Madison Lan (femme d’affaires, blogueuse et gourmet) : « Subtil équilibre entre le travail et l’art de la table »

Superviseuse dans le secteur financier, pour le compte d’une société de gestion, Madison Lan a cumulé plus de huit années d’expérience dans l’offshore et le “High Networth Individuals”. Certes, évoluer dans un secteur très concurrentiel comme la finance n’est pas une simple affaire, mais réussir en tant que femme dans ce milieu a été un travail d’adaptation pour elle.

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L’autre facette de cette trentenaire est qu’elle est aussi une excellente “food hunter” qui sait dénicher le bon restaurant et la cuisine capable de flatter le palais des gourmets. Ses “posts” sur Instagram et Facebook comptent bon nombre de “followers” qui apprécient l’objectivité de ses “reviews”. Atteinte d’un cancer du sein en 2017, Madison a aussi été une ambassadrice d’influence qui a fait de sa maladie, non pas une épreuve solitaire, mais une prise de conscience commune à travers un travail de sensibilisation et de dépistage préventif.

Une femme dans les finances, cela ne court pas les rues. Pourquoi un tel choix de carrière ?
Pour être honnête, le système éducatif à Maurice ne nous prépare pas à un métier d’avenir. Moi-même à l’école, j’étais confrontée au dilemme de choix de ma carrière. J’ai commencé à travailler pour l’une des plus grandes sociétés de gestion de Maurice et je venais de découvrir un nouveau territoire. À l’école, tout ce qui est en rapport aux langues me passionnait, alors que dans mon métier, je nageais dans l’océan de la finance.
Ma formation s’est faite sur le terrain, ce qui m’a permis d’acquérir suffisamment d’expérience dans ce domaine. C’était pour le moins fascinant, moi qui n’aurais jamais imaginé travailler dans ce secteur. Le fait d’avoir travaillé dans différentes entreprises m’a permis de me façonner car ce qui est appris sur les bancs de l’école est à l’opposé de ce que procure un vrai travail dans la finance.

Avec la pandémie de COVID-19, le monde de la finance connaît des perturbations. Qu’en est-il de la Bourse ?
Je dirais que nous sommes un peu chanceux car même pendant la pandémie, le secteur offshore a continué à opérer à domicile. Habituellement, nos clients sont des hommes et des femmes d’affaires aisés qui souhaitent continuer à développer leurs activités. Bien qu’être sur la liste noire soit une mauvaise publicité pour notre pays, nous sommes encore capables de nous débrouiller pour l’instant.

Vous êtes aussi présente sur les réseaux sociaux, où notamment votre page de “foodstyling” est très appréciée. Pouvez-vous nous raconter ce qui vous a donné l’idée la toute première fois de vous lancer dans ce créneau ?
Ma profession dans les finances et ma passion pour la cuisine génèrent un subtil équilibre entre le travail et l’art de la table. Tout a commencé par mes nombreux amis qui posaient généralement des questions sur les restaurants, les endroits, les plats, les prix, si cela valait le coup. Ils me demandaient également mon avis sur les restaurants, où aller pour certains événements tels que les anniversaires, les dîners surprises, voire romantiques pour leurs conjoints ou les restaurants adaptés aux enfants. J’ai lancé ma page publique en 2019. Avant cela, j’avais un compte Instagram privé où je postais des photos de plats de restaurants.

Le déclic s’est produit et j’ai eu l’idée de publier mes avis pour répondre déjà à ce que recherchaient les “followers”. Mes “reviews” sont indépendantes et témoignent de mes propres opinions sur les restaurants (cadre et ambiance), la carte qu’ils proposent, les plats (présentation et goût), la qualité des prix et le service. Cela aide souvent les gens qui voudraient essayer un restaurant mais qui ont peur d’être déçus.

Vos “reviews” sur votre page sont très objectives. Avez-vous un profil d’internaute type que vous ciblez ?
Mes critiques sont faites pour les gourmets qui recherchent toujours la qualité dans un plat, et non la quantité. J’aimerais que mes “followers” soient interactifs, qu’ils sachent apprécier la nourriture, aiment manger au restaurant ou même en général, qu’ils essaient des recettes. Le plus important serait qu’ils partagent également leurs avis sur les restaurants pour lesquels je fais des “posts”.

Quelle est votre technique d’approche quand vous faites des “reviews” concernant les restaurants ?
Je ne dis à aucun restaurant que je fais des critiques gastronomiques afin qu’ils ne changent pas leurs bonnes ou mauvaises habitudes. Quand ils savent que vous êtes ici pour donner des “reviews” de leurs restaurants, ils essaient toujours d’être au top. Mais nous ne devrions pas nous leurrer. Si vous savez que quelqu’un vient pour une critique de votre restaurant, vous voudriez que cette personne écrive le meilleur de votre restaurant, n’est-ce pas ? Je garde mes avis réels et indépendants pour mes abonnés. Je préviens aussi à mes “followers”quand je suis invitée à un événement, ou que mon “post” a été sponsorisé (produits offerts). J’accepte uniquement les collaborations avant de faire des recommandations à mes abonnés.

Etre critique culinaire en incognito, cela peut aussi amener à faire de belles expériences. Y en a-t-il une en particulier qui vous vient en tête ?
Ma meilleure expérience a été d’être invitée par l’hôtel Labourdonnais où cinq meilleurs chefs issus d’hôtels cinq étoiles comme Constance Prince Maurice, LUX Resorts, Shangrila se sont réunis pour créer un menu gastronomique. Je me souviens de ce jour comme si c’était hier : le mélange des saveurs, la fusion des plats, la texture, et surtout l’art d’associer différentes recettes dans un seul cadre et dans une seule assiette. C’est créer à la fois une cuisine fusion et tendance. Le concept reste le même avec toutefois ce mélange de saveurs et de cultures pour obtenir des recettes uniques. L’expérience est unique car il y a le mélange de différentes inspirations autour d’un plat concocté par cinq chefs, chacun avec un talent unique.

Une de vos pires expériences…

Ma pire expérience a été dans un restaurant « japonais » dans le nord. J’ai écrit une critique à leur sujet qui était négative et, beaucoup de mes “followers” ont abondé dans le même sens. Le comble était que la propriétaire en charge du restaurant a essayé de répondre par un commentaire en se défendant. Je crois que toutes les entreprises devraient accepter les critiques pour s’améliorer. Mes critiques ne sont pas faites personnellement contre les propriétaires, mais de manière qu’ils puissent s’améliorer. Je ne veux pas blesser, mais faire prendre conscience qu’il doit y avoir du “value for money” pour les plats commandés.

Dans d’autres pays, il y a des critiques culinaires et des étoiles Michelin décernées pour des restaurants visités incognito mais avec une cuisine élaborée flattant le palais. À Maurice, il y a des gourmets passionnés qui investissent dans des restaurants à la recherche du goût, de la saveur dans un plat. Mon rôle est de servir de guide. Je suis comme mes “followers” également un consommateur qui paie de sa poche et qui serait heureux de ne pas se planter en allant dans un restaurant.

Que retenez-vous de vos années de scolarité ?

J’ai étudié au LCPL, ce qui m’a rendu très fière de mon parcours au collège. J’ai appris à être une « femme debout » comme on nous l’a appris. J’ai aimé les langues, incluant la “Bible Knowledge”.

Vous êtes aussi une ambassadrice de Dove. Comment cette marque a changé votre approche face au cancer du sein ?
Dove a été vraiment une expérience enrichissante en étant une marque qui a choisi des ambassadrices avec les mêmes idées. Avec les critiques de mode présentant des femmes d’un certain type de corps ou de couleur de peau, plusieurs femmes se sont senties délaissées. Dove est venu briser ce mythe en mettant en relief l’autonomie des femmes et en les valorisant pour ce qu’elles sont : grandes, maigres, filiformes. L’acceptation de soi a été une démarche capitale, et Dove a brisé cette norme de la beauté en mettant toutes les femmes sur un même piédestal. Dove n’a pas choisi des mannequins pour être leurs ambassadrices, mais des femmes réelles et authentiques qui suivent leurs visions.
À titre personnel, j’ai traversé une période difficile lorsque j’ai découvert que j’avais le cancer du sein il y a quelques années. J’ai pris le temps de m’accepter à nouveau dans mon nouveau corps ébranlé par le cancer, car il est toujours difficile de perdre une partie de soi, et Dove m’a permis de me rappeler que je suis une femme forte. Sur mon site, je rappelle aussi aux gens que le cancer ne doit pas être tabou et qu’il ne faut pas avoir honte d’en parler. Les gens doivent en être conscients, car tout le monde peut contracter un cancer. J’essaie toujours de sensibiliser les gens pour qu’ils fassent des contrôles réguliers.

En confinement, les réseaux sociaux sont devenus le terrain privilégié des “facebookers”. Quel est le meilleur moyen de faire véhiculer un message ?
Soyez présent et affichez du contenu. Personnellement, puisque mon travail prend la plupart de mon temps, poster pour moi est devenu une passion. Pendant ce confinement, j’ai été ravie de collaborer avec un restaurant spécialisé en fruits de mer qui m’a contactée pour essayer leurs produits. J’ai fait deux recettes publiées sur ma page Facebook et Instagram où les “followers” ont bien aimé.
Pour moi, publier des contenus de valeur est mieux que de publier uniquement pour publier. Je ne suis pas intéressée par la quantité de “followers”, mais par la qualité des plats proposés. Je préfère avoir des gens qui me suivent pour le contenu parce qu’ils trouvent que cela les aide plutôt que de simplement suivre pour suivre.

En dehors du “foodstyling”, qu’est-ce qui vous passionne ?
J’adore le yoga, les jeux en ligne tels que PUBG/Counter Strike, regarder des émissions sur Netflix, danser, jouer au tennis de table et au badminton. Je suis mère d’une fille de cinq ans et divorcée, et j’ai aussi des priorités dans ma vie, ma fille en premier, puis ma carrière, mes études (professionnelles) et ma famille. Sans la famille, vous n’êtes rien. Mes proches, c’est mon pilier.

Avec la pandémie, même les journaux doivent passer au numérique. Comment réinventer la presse et les faire cohabiter avec les “facebookers” et “instagramers” ?
Soyez présent sur les réseaux sociaux. De nos jours, les jeunes n’achètent pas de journaux, mais nous lisons tous les articles en ligne sur les réseaux sociaux. Avoir une rubrique pour les jeunes entrepreneurs est un créneau qui accroche, car un jeune est toujours à la recherche d’un emploi à hauteur de ses compétences.

Qu’est-ce que ce confinement vous a permis de réaliser sur le plan personnel ?
Pendant les deux confinements, je travaillais à domicile. Lors de mon premier confinement, j’ai changé d’entreprise. Cette année, j’ai encore changé d’entreprise. Donc, c’est très intéressant pour moi et puis je suis aussi un bourreau de travail. J’en ai profité pour mettre à jour mes pages sur Instagram et Facebook. J’ai des projets pour 2021 tout en me focalisant sur mes études et ma vie privée. J’ai des projets en veilleuse pour les prochaines années.
Je suis une personne très impatiente, qui accorde beaucoup d’attention aux détails. Mon visage est également très expressif, donc les gens peuvent facilement savoir quand je ne suis pas contente. J’aime la justice et l’intégrité. Je suis une personne très honnête bien que cela puisse parfois jouer contre moi.

Comment apprendre à se réinventer alors que tout le monde craint le variant ?
Mieux vaut prévenir que guérir. Pensez toujours aux personnes que vous aimez, vos parents, par exemple. En attrapant le virus, vous le transmettez à des personnes que vous aimez. Respectez les gestes barrières pour éviter la contamination. Restez chez soi est la meilleure solution. Les gens sont toujours sur leur téléphone de nos jours. Alors pourquoi sortir quand vous les voyez sur leur téléphone ? Tout peut être fait en ligne. Les gens devraient également commencer à vendre en ligne.

Terminons par une note culinaire. Êtes-vous du type « salé » ou « sucré » ?
(Rires…) Le meilleur plat pour moi, c’est lorsque vous goûtez à la première bouchée et que vous obtenez une explosion de saveurs en bouche, mais lorsque vous prenez une autre bouchée, vous pouvez toujours rencontrer les différents ingrédients utilisés qui ont fusionné et fonctionnent incroyablement bien. Différentes textures, du craquant, du goût surtout, c’est mon terrain gustatif de prédilection. Je ne suis pas fan des desserts en général, mais je n’aime pas les desserts sucrés. Je les aime équilibrés, avec de la fraîcheur et un peu de surprise, comme de l’acidité.

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