« Lost Generation » : quand la Covid perturbe la santé mentale des jeunes

Installée sur un canapé, Priya Ramlothan*, 20 ans, confie passer beaucoup de temps sur son téléphone portable. Etudiante en première année à l’Université de Maurice, elle fait partie de cette génération à avoir été la plus impactée par les confinements de 2020 et 2021.

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Le manque soudain d’interactions physiques, observe-t-elle, l’a rendue plus anxieuse et émotive. « Parfois, je sentais une vague de stress monter, mais je ne savais pas pourquoi. Je m’en voulais pour chaque petite chose beaucoup plus qu’avant ».

La solitude l’affectait tellement que sa performance académique avait chuté. « J’ai essayé de maintenir mon intérêt pour mes études, mais c’était très difficile de rester motivée et disciplinée ». Sa routine de sommeil avait été altérée. Elle s’irritait plus vite, mais ne partageait plus ses émotions. Et bien qu’elle se sentait « suffoquée » à la maison, l’extérieur provoquait en elle une sensation de « peur ».

« Je ne me vois pas redevenir comme j’étais avant le confinement », se résout Priya Ramlothan, d’un air stoïque.

« Lost Generation ».

Des témoignages similaires ressortent parmi les adolescents contactés dans le cadre de cet article. Solitude, anxiété, insomnie, stress, dépression… Le confinement a eu un impact considérable sur cette jeune génération transitant de l’enfance à l’âge adulte.

Une étude réalisée en Iceland sur l’impact de la pandémie sur les adolescents, publiée dans The Lancet en juin 2021, a déterminé que « depressive symptoms and the mental wellbeing of adolescents (…) have worsened during the Covid-19 pandemic ». Déterminant que « adolescents aged 16–18 years are the most negatively affected ».

Une autre étude publiée dans la même publication renommée rapporte que « there has been relatively little evaluation of how mental health has changed over the pandemic and varied for children and young people living in a range of circumstances ».

Il est cependant relevé que « between March 2020 and March 2021, we have seen clear increases in parent-reported symptoms of SDQ behavioural and attentional difficulties at times of peak restrictions, when most children were not physically attending school ». Ces symptômes devaient fluctuer au gré des confinements.

Toutefois, l’ensemble des études soulignent qu’il est encore « trop tôt » pour déterminer l’impact profond qu’auront eu la Covid et les confinements sur la santé mentale des jeunes.

Pour l’heure, les répercussions de la pandémie sont telles que d’importantes organisations internationales comme l’Unicef ont tiré la sonnette d’alarme par rapport aux jeunes et aux enfants : elles font part d’un risque d’une « Lost generation » qu’il incombe désormais d’avoir à l’oeil.

Staggered Life.

Cédric René*, qui vient de compléter ses examens de SC, raconte devoir se rendre à l’école malgré la frayeur constante d’être contaminé par la Covid.

« Sa lane la ti extra diferan. La vey lexame nou ti abitie travay ek nou profeser ek nou kamarad. Me sa fwa-la, nou’nn bizin travay par nou », raconte Nirvana*, 20 ans, fraîchement sortie du collège.

Ritesh Gopalsamy*, 20 ans, constate lui un débalancement causé par les classes en ligne : les cours se tiennent via internet mais les examens en face à face. Difficile pour les élèves de s’adapter, ce qui leur cause « plus de stress ».

Laurent Brun*, parent d’un jeune de 17 ans, explique qu’il y a un sentiment d’incertitude et d’anxiété qui règne. « Avec tous ces cas positifs, mon fils n’a plus de vie sociale. Il reste cloitré à la maison », relate-t-il.

Dans cette situation, il souligne que son enfant a fait « beaucoup d’efforts » pour travailler par lui-même pour ses examens.

« Arrêter de trop réfléchir ».

« Nous n’avons pas pu les évaluer comme il le faut. Ceux qui étaient faibles sont devenus plus faibles », indique Auckbaraullee Shakilah, enseignante dans un collège. Cette dernière a constaté qu’elle a vu « un changement » s’opérer chez les jeunes suite aux confinements.

Après trois mois passés à la maison, constate-t-elle, les jeunes ont développé beaucoup plus d’intérêt pour la technologie et les réseaux sociaux que leurs études. Néanmoins, elle souligne que des élèves font « beaucoup d’efforts » et tentent de rester motivés à l’école.

De son côté, la psychologue Fatimah Ghanty explique avoir vu davantage de jeunes venir vers elle depuis la pandémie. Beaucoup d’entre eux « ont des problèmes familiaux » et, avec le confinement, leur santé mentale a été touchée.

Les classes en ligne ont également eu un effet sur les études, les élèves ayant dû s’adapter à un nouveau système. Selon elle, la peur d’être contaminé est si élevée que les jeunes sont « anxieux » d’accomplir certaines tâches banales, « comme aller au supermarché ».

« Mon conseil serait de focaliser notre attention sur les choses que nous pouvons contrôler, et d’arrêter de trop réfléchir à celles qui sont hors de notre contrôle. Cela contribuera à réduire le stress et l’anxiété, car nous avons toujours tendance à penser au pire scénario », préconise Fatimah Ghanty.

 

*Noms et prénoms modifiés

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