différents opérateurs de l’industrie touristique ainsi qu’entre les secteurs public et privé. Alors qu’il s’apprête à quitter ses fonctions à la tête de Beachcomber pour assurer la direction du groupe ENL, il dit sa reconnaissance du soutien reçu de l’ensemble des artisans du groupe hôtelier et profite de l’occasion pour les remercier vivement. Finalement, il ne cache pas son inquiétude de l’impact du réchauffement climatique et de la montée des eaux.

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Beachcomber Resorts & Hotels vient de publier des résultats records. Que ressentez-vous alors que vous vous apprêtez à assumer d’autres responsabilités ?

Nous venons, en effet, de publier des résultats exceptionnels pour les neuf mois au 31 mars 2023 et nous nous attendons à une performance record pour les 12 mois se terminant le 30 juin 2023.
Je quitterai, fin juin, mon poste de CEO de NMH avec le sentiment qu’en équipe, nous avons réussi une transformation en profondeur qui porte ses fruits. Le groupe a aujourd’hui des opérations solides et très profitables, des actions environnementales et sociétales impactantes, une marque forte ainsi que des artisans engagés et motivés. C’est donc avec une certaine satisfaction que je passerai le flambeau à mon successeur dans quelques semaines.

La COVID-19 a été un moment difficile pour tout le pays et a fortement impacté l’industrie touristique. Comment cette période vous a-t-elle marqué ? Quelles sont les leçons qui peuvent être tirées ?

Bien évidemment, la période Covid-19 a été exceptionnellement difficile pour tous les Stakeholders de l’industrie touristique mauricienne. Le manque de visibilité quant à la réouverture et à la reprise était particulièrement angoissant et rendait toute planification compliquée.
Garder l’espoir chez les 5 000 employés du groupe, dont une bonne partie n’était pas au travail, a été difficile. J’ai été très heureux et satisfait de la solidarité extraordinaire qui a prévalu tout au long de cette crise entre les différents opérateurs de l’industrie ainsi qu’entre les secteurs public et privé.
La première leçon que je retiendrai est que l’impossible peut arriver. La seconde est qu’il y a toujours une solution et qu’il ne faut donc jamais baisser les bras.

À la lumière de ses derniers résultats financiers, Beachcomber a retrouvé sa vitesse de croisière. Les problèmes de la dette ont-ils été surmontés ?

La dette du groupe est toujours trop élevée. Les bonnes performances opérationnelles du moment, qui, nous l’espérons, dureront un certain nombre d’années, permettront de partiellement réduire les ratios d’endettement. Par ailleurs, nous travaillons sur des initiatives fortes afin d’accélérer la réduction de cette dette.

Les relations humaines au sein de Beachcomber occupent une place importante dans la stratégie de l’entreprise. Quel est votre secret pour motiver le personnel de l’entreprise ?

Nous n’avons aucun secret. Nous croyons en revanche très fortement que le succès de l’industrie touristique mauricienne repose avant tout sur les hommes et les femmes qui animent au quotidien nos opérations et accueillent nos clients.
Beachcomber a toujours caractérisé cet accueil mauricien légendaire et nous nous assurons que la nouvelle génération, qui rejoint nos hôtels, perpétue ce sens exceptionnel de l’hospitalité mauricienne.
Pour ce faire, nous portons beaucoup d’attention à nos relations industrielles que nous consolidons à travers notre Artisan Value Proposition. Nous nous assurons aussi de rester un employeur de choix en valorisant tous les métiers, en apportant une formation continue et en offrant une participation aux profits de l’entreprise à tous les employés. Cette année, nous distribuerons un montant de Rs 200 millions comme boni au-delà du 13e mois.

On a beaucoup parlé de problèmes de recrutement au niveau de l’industrie touristique en général. Est-ce qu’une solution a été trouvée à cet enjeu ?

Il est vrai que la reprise post-Covid-19 a été difficile à ce point de vue et nous déployons toutes nos ressources afin de rendre notre industrie plus attractive à l’emploi, surtout pour les jeunes. Il est important de bien mesurer l’aspiration qu’ont les jeunes d’aujourd’hui de contribuer positivement à la société. Ils ont un grand besoin que leur travail, au-delà de la rémunération, soit aussi porteur de sens.
Je suis convaincu que l’industrie touristique, avec ses nombreux impacts positifs sur la vie économique et sociale du pays, peut répondre à cette aspiration. Et, au sein de Beachcomber, nous y travaillons activement. Je pense donc que la crainte envers l’industrie suscitée par la récente crise va progressivement s’estomper et les mesures prises pour attirer les talents porteront leurs fruits.

La Fondation Espoir Développement Beachcomber (FED) joue un rôle majeur dans le cadre de la CSR du pays. Pouvez-vous faire le point sur ses activités ?

La FED est une des grandes fiertés de Beachcomber. En 1999, nous avons été la première entreprise mauricienne à créer une Fondation pour agir en faveur de l’inclusion socio-économique des personnes en situation de précarité. Nous menons deux principaux programmes. Le Projet Employabilité Jeunes (PEJ), lancé en 2004, a formé 3 500 jeunes aux métiers de l’hôtellerie. Plusieurs d’entre eux font aujourd’hui carrière chez Beachcomber et dans d’autres groupes hôteliers à Maurice. Certains travaillent sur des bateaux de croisière et d’autres encore évoluent dans l’hôtellerie à l’international.
Le programme Beautiful LocalHands, initié en 2006, accompagne une cinquantaine de petits artisans, surtout des femmes en situation de précarité économique, dans la création de produits artisanaux destinés au marché touristique. Leurs produits sont mis en vente dans nos Beachcomber Boutiques.
La FED a obtenu un fonds de près de 400 000 euros de l’Union européenne pour initier le projet Vulnerable Lives Matter . C’est reconnaissance forte de nos actions contre la pauvreté et l’exclusion.
Nous avons encore de nombreux projets pour contribuer à l’intégration. La FED a d’ailleurs récemment lancé deux nouvelles initiatives : l’Atelier Ravanne et le PEJ Accélérateur.

Les clients sont de plus en plus sensibles aux enjeux du développement durable. Concrètement, comment est-ce que Beachcomber réconcilie performance économique et enjeux environnementaux ?
Je pense que les deux sont étroitement liés et nullement en conflit. Nous ne pouvons envisager une performance économique pérenne, sans tenir compte des enjeux du développement durable. Beachcomber est engagé dans la mise en œuvre de pratiques respectueuses de l’environnement depuis de très longues années et d’ailleurs a été un précurseur dans ce domaine à Maurice.
Nous avons franchi des étapes décisives avec notre engagement dans la démarche de certification environnementale EarthCheck en 2015 et le lancement de la Charte de nos 52 Engagements Environnementaux et Sociétaux en 2019.
Cette année, notre siège et deux de nos hôtels, Dinarobin Beachcomber Golf Resort & Spa et Paradis Beachcomber Golf Resort & Spa ont obtenu la certification EarthCheck Gold, qui est une des plus hautes distinctions mondiales dans ce domaine.
Concrètement, cela signifie : plus de 40% de déchets recyclés, des panneaux photovoltaïques installés sur les toits de quatre de nos hôtels, une politique de zéro plastique à usage unique, des unités de dessalement mis en place dans trois hôtels, l’arrosage de nos jardins avec de l’eau recyclée en provenance de nos stations d’épuration, etc.

Comment voyez-vous l’avenir de l’industrie touristique à Maurice ? Avez-vous une meilleure visibilité par rapport à cette année ?
Les perspectives pour les prochains mois sont bonnes même si les réservations de dernière minute semblent prendre de l’ampleur. Il est néanmoins vrai que la situation internationale est incertaine et évolue rapidement tant sur le plan politique qu’économique. Il serait donc imprudent de ma part de m’aventurer sur des prévisions à moyen et long terme.
L’industrie touristique, surtout dans une ile éloignée des marchés émetteurs comme la nôtre, reste très fragile. L’histoire a montré que des facteurs aussi variés qu’imprévus peuvent subitement mettre à mal une situation jusqu’alors confortable. Il nous faut donc continuer à consolider nos acquis et sans cesse améliorer notre offre afin d’augmenter notre résilience.

Quels sont les défis auxquels elle est confrontée ?
Je suis particulièrement inquiet de l’impact du réchauffement climatique et de la montée des eaux sur nos plages et nos lagons. L’érosion de certaines de nos plus belles plages en est malheureusement un exemple concret. Il est, à ce titre, important et urgent qu’une approche nationale holistique et réaliste soit adoptée afin de protéger nos plages publiques ainsi que celles de nos hôtels.
De plus, nous, les Mauriciens, devons porter une attention particulière à l’accueil de nos visiteurs en adoptant des comportements responsables et respectueux : c’est la nation tout entière qui accueille le touriste ; nous avons chacun la responsabilité de nous assurer qu’il ait la meilleure expérience possible, où qu’il aille.

Going back memory lane, quels souvenirs garderez-vous des huit ans à la tête du plus grand groupe hôtelier du pays ?
Je ne vous cache pas que mes premières années chez Beachcomber ont été particulièrement difficiles, le groupe connaissant, au moment de ma prise de fonction, de grosses difficultés. Cependant, je retiendrai de ces huit années la satisfaction d’avoir construit et mené une équipe performante, solide et soudée qui a réussi la transformation du groupe.
Je suis reconnaissant du soutien reçu de l’ensemble de nos artisans et je profite de l’occasion pour les remercier vivement. Je suis aussi très heureux du turnaround de toutes nos opérations à l’étranger. Elles contribuent aujourd’hui à une partie significative des profits du Groupe alors qu’elles étaient largement déficitaires à mon arrivée. Mon poste chez Beachcomber m’a permis de participer à la réflexion stratégique de l’industrie touristique, pour laquelle j’ai aujourd’hui un profond attachement.

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