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Sweetie Ramlagun Law déploie à nouveau ses ailes

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Sweetie Ramlagun Law déploie à nouveau ses ailes

Après plus de deux ans, Sweetie Ramlagun Law déploie à nouveau ses ailes de créatrice et de styliste. Un come-back maintes fois mis en suspens qui la révèle sous un nouvel angle. Dans cette rencontre avec Scope elle se laisse aller à certaines confidences. Encore très affectée par le décès de son mari, elle retrouve l’espoir et reprend lentement goût à la vie. Pour elle, pour tous ceux qui la soutiennent au quotidien, pour les nombreux fidèles de sa marque Possal by SR, et surtout en hommage à Ah Fat Law qui a toujours cru en son talent, elle a imaginé cette collection de robes, de hauts et autres pièces inspirés de l’univers de la musique, de l’architecture, des papillons et des fleurs.

Cette nouvelle collection, Sweetie Ramlagun Law l’a imaginée dans un univers musical, léger, coloré et fluide tout en gardant sa touche glamour et féminine.  Robes, pantalons, shorts, jupes, hauts, entre autres pièces trendy, ressort wear ou pour les soirées pour toutes les tailles sans oublier quelques séries limitées. Ce retour, tant attendu par ses fidèles de Possal by SR, est une étape que la styliste entame avec beaucoup d’émotions. Il s’agit de ses premières pièces imaginées après plus de deux ans.

La gorge nouée, pouvant à peine retenir ses larmes de joie et aussi de tristesse, la créatrice confie : “C’est la toute première fois de ma carrière qu’une collection compte autant pour moi”. A tel point qu’au moment de se préparer à venir à notre rencontre, celle dont la carrière et le talent furent plusieurs fois récompensées, a été submergée par des doutes. “Je me suis demandée si j’étais réellement prête pour ca. Depuis la maladie et le décès d’Ah Fat, je ne pouvais plus rien faire, je n’avais plus d’inspiration. J’ai essayé de faire deux robes après la mort d’Ah Fat. C’était une catastrophe. Les couleurs n’étaient pas mon goût, et franchement je ne savais plus comment reprendre le dessus. J’avais même essayé de ressortir mes anciens dessins pour les modifier, mais ça ne donnait rien et au final je me retrouvai retrancher sur moi-même. Aujourd’hui encore il y a des jours où je me réveille avec l’envei et le désir de faire mille et une choses, puis je laisse tout tomber”.

Une vie marquée par plusieurs décès

C’est ainsi après plusieurs vaines tentatives de recommencer à dessiner que Sweetie Ramlagun Law a finalement trouvé “cette motivation, cette force et le courage” de transformer son chagrin en quelque chose de positif car malgré son mal-être “la mode est et restera toujours ma passion et ma religion”. Derrière son image de femme de caractère et pleine d’assurance  Sweetie Ramlagun Law porte en fait plusieurs cicatrices après des épreuves qui lui ont permis de se forger. A 11 ans, elle perd son frère décédé dans un accident de voiture. A 18 ans, sa mère âgée de 45 ans a été emportée par un cancer du sein. A 38 ans, elle s’est retrouvée veuve lorsque Ah Fat s’est éteint le 21 avril 2019 après 11 mois de maladie alors que “nous avions comme projet de fonder une famille.” Et pendant qu’elle entamait à peine son deuil deux mois plus tard elle s’est retrouvée à accompagner son père lui aussi diagnostiqué pour un cancer mais heureusement guéri.

C’est une Sweetie Ramlagun Law écorchée par la vie que nous rencontrons. Mais elle est définitivement déterminée à reprendre le travail. Elle le fera certes à son rythme, d’abord pour elle-même mais aussi pour tous ceux qui la soutiennent, et surtout pour honorer l’amour et la confiance qu’Ah-Fat avait en elle. “Il m’a toujours encouragée et poussée dans ma carrière. Avant de mourir il m’avait rappelée que de ne pas oublier de concrétiser mon rêve. Celui d’aller à Miami. Il m’a toujours dit que j’étais capable de créer à partir de rien et que je pouvais faire encore mieux. Surtout après avoir remporté le Origin Africa Competition en 2011, suivi de celui du Fiat 500 où Gucci avait acheté ma robe ou encore après avoir décroché le Best Designer Award du Backstage en 2014. Il me ressassait sans cesse que Maurice était trop petit pour moi et que je devais me faire connaitre ailleurs”.

Aujourd’hui si celui dont elle a partagé la vie et le quotidien pendant onze ans n’est plus physiquement à ses côtés, Sweetie Ramlagun Law ressent encore sa présence. “J’ai planté une fleur pour lui que j’arrose tous les jours et je lui parle. La mort c’est juste un mot. Pour être honnête je pensais vraiment qu’il allait guérir car après sa sixième chimio il était tellement fort”. Sans aucune hésitation, elle avait fermé son atelier et mis en suspens sa carrière pour d’être 24h/24 aux côtés de son défunt mari, et faire les allers-retours Maurice et Chennai. “ J’étais à la fois femme, l’infirmière, la confidente et la meilleure amie. On a toujours tout fait ensemble”.

A tous ceux qui lui disent « it’s time move on », Sweetie Ramlagun Law répond “C’est plus facile à dire que faire en réalité. Ce n’est pas d’un coup qu’on se débarrasse de ses émotions. Une partie de moi est partie avec lui et je le porte dans mon cœur et dans ma chair. J’ai fait l’effort de montrer que je pouvais être bien, mais finalement j’ai réalisé que ce n’est pas bien. Rien ne sert de se voiler la face et de faire plaisir aux autres. Chaque personne doit apprendre à vivre et à surmonter ses difficultés à sa manière. Avant je me disais que je pleurais trop. Mais croyez-moi il faut exprimer ses émotions et faire les choses uniquement quand on s’en sent capable et se faire aider aussi par des professionnels. Je crois aussi que c’est en forgeant qu’on devient forgeron. Sak fwa tombe to bisIn kapav leve.”

She’s back

A 39 ans, Sweetie Ramlagun Law déploie à nouveau ses ailes et retrouve ses repères de styliste et aussi de mannequin. Pour preuve, elle n’a rien perdu de son professionnalisme puisque c’est toute seule qu’elle a orchestrée de A à Z le shooting de sa nouvelle collection au Lux de Grande Gaude devant la caméra de Sanjiven Guruarts et Sailesh Jeebun. La mise en beauté était  de Mounshina Esmael de Colors Makeup. D’autres projets sont déjà en ligne de mire. Même si les choses en seront plus comme avant. “Je suis veuve et c’est difficile d’être veuve et de vivre à Maurice. La société et les gens pensent que nous sommes vulnérables. Mais, au fond de moi je sais que je suis une personne forte et capable d’être indépendante. J’ai appris à me prendre en main après tant d’épreuves”. Elle salue Vick et Sujata de l’avoir aidée à avancer.

Ainsi pour prouver que sa marque Possal by SR n’a rien perdu de son identité et sa culture, elle organisera très bientôt des ventes privées. “Je veux d’abord me retrouver à travers cette première collection et on verra ensuite. Ce serait me mentir de dire que j’y vais en toute confiance car ce n’est pas facile de revenir après 2 ans et demi. Malgré la fidélité de ma clientèle, il faudra s’adapter car le marché a changé, encore plus maintenant après le Covid”. Raison aussi pour laquelle elle prévoit de retrouver les blancs de l’université pour entamer un cursus de 3D en Fashion. “Ce sera une façon de me recréer et de me réinventer. Je compte, dès que possible, m’installer à Angleterre, non pas pour fuir mon deuil mais pour couper et reprendre un nouveau souffle”. Se définissant comme « down to earth » elle refuse d’être cataloguée de superficielle. “J’assume être une femme sophistiquée. Mais, je le suis dans la simplicité. Si je suis maquillée ce n’est pas pour être fake mais parce que j’aime être comme ça. Les gens te jugent en disant que “Sweetie pa bisin travay” sans essayer de comprendre dans quel état je suis et ce par quoi je suis passée”.

En effet, elle se fait un devoir de rappeler qu’elle n’a pas tout sur un plateau. Avant de créer sa propre marque, celle qui est fan de Salvatore Ferragamo et Alexander Mcqueen, a dessiné, entre autres, pour Paco Rabanne, Kookaï et Prima Classe et à Maurice pour Imaaya et Mario Guillot. L’habitante de Péreybère a, en effet, toujours su se démarquer. “Disons que j’ai surtout gagné en maturité car au tout début j’avais tendance à créer des choses dans lesquelles je me sentais d’abord moi-même bien. C’était un peu ma propre identité. Après, avec le temps j’ai appris à découvrir ma clientèle et j’ai commencé à me mettre dans leur peau et faire plaisir aux autres tout en gardant quelques touches perso comme les close fitted-dress et les coupes dans un esprit d’architecture où je met souvent le dos en valeur”. D’ailleurs, elle n’oublie pas de mentionner que la première robe qu’elle avait été en mesure de dessiner après deux ans en pensant la présenter cette année-ci lors du Fashion Week au Hennessy Hotel était une pièce dos nu inspirée des plaies et des sutures de l’opération d’Ah Fat. “Je pense qu’il continuera à m’inspirer à l’avenir. Une façon aussi pour moi d’aider d’autres femmes à se relever”.