A Paris, New York, et Bombay, la Bourse fait tourner la tête des particuliers

C’est devenu un rituel pour Alexandre, Parisien de 25 ans: deux fois par jour, il consulte le cours de ses actions en Bourse pour vérifier si leur ascension fulgurante entamée lors de la première vague du coronavirus se poursuit.

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Depuis mars, période durant laquelle de très nombreux particuliers se sont lancés dans le monde, son portefeuille affiche un gain d’environ 15% sur 6.000 euros investis, bien davantage que ce qu’il aurait pu espérer sur un compte d’épargne.

« Je suis sur des chiffres exceptionnels et j’en suis conscient », reconnait le consultant en stratégie digitale qui a préféré taire son patronyme, et qui a misé sur Airbus, Worldline et Ingenico. Lucide, il sait que « tout peut s’effondrer du jour au lendemain ».

L’Autorité française des marchés financiers (AMF) a constaté l’arrivée de 700.000 nouveaux investisseurs particuliers en Bourse depuis novembre dernier.

La banque en ligne Boursorama annonce à l’AFP une multiplication par trois des nouveaux clients sur sa plate-forme boursière, et par quatre des ordres effectués. Les nouveaux clients mettent en moyenne au pot 5.000 euros, précise-t-elle, qualifiant l’année 2020 de « remarquable ».

Tout s’est emballé mi-mars, au moment où l’indice CAC 40 connaissait sa pire semaine en 12 ans. Du rouge colorait alors l’ensemble des salles de marchés de la planète.

– « Investir en Bourse » –

La requête « investir en Bourse » sur le moteur de recherches Google a alors été multipliée par cinq par des Français voyant là une opportunité de se lancer à bon compte tout en occupant leurs longues journées.

Traduite en anglais, cette requête montre des résultats comparables du Royaume-Uni à Singapour en passant par l’Inde. Et, sans surprise, aux Etats-Unis. La part des investisseurs particuliers dans les échanges à Wall Street est passée à 20% cette année contre 15% en 2019 selon l’agence Bloomberg.

Parmi les nouvelles recrues, Gabriel Contassot, Français travaillant dans le design à New York, a investi 18.000 dollars depuis le 17 mars, au lendemain de la pire séance pour le Dow Jones en 33 ans.

« J’ai vu cette période un peu comme les soldes », s’amuse le trentenaire, qui surveille trois fois par jour son portefeuille composé des « gagnants » de la crise sanitaire, Zoom, Alibaba, Amazon et Tesla. Il affiche un gain virtuel de 30%, soit environ 6.000 dollars.

Comme de très nombreux boursicoteurs aux Etats-Unis, il n’a besoin que de son smartphone pour acheter et vendre des actions, branché sur l’application RobinHood, une plate-forme aux frais de gestion nuls et à l’ergonomie très étudiée.

– Déconnexion –

En Inde, cette technologie porte le nom de Zerodha ou Paytm Money et a permis au nombre d’Indiens qui investissent pour la première fois de bondir de 50% depuis mars, « avec beaucoup de femmes au foyer sans aucune expérience en la matière », d’après le consultant financier Aditya Joshi.

Les chiffres sont également en très forte hausse ailleurs en Asie.

Les entreprises cotées à Singapour ont reçu un afflux de 9,6 milliards de dollars singapouriens de la part des particuliers entre le 1er janvier et le 22 septembre, selon la Bourse locale. Le principal indice de la Bourse de Corée du Sud a vu des flux nets d’achats de particuliers de 37,7 milliards de dollars contre des ventes nettes de 6,4 milliards une année auparavant. Et fin mars au Japon, le nombre de comptes pour particuliers avait bondi de 72% par rapport à mars 2019, d’après la Financial Services Agency.

Cet engouement, à l’heure où la crise sanitaire est loin d’être terminée, suscite parfois des craintes, exprimées notamment par la Banque centrale indienne. Alors que le pays a subi une récession historique de 24% eu deuxième trimestre, « la déconnexion » entre les marchés financiers et l’économie « comporte des risques », a observé l’institution.

La Bourse malaisienne a pour sa part averti les jeunes investisseurs de prendre garde aux rumeurs et aux « célébrités de l’investissement » qui ont fleuri sur les réseaux sociaux.

« Je n’avais aucune notion sur le trading », confie Ayman Dassouli, un étudiant en France qui a vu s’envoler en fumée 3.000 euros sur la plate-forme eToro entre juin et août.

Mais avec des rendements parfois à deux chiffres pour de très nombreux investisseurs qui n’ont connu pour l’heure que d’éphémères moments de stress, l’irrépressible envie de faire partie du grand casino prend le dessus sur les craintes de tout perdre.

« Honnêtement je vois beaucoup d’opportunités dans cette pandémie », s’enthousiasme Dennis Chong, Malaisien de 47 ans, qui ne veut pas laisser ses économies dormir sur un compte d’épargne. Et qui s’enthousiasme: « C’est la fête. »

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