Gilberte Chung, directrice du SeDEC :« Les académies vont continuer à se battre pour les bourses »

« Même avec la mixité des niveaux, nos collèges arrivent à obtenir un pourcentage de réussite comparable aux meilleurs collèges d’État »

En recrutant les plus brillants étudiants à partir de grade 10, les académies pourront davantage s’octroyer la plus grosse part des bourses à l’avenir. En réponse à cette réalité, Gilberte Chung, la directrice du Service Diocésain de l’Éducation Catholique (SeDEC) est claire : « Les écoles catholiques ne doivent pas, ne peuvent pas, éduquer seulement l’élite. »

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l Le collège du Saint-Esprit est le seul établissement confessionnel catholique à avoir inscrit un lauréat dans la cuvée des boursiers 2020-21. Faut-il déceler là une régression dans la performance de l’élite des collèges catholiques ?

C’est notre réalité puisque nos collèges, de par notre choix dans nos critères d’admission, n’accueillent pas au départ en Grade 7 que des enfants avec les meilleurs résultats. Nous avons une mixité de niveaux avec des élèves qui sont entrés, certains avec les meilleurs résultats avec 1 dans toutes les matières (Aggregate 4) et d’autres avec 3 ou 4, donc des Aggregates allant jusqu’à 12 ou 14. Pour le public, il y a une régression, car on ne voit que les collèges d’État en tête de liste avec X nombre de lauréats. Le QEC se taille la part du lion avec 13 lauréates et le RCC avec 12. Entre collèges d’État, la compétition est féroce et ce sont ces collèges qui ont été transformés en académies dans le cadre de la réforme éducative du présent gouvernement qui vont continuer à se battre pour les bourses. Mais je suis sûre que certains de nos collèges catholiques continueront à avoir des lauréats. Il y a toujours des parents qui font le choix de laisser leurs enfants chez nous, et il y a encore des élèves brillants qui vont donner le meilleur d’eux-mêmes, sans avoir à évoluer dans un cadre « élitiste ». Mais s’il faut creuser, il faut se dire qu’au bout du compte, même avec la mixité des niveaux, nos collèges catholiques arrivent à obtenir un pourcentage de réussite comparable aux meilleurs collèges d’État. LCQB a 97% de réussite avec des élèves qui au PSAC avaient eu des Aggregates 4-12/14 ; QEC a 99% de réussite avec des élèves de PSAC qui ont toutes eu Aggregate 4. RCC et RCPL ont respectivement 98,5% et 98,1%, alors que le CSE a 94,05%. Nos collèges catholiques ne déméritent pas. Il y a simplement un intake différent.

l Ne pas s’être aligné sur le concept des académies n’est pas au final à la défaveur d’une élite qui a toute sa place dans notre système éducatif ?

C’est un choix. Le mot « élite » revient dans chacune de vos questions. Si un collège évolue seulement dans un système « élitiste », il y a une partie de l’humanité qui n’est pas prise en considération. Or, l’école est une mini société. L’école forme les citoyens de demain. Les écoles catholiques ne doivent pas, ne peuvent pas, éduquer seulement l’élite. Tout le monde a sa place. L’école catholique est au service de la société, au service de tous nos jeunes.

l Avec un taux de réussite de 90% pour les candidats mauriciens qui ont eu à concourir aux épreuves dans des conditions inédites à cause du Covid-19, diriez-vous que le ministère de l’Éducation a eu raison de maintenir l’organisation des examens pendant le lockdown ?

Le ministère de l’Éducation prend ses décisions en fonction des éléments d’information que lui donne le ministère de la Santé. Si les examens ont été maintenus, c’est que les risques ont été évalués. Il y a eu des moments de tension. La peur était palpable chez les parents et les enfants. Il y a eu les pluies torrentielles, un cas positif d’un surveillant pour les examens de PSAC… situation compliquée, mais au bout du compte, l’année scolaire s’est terminée avec les évaluations nationales et internationales. Et la nouvelle année scolaire a pu débuter.

l Cette présente pandémie a démontré la fragilité de l’emploi et que même les plus brillants des professionnels, y compris d’anciens lauréats, ont été frappés par le chômage. Qu’avez-vous à conseiller à ces jeunes boursiers et tous ceux qui vont consacrer les prochaines années à des études intensives ?

D’abord, mes félicitations à tous les jeunes de la cuvée 2020-21. Vous méritez encore plus nos encouragements, car vous avez eu à étudier dans des conditions inédites. Le chômage des diplômés était là avant la pandémie. Il s’est accentué au niveau national avec la fermeture des entreprises dans des secteurs spécifiques. En général, avant qu’un jeune diplômé ne puisse avoir un boulot « stable », il faut compter deux ans. Maintenant, les diplômés et jeunes professionnels auront peut-être à attendre plus longtemps. Un phénomène récurrent maintenant, c’est que certains jeunes entreprennent des études successives, allant d’un diplôme à un autre, et pas nécessairement dans la même filière. Vous verrez un ingénieur prendre un master en Project Management. Ou un diplômé en Fashion and Design prendre un cours en communication ou en Hotel Management. Parce qu’ils se rendent compte que le marché du travail est saturé et qu’il faut se réorienter. Ou encore, parce qu’ils se rendent compte que leur choix au départ était le mauvais. Il faut qu’ils aient les informations nécessaires sur des études de marché du travail pour savoir ce dont le pays a besoin. Quitte à savoir s’ils vont retourner au pays… Aux jeunes qui vont commencer leurs études, je leur dirai de prendre le temps nécessaire pour décider de leur choix de carrière. Très souvent, ils n’ont qu’une vague idée. Ils se lancent sans trop savoir s’il y a alignement entre ce qu’ils aiment faire, ce qu’ils veulent être et le marché du travail. Il est difficile pour eux de se projeter dans l’avenir, dans 10, 20 ans. Il y a des universités, surtout au Canada et en Amérique, où le jeune doit faire une année d’études générales, ce qui lui donne la possibilité de savoir vraiment ce qu’il veut prendre comme major. Chaque filière est vaste et souvent, le jeune n’a aucune idée de la panoplie de professions qui s’ouvrent à lui. Sinon, il n’y a pas de mal à prendre un gap year pour suivre des stages dans plusieurs filières avant de se lancer dans les études… Vous avez toute la vie devant vous. Prenez votre temps si vous n’êtes pas sûr. Dans tous les cas, je vous souhaite bonne chance et plein de succès.

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