Jocelyn Lutchman (Candidat aux Villageoises) : « Le pays a évolué et les problèmes ne sont pas les mêmes que dans le passé »

Jocelyn Lutchman, détenteur d’un MBA et cadre d’une importante institution financière, a choisi de se jeter dans la bataille pour les élections villageoises. Cet habitant de Camp-des-Embrevades, Pamplemousses, âgé de 60 ans, pose sa candidature sous la bannière du Mouvement Socialiste Pamplemousses et son équipe a choisi comme symbole une fleur.

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Qu’est-ce qui pousse un cadre du secteur privé, de surcroît d’une institution financière, à se jeter dans les élections villageoises, et même à présider des réunions politiques ?
C’est vrai que les élections villageoises souffrent d’après moi, parfois, d’un problème de manque de candidatures. Beaucoup de personnes qui pourraient se porter candidats sont fonctionnaires et ne peuvent le faire. D’autres, qui sont dans le secteur privé, ne trouvent pas le temps, ou, dans le cadre de leurs entreprises, préfèrent rester neutres.

Personnellement, je n’étais pas trop intéressé parce que je pensais que vous pourriez en sortir avec un certificat d’incompétence. Je m’explique : dans le secteur privé, on vous donne le budget et les outils pour travailler. Les conseils de village ont un maigre budget. Leur rôle se limite, comme ci, à l’éclairage des routes et au ramassage d’ordures. Dans les grandes organisations, que ce soit du secteur privé ou du gouvernement, quand vous avez un problème d’éclairage ou d’ordures, vous téléphonez au chef planton ou à un clerc. Au niveau des villages, vous téléphonez au président ! Et pourtant, nous avons des fonctionnaires bien qualifiés à tous les niveaux. S’ils avaient le budget et si on les laissait planifier et travailler librement, je suis sûr qu’on n’aurait pas à téléphoner au président du village pour faire remplacer un lampadaire.

Cependant, quand des amis m’ont approché pour les élections, c’était parce que j’étais déjà dans le social et le sport au niveau de mon quartier. Les membres de l’équipe ne sont pas conseillers, mais sont déjà impliqués dans le social, à l’instar de Salim Jouman, qui est le président de “Force Vive” du quartier de Belle-Source et vice-président du Centre social de Pamplemousses, de même que Sunil Ramchurn, secrétaire du Karunanidhi Siv Mandir de Bois-Rouge. Finalement, on a vu qu’on était sur la même longueur au sujet de ce qui devrait être la mission d’un Conseil de village.

Nous croyons que le Conseil du village doit travailler au-delà de l’éclairage des routes et du service de voirie et du ramassage d’ordures. De nos jours, quand vous approchez vos conseillers pour un problème de sécurité routière et de drogue, vous entendez dire que ça ne tombe pas sous leur juridiction. À titre d’exemple, sur la route royale à Pamplemousses, à la croisée qui mène à la foire, communément appelée la croisée de Camp des Embrevades, c’est nous les villageois, à travers notre mouvement civique, qui avons entrepris directement les démarches au niveau des autorités pour ce qu’on appelle communément les boîtes jaunes et les lignes jaunes. Nous croyons que c’est le devoir du Conseil de Village de s’engager auprès des autorités concernées pour les projets et les problèmes du village quels qu’ils soient. Le pays a évolué et les problèmes ne sont pas les mêmes que dans le passé. On n’est pas là pour critiquer, mai on préfère présenter nos projets. Cependant, on est obligé de constater qu’il y a certains conseillers qui, de bonne foi, se targuent d’avoir de l’expérience, mais qui continuent à prescrire de la tisane ou du Panadol pendant des années, selon leurs habitudes. Leur bilan se résume au nombre de lampadaires/tubes installés. Même à Pamplemousses, le problème de drogue est inquiétant et les partis actuels n’y accordent pas une place prépondérante dans leur programme. Mais il faut que le Conseil du village, comme on dit, « take ownership ».

Parmi nos candidats, nous avons deux membres, Deven Applasawmy et Joanne Moutou, qui ont, dans le passé, travaillé avec la NATRESA et qui ne demandent qu’à aider. Deven Applasawmy a été dans le passé secrétaire du Comité Action national sous la NATRESA et a aussi été engagé au niveau du Mauritius Organisation Against Drugs and Aids. Il faut que le Conseil y croie, « think out of the box », hors des sentiers battus. De même pour la sécurité routière. Pamplemousses est un des endroits à Maurice, où le taux d’accidents de la route est le plus élevé. Il y a eu nombre d’accidents au niveau du rond-point de Beau-Plan. Il suffit de consulter les autorités pour l’installation de panneaux de limitation de vitesse et/ou l’installation de caméras avant le rond-point en venant du nord. Que ce soit au niveau de la sécurité routière ou de la drogue, beaucoup de préventions peuvent être faites avec l’aide gratuite des autorités concernées, y compris de la police. Vous savez que celle-ci, à travers la Road Safety Unit et la Crime Prevention Unit, est extrêmement disponible. Il suffit de faire appel à eux.

Les grands partis nationaux sont-ils impliqués dans ces élections ?
Non, du moins pas directement à Pamplemousses. Quoiqu’au niveau du village, on sait normalement qui sont les candidats qui ont travaillé pour les grands partis pour les élections générales. Mais il paraît que ce n’est pas un critère qui pèse lourd généralement pour les élections villageoises et les différents groupes tentent de brasser large et n’affichent pas des couleurs partisanes.

Et quid du communalisme ?
On n’a pas fait d’études là-dessus, mais il paraît que ça a peut-être un impact, mais les gens sont de moins en moins dupes. Si vous ne faites rien pendant des années et puis, à la veille des élections, vous venez parler de communauté, ça ne marche pas. Quand votre enfant est malade, vous ne regardez pas la communauté du médecin. Le village, c’est l’avenir de votre enfant, car il y vivra.

Vous avez parlé de l’absence de candidats. Pensez-vous que les fonctionnaires devraient pouvoir participer aux élections villageoises ?
Ce n’est pas une question à laquelle on peut répondre à la va-vite. Il y aurait sans nul doute beaucoup plus de candidats. Mais où commencer et où finir ? Les membres du bureau du commissaire électoral sont aussi fonctionnaires. Vous les voyez candidats aux élections gérées par leurs collègues ? Mais on peut toujours lancer le débat et étudier la question.

Quels sont les autres points forts de votre parti ?
En tant que nouveaux dans l’arène politique, nous sommes pleins de motivation et de détermination. Nous ne sommes pas les blasés de la politique qui se contentent de se reposer sur leurs lauriers. Forts de notre expérience de travailleurs sociaux, nous sommes prêts à nous investir pour les causes que nous défendons. Nous pouvons dire que nous avons l’ardeur de la jeunesse du point de vue politique !
Nous ne nous contentons pas de mini-projets ou de projets “copié-collé”. Nous préconisons des mesures novatrices. Prenons, par exemple, notre projet concernant les femmes entrepreneurs. Nous avons une foire qui n’est utilisée que le dimanche. Nous prévoyons une ouverture le samedi également pour permettre aux femmes entrepreneurs et aux petits artisans en général pour y exposer leurs produits. Ce serait une plateforme pour les artisans de se faire connaître et aussi un moyen de promouvoir le “made in Mauritius”. Mme Moutou, qui est, elle-même, une femme entrepreneur, se propose également d’offrir ses conseils à celles/ceux qui veulent se lancer.

Votre équipe dispose-t-elle de moyens pour résoudre les problèmes que vous avez évoqués pendant toute la campagne ?
Vous savez, nous, les habitants de Pamplemousses, avons fait souvent face à des réponses du genre : « Ceci n’est pas de notre ressort, voyez auprès de la RDA… ». Notre conception d’un conseiller est celui de quelqu’un qui prodigue aide et conseil aux habitants. Ainsi, nous serons, nous, des facilitateurs. Au lieu de renvoyer une personne en lui disant où adresser ses doléances, nous serons le lien entre celui qui fait une requête et les instances concernées par la demande. C’est inhumain et immoral de dire à une personne, qui vit une situation difficile et qui vient frapper à la porte d’un conseiller pour lequel il a voté, en croyant à sa parole et en ses promesses : « Désolé, vous n’avez pas frappé à la bonne porte ! »

Comment voyez-vous l’avenir du village de Pamplemousses ?
Pamplemousses est resté un village figé dans le temps. Quand nous nous comparons aux autres villages du nord, nous accusons un sérieux retard. Nous voulons œuvrer à l’avancement de notre village tout en préservant et exploitant son aspect historique. Travailler de concert avec les autorités, qui gèrent le jardin de Pamplemousses pour permettre aux habitants de mieux en profiter, est l’un de nos projets. Nous envisageons également d’éliminer les “eye-sores” comme les terrains vagues en les faisant nettoyer et les réhabiliter. Une fédération des forces vives, qui se battent déjà pour le bien-être des habitants, deviendra un pilier sur lequel notre parti s’appuiera pour mener à bien le développement de Pamplemousses.

Ce serait un réseau pour nous permettre d’entendre le point de vue et les besoins des habitants. Ce ne sont pas neuf élus qui, à eux seuls, peuvent construire un bel avenir pour le village. Il faut, pour cela, la collaboration de toutes les personnes de bonne volonté. Du point de vue sportif, nous avons de très bons éléments qui ne demandent qu’à être encadrés. Je suis secrétaire du Club sportif de Pamplemousses et on évolue en première division, mais nous n’avons pas de gymnase pour nous entraîner. Le centre de jeunesse met bienveillamment son terrain à notre disposition, mais il y a trois problèmes qui se posent. Quand il pleut ou il y a du vent, on ne peut pas s’entraîner. Les ballons pour les sports d’intérieur et d’extérieur ne sont pas les mêmes. De même que le sol et les chaussures utilisées. De plus, pour ceux qui ne le savent pas, tous les matchs de volley-ball de première division se jouent au gymnase Pandit Mahadeo, à Vacoas, ce qui nous tue en termes de frais de transport. Même quand on joue contre une équipe du nord, comme le Trou-aux-Biches, on doit se rendre à Vacoas. Vous vous rendez compte ? Le village de Pamplemousses n’a pas de terrain de football.

Le mot de la fin ?
On a remarqué que des gens, qui ont été là pendant des années et n’ont pas vu au-delà de leur nez, ont emprunté des idées de notre programme et en ont fait les leurs. On est là pour innover et les membres de l’équipe fleur de Pamplemousses ont pris l’engagement de reverser au moins 50% de leurs allocations mensuelles de conseillers aux familles en situation d’extrême difficulté.

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