Mookhesswur Choonee : « La promotion de la diaspora indienne va de pair avec celle du mauricianisme »

L’ancien ministre de la Culture du gouvernement travailliste, Mookhesswur Choonee, a succédé au défunt Mahen Utchanah aux fonctions d’International Coordinator – Global Organization of People of Indian Origin (GOPIO) International in Mauritius. Pour lui, la promotion de la diaspora indienne dans le monde et à Maurice « va de pair avec la promotion du mauricianisme ». À Maurice, dit-il, « nous sommes un élément fédérateur, qui travaille avec les différents groupes socioethniques et socioculturels pour mieux penser le mauricianisme dans un esprit ouvert ». Il annonce son intention d’organiser un PBD régional à Maurice en 2023 en collaboration avec le gouvernement et la haute commission indienne à Maurice.

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Après 30 ans passés dans l’arène politique, durant laquelle vous avez servi dans le gouvernement, aussi bien qu’ambassadeur et milité au sein de l’opposition, vous voilà à la tête de la Gopio ? A-t-il été facile pour vous de faire cette transition ?
Dans la vie, aucune transition n’est facile. L’humain est réfractaire au changement. Il faut savoir partir du bon pied parce que rien n’est éternel. Donc, eu l’égard à mon attachement au service public ces trois décennies, le moment était arrivé où je devais franchir le rubicond.

Pour moi, la notion de service public a une définition bien large et comprend le social, la politique, les relations internationales et les relations humaines en général. J’ai toujours abordé ces différents rôles avec l’intention d’apporter ma contribution à la société. Cela a été le cas dans la politique active. Au niveau du gouvernement, j’ai initié, voire même réalisé, pas mal de choses que le gouvernement d’aujourd’hui continue de mettre en œuvre. Et je le félicite.

Sur le plan diplomatique, le Premier ministre d’alors m’avait affecté comme haut-commissaire de Maurice en Inde. Je me suis attelé à la tâche avec enthousiasme et j’ai joué un rôle actif et fais tout mon possible pour apporter ma pierre dans la consolidation des relations bilatérales entre l’Inde et Maurice, et dans les relations entre nos deux peuples.

Aujourd’hui, nos deux pays se considèrent comme des partenaires par excellence. Je suis fier de ce que j’ai pu accomplir. Ces relations diplomatiques ont été tissées au fil des années. Elles reposent sur les liens de sang. Elles ont résisté aux assauts du temps et font partie de l’histoire du pays. La République de Maurice est bien partie pour réaliser un partenariat fructueux, une Win Win Situation, avec l’Inde, grâce à l’accord de CECPA, auquel je suis fier d’avoir participé alors que j’étais en poste à Delhi.

L’opposition, pour moi, a été une courte parenthèse, mais quand même très enrichissante. Lorsque l’occasion d’occuper la fonction de coordinateur international de la GOPIO s’est présentée, j’ai compris que cela allait être une suite logique dans ma carrière professionnelle. En tant que Mauricien faisant partie de la diaspora indienne dans le monde, c’était une opportunité à ne pas rater : celle de promouvoir la contribution de la diaspora indienne dans le domaine politique, économique et culturel dans le monde, et de promouvoir la fraternité entre les peuples. Il est évident que c’était une chance à ne pas rater. 
La transition s’est donc faite sans difficulté. J’ai simplement dû me retirer de la politique active pour me placer au-dessus de la chose politique.

Avez-vous quitté définitivement le domaine de la politique partisane ?
Vous savez, on ne dit jamais jamais. Cela dit, jusqu’à preuve du contraire, je suis bien là où je suis actuellement, et avec le temps je vais m’y enraciner davantage. Actuellement, ma mission consiste à servir la diaspora indienne, cette grande diaspora qui est répartie à travers le monde, qui a un pouvoir économique immense qui demande à être exploité, à tisser davantage de relations économiques et culturelles pour mieux faciliter l’adhésion des jeunes.

Vous savez que l’avenir appartient aux jeunes et l’Inde est le pays qui a la plus grande population de jeunes. Forcément, il y a un potentiel immense qui demande à être développé. Au niveau de la diaspora, que ce soit ici, en Amérique, en Europe ou ailleurs, nous utiliserons toutes les plateformes de communication, numérique ou autre, pour créer une dynamique autour des échanges d’idées, mais aussi d’affaires, entre les membres de la diaspora et l’Inde.



Peut-on dire que vous regardez aujourd’hui la scène politique avec détachement ?
Forcément, j’ai pris du recul, mais je reste marqué par mon passage en politique active.

Pour moi, le pays passe avant tout. Les petites querelles de politique politicaille ne m’intéressent plus. Mais nous sommes dans une démocratie, et c’est toujours bon d’avoir une opposition forte et d’avoir un gouvernement performant. Comme on dit : « The opposition should have its say and the government should have its way. »

Quels bons souvenirs gardez-vous de cette longue carrière politique ? Avez-vous quelques regrets ?
Ces 30 ans de carrière politique jalonnés de succès et de quelques petits échecs m’ont beaucoup imprégné. Il y a beaucoup à dire et à écrire. J’ai toujours été positif et je me focalise sur les réalisations et les résultats. Je suis satisfait d’avoir servi mon pays au plus haut niveau au sein du gouvernement. J’ai eu l’occasion de travailler avec trois Premiers ministres, notamment sir Anerood Jugnauth, Paul Bérenger et Navin Ramgoolam. Trois différents types de leadership, de gouvernance… C’était très enrichissant, on a beaucoup appris. C’était une expérience, une aventure.

De bons souvenirs, il y en a beaucoup. Pour n’en citer que quelques-uns, j’ai été président du comité d’organisation de l’accession de Maurice au statut de République en 1992. Un événement historique. J’ai aussi présidé les différentes conférences mondiales consacrées à la linguistique et à la culture à Maurice et ailleurs. Il y a eu l’érection de la statue d’Anjalay Coopen, qui se trouve maintenant devant la Cour industrielle. C’est aussi durant mon mandat comme ministre que les Centres de lecture et d’animation culturelle (CLAC) ont été introduits à Maurice et à Rodrigues.

En tant que ministre du Logement, j’ai participé à la décision concernant la construction de centaines de maisons de la NHDC dans différentes régions de l’île. Nous avions aussi contribué à l’introduction de Site and Services dans des régions autour de villes et villages. Nous avons facilité l’acquisition rapide de terrains pour la construction d’écoles secondaires quand l’actuel Deputy Prime Minister occupait les fonctions de ministre de l’Education. Je voudrais aussi faire mention de l’acquisition de 152 arpents de terres à Ébène pour un projet d’envergure.
J’ai également participé à l’organisation de la fête de la République et de l’indépendance pendant neuf ans. Je me souviens, en particulier, du 45e anniversaire au stade Anjalay. Nos détracteurs avaient souhaité que nous ne puissions remplir le stade. Mais trois heures avant le démarrage du programme, le stade était plein à craquer. J’ai dû faire appel aux radios privées et à la MBC pour demander aux gens de rebrousser chemin et de regarder l’événement de chez eux, à la télé. Une activité exceptionnelle à Pointe-Canon retraçant l’histoire de Maurice, qui avait attiré 400 000 visiteurs. J’ai aidé à créer le Bikramsing Ramallah Intepretation Centre à l’Aapravasi Ghat, qui est une merveille, avec un Blend de l’histoire des travailleurs engagés et la technologie moderne.

La célébration du 180e anniversaire des travailleurs engagés, où avaient participé 180 Indiens et étrangers, était aussi un grand moment. La délégation indienne était menée par Sushma Swaraj, alors ministre des Affaires étrangères de l’Inde. Le classement et la reconnaissance de notre séga yypique, les Records au MGI et l’Indenture Labour Route Project, comme héritage immatériel mondial par l’Unesco font également partie de nos réalisations.

Je suis aussi fier d’avoir réussi à ériger une statue de Sir Seewoosagur Ramgoolam à Patna, vis-à-vis de celle du père de la nation de l’Inde, le Mahatma Gandhi. Nous avons aussi érigé un monument au dépôt de Bhawanipur, à Calcutta, dans la région du port, pour marquer le point de départ des travailleurs engagés. La liste est très longue. Bref, maintenant, je vis dans le présent, et pas dans le passé.

En assumant le rôle d’International Coordinator de la GOPIO International in Mauritius, vous
entrez dans les souliers de Mahen Uchanah, avec qui vous avez fondé l’International Indenture Girmitiyas Foundation…

En parlant de Mahen Utchanah, comme dit l’Anglais : «You must give the devil its due. » Mahen n’était pas un Devil, loin de la. C’était un bosseur, avec un franc-parler, doublé d’un bon politicien et d’un travailleur social. Il a été un élément clé dans la promotion des valeurs de la diaspora. Par exemple, c’est Dhundev Bahadoor et lui qui avaient commencé le PIO dialogue with India. Sa contribution a été grande dans l’obtention de la carte PIO et, maintenant, la carte OCI (Overseas Citizen of India), grâce aux efforts exceptionnels du Premier ministre indien Modi.
Mahen Utchanah a aussi été le porte-parole du monde francophone au sein de la diaspora indienne. Forcément, il a un bilan très positif. Malheureusement, il n’est plus de ce monde aujourd’hui et je dois continuer sur cette lancée, mais avec d’autres facilités et mon approche diplomatique, tous en m’adaptant aux nouvelles circonstances et avec une nouvelle équipe.

Oui, nous avons aussi fondé l’International Indenture Girmitiyas Foundation, une fondation au service des Girmitiyas (travailleurs engagés). Avec le départ de Mahen, je suis en train de tout restructurer avec des amis et des professionnels de la Credentia Ltd, une Management Company qui agit comme secrétaire pour nous.

Quel regard jetez-vous sur le travail qu’il a abattu dans la reconnaissance des Girmitiyas dans le monde ?
Avec la technologie numérique et tout, nous allons bâtir davantage pour mieux rapprocher la diaspora et en faire une force de frappe. N’oubliez pas que les travailleurs engagés avaient subi le même sort que les esclaves. C’était une façon déguisée de tout faire comme les esclaves. Ils étaient environ 2 millions à avoir quitté l’Inde pour des destinations inconnues fin du 19e/début 20e.
Maurice avait un rôle très important à jouer dans ce mouvement, parce que c’était l’expérience mauricienne qui a été répliquée dans environ 30 pays ou plus. Quelque 500 000 sont restés pour travailler à Maurice et une très faible minorité est repartie vers l’Inde. Ceux qui sont restés, à Maurice comme dans les autres pays qu’ils ont adopté comme leurs New Homes, se sont adaptés aux conditions complexes grâce à leurs valeurs culturelles, leurs traditions, la persévérance, la tolérance, l’amour pour la paix et leur dur travail. Ils ont fait beaucoup de progrès et, aujourd’hui, ils sont environ 15 millions éparpillés, pas seulement dans leurs Home Countries, mais aussi comme immigrés dans d’autres destinations, dont l’Angleterre, la France, le Portugal, la Hollande, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Amérique et le Canada, entre autres.

Comment voyez-vous votre mission au sein de cette organisation ?
Partout où les descendants des travailleurs engagés ont été, ils font l’honneur à la diaspora et à l’Inde. Ils occupent des positions importantes dans la politique, les finances, le business, la médecine, l’ingénierie, le Soft Power, etc. Pour bâtir sur ce qui a été réalisé, il faut maintenir le momentum tout en inspirant et motivant les jeunes sur les valeurs de leurs familles et ancêtres. Ils doivent savoir d’où ils viennent, le pourquoi du nom qu’ils portent, leurs racines, leur attachement à l’Inde.
C’est très important, et se sera ça ma mission au sein de la diaspora. Avec l’aide d’une équipe dynamique, de professionnels, d’hommes et de femmes, et de jeunes qui sont engagés. Forcément, en tant que président, j’aurais un rôle de mentor. Moi, je me suis investi à plein-temps dans ce que je fais. C’est un travail de longue haleine et, surtout, eu l’égard au projet innovant que nous pensons mettre sur les rails dans les mois et années à venir, et moi je me vois pleinement investi dans ce rôle.

Quelle est la pertinence de la Gopio aujourd’hui ?
Le monde d’aujourd’hui s’appelle un village global, mais alors qu’on globalise, on observe en même temps la création de blocs au niveau international. Pour des raisons géopolitiques, le monde n’arrive pas à être un tout, et nous vivons dans un village global avec une approche locale. Dans le cas de la Gopio, ce sera une approche régionale. Mais on va travailler sur différents continents. Donc, la raison d’être de la Gopio aujourd’hui est plus que jamais importante, surtout que la diaspora indienne constitue une force de frappe économique et culturelle cruciale. Pour l’instant, à cause de la pandémie, nous sommes un peu au repos, mais une fois qu’elle sera derrière nous, nous rentrerons pleinement dans la réalisation de nos projets.

Avez-vous déjà établi un programme d’activités ?
Annuellement, nous célébrons à Maurice l’arrivée des travailleurs engagés à Phooliyar-Antionette, village où les premiers 36 engagés étaient partis travailler en 1834. Il y a aussi le Gandhi Jayanti (la naissance de Gandhi), avec la participation des élèves et enseignants des collèges Universal et Ideal, à Rivière-du-Rempart. Des expositions et des causeries sont aussi organisées avec des invités de marques…
Nous avons aussi une longue liste d’activités, mais maintenant, tout dépendra de la pandémie. Pour célébrer le 75e anniversaire de l’indépendance de l’Inde et des relations diplomatiques entre ce pays et Maurice, nous avons déjà jeté les jalons avec les parties prenantes, dont la haute commission de l’Inde  et le gouvernement. Nous avons aussi pris l’engagement d’organiser un Regional PBD à Maurice en 2023. Les préparatifs devraient commencer tôt l’année prochaine afin qu’on puisse inviter des VIP de la diaspora et de l’Inde.

Quelle est la place de la Gopio dans une société multiculturelle comme Maurice ?
Comme vous l’aurez constaté, la GOPIO n’est pas un groupe socioculturel. Nous travaillons avec la diaspora indienne, qui comprend des personnes issues de différentes religions, de différentes communautés, de différentes souches. Nous agissons comme une organisation Umbrella, qui regroupe un élément fédérateur qui travaille avec les différents groupes, socioethniques et socioculturels, pour mieux penser le mauricianisme dans un esprit ouvert. À Maurice, nous devons pouvoir avancer comme une nation tout en respectant la diversité religieuse, culturelle et ethnique de tout un chacun, en sachant que nous venons tous d’ailleurs.

Est-ce le Covid 19 fait partie de vos préoccupations ? La situation à Maurice vous inquiète-t-elle ?
Malheureusement, le Covid est là. De notre Chapter à Paris, nous avons aidé l’Inde en fournissant des Oxygen Compressors. Nous conscientisons les membres de la diaspora avec nos moyens limités à travers notre plateforme.
Tout le monde doit prendre ses responsabilités. Si on est prudent, 50% du problème est réglé. On doit prendre toutes les précautions sanitaires imposées, respecter les lois imposées par les autorités, et se faire vacciner.
It’s a new World Order. Ce virus nous a beaucoup enseignés et, maintenant, c’est à nous de nous adapter et de nous équilibrer avec la nouvelle technologie à travers le Work From Home, de faire le shopping en ligne et ne pas déranger la clé de la réussite du modèle mauricien.

« La République de Maurice est bien partie pour réaliser un partenariat fructueux, une “win win situation”, avec l’Inde, grâce à l’accord du CECPA, auquel je suis fier d’avoir participé alors que j’étais en poste à Delhi »

« À Maurice, nous devons pouvoir avancer comme une nation tout en respectant la diversité religieuse, culturelle et ethnique de tout un chacun, en sachant que nous venons tous d’ailleurs »

« Partout où les descendants de travailleurs engagés ont été, ils font honneur à la diaspora et à l’Inde. Ils occupent des positions importantes dans la politique, les finances, le business, la médecine, l’ingénierie… Pour bâtir sur ce qui a été réalisé, il faut maintenir un momentum tout en inspirant et motivant les jeunes des valeurs de leurs familles et ancêtres »

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