Négligence médicale alléguée en avril dernier à l’hôpital de Rose-Belle : Des triplés meurent à leur naissance dans des circonstances troublantes

• Le premier bébé est mort-né, les deux autres décèdent deux jours et quatre jours plus tard

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• Les parents traumatisés, Anaïs et Gary Antoine, ont déposé plainte pour négligence médicale à la police et à l’hôpital lundi dernier

• Le même couple de médecins, sanctionnés dans l’affaire Quirin, impliqués dans l’accouchement d’Anaïs

Il y a deux ans, Anaïs et Gary Antoine se sont unis civilement. En se mariant, ils savaient que leur vie allait changer. Pour le meilleur. Ils n’ont jamais imaginé le pire. Pourtant, c’est ce qu’ils vivent actuellement. « Un cauchemar sans fin », dit Anaïs. Pourtant, tout avait bien commencé pour ce couple. Surtout qu’après leur union religieuse en décembre dernier, la bonne nouvelle tombe: Anaïs est enceinte. La nouvelle est excitante. Si la grossesse est difficile, le couple est heureux de voir la famille s’agrandir. Ils ne pensaient pas que quatre mois plus tard, au mois d’avril, leur vie deviendrait un véritable enfer. En une semaine, ils ont enterré trois enfants. Les triplés qu’attendait Anaïs n’ont malheureusement pas survécu… Week-End vous conte cette tranche de vie dramatique à travers les témoignages des parents meurtris qui aujourd’hui veulent savoir si cette fin tragique de leurs trois bébés n’est finalement pas le résultat d’une négligence médicale, d’autant que les médecins qui les ont suivis à l’hôpital de Rose-Belle ont récemment été suspendus de leurs fonctions dans l’affaire de Virginie Quirin, à qui le destin a finalement souri en lui rendant vivant un bébé déclaré mort par l’hôpital.

Fin novembre 2020, Anaïs réalise qu’elle a du retard dans sa menstruation. Elle commence à avoir les premières nausées. Elle effectue discrètement un premier test de grossesse qui s’avère positif. Pour être plus sûre, elle en fait un deuxième en présence de son mari. Et là encore le test est positif. Cependant le jeune couple veut une confirmation indiscutable de cette nouvelle inattendue. Ainsi, Anaïs effectue un troisième test avec pour résultat, « une troisième barre. Non pena saper, ladan meme j’étais bel et bien enceinte ».

La joie est bien réelle, même s’il n’est pas dans les projets immédiats du jeune couple d’avoir un enfant. Anaïs et Gary accueillent cette nouvelle « comme un cadeau du Bon Dieu. C’était le fruit de notre amour». Commence alors une la grossesse difficile avec des vomissements à longueur de journée. « Ce qui est normal, je le savais, mais je vomissais quand même beaucoup. Passé les fêtes de fin d’année, avec son époux elle se rend chez un gynécologue du privé le 9 janvier pour une première consultation.»

« Madame ou bizin joué loterie»

Le gynécologue l’a soumet à une échographie qui prend beaucoup plus de temps que la normale. S’il a confirmé la grossesse, il veut être sûr de ce qu’il voit. « Il a passé et repassé plusieurs fois la caméra à ultrasons sur le ventre avant de me dire : Ou trouver seki mo pe trouver la? » Surprise, Anaïs l’interroge : « Des jumeaux ? » Et le gynécologue acquiesce. Il y a avait deux placentas. Un véritable choc pour le jeune couple qui n’en revient pas. « Jamais je n’avais imaginé que j’aurais des jumeaux et la surprise a été vraiment très grande », raconte Anaïs. Gary, lui, est tétanisé. Mille questions se bousculent dans sa tête, alors que le médecin poursuit son examen. Et de leur annoncer deux minutes plus tard: « Madame ou bizin joué loterie.»

Abasourdi, le couple comprend alors qu’Anaïs attend des triplés.  «C’était un énorme choc. Incroyable. Difficile à saisir. Difficile à assimiler», se souvient encore Anaïs. Le gynécologue la prévient qu’elle devra être très patiente, car l’attente de triplés implique, en général, une grossesse difficile. Totalement sous le choc, le couple rentre chez lui tout heureux de cette nouvelle inattendue, mais combien réjouissante. Cependant, les interrogations fusent : « Même si la nouvelle était incroyable, on était comme sur un nuage. Notre vie allait changer plus qu’on avait imaginé, et on commençait à s’y préparer », raconte Gary.

Comme l’avait prévu le gynécologue du privé, la grossesse d’Anaïs n’est pas un long fleuve tranquille. Elle n’arrête pas de vomir et fait le va-et-vient de chez elle à la clinique. Sur le conseil du médecin également, elle commence un traitement au dispensaire de sa localité à Tyack. Cependant, au vu de sa situation, le dispensaire la réfère à l’hôpital de Rose-Belle, où Anaïs prévoit d’accoucher, du fait que « c’est à l’hôpital qu’il y a les incubateurs les plus sophistiqués en cas de complication ».

Une première pour le médecin

Lors de sa première consultation à l’hôpital de Rose-Belle, après avoir confirmé par échographie que la jeune femme attend des triplés, le gynécologue du public qui l’ausculte lui confie que ce sera sa première expérience à lui aussi. « Il nous a dit qu’il en était tout fier. Pas tracasser, tout pou passe bien, li pou ale demande conseil enn confrère l’Afrique du Sud».  Elle est tout de même prévenue : « C’est une grossesse à risques.»

La prévenance du gynécologue touche Anaïs qui se sent en sécurité. D’ailleurs, à chacune de ses consultations, le médecin permet à son mari d’être présent dans la salle. Parallèlement, la jeune femme poursuit son traitement dans le privé. Elle effectue même un test pour détecter une quelconque malformation. A chaque consultation à l’hôpital, où elle devient une curiosité, présentée à nombre d’internes, le gynécologue la rassure. Ses trois bébés grandissent bien dans son ventre de plus en plus lourd à porter. Si son accouchement, selon ses calculs, est prévu pour le début du mois d’août, les médecins de l’hôpital, comme ceux du privé, estiment qu’elle devrait accoucher vers le 25 juillet.

Anaïs, qui est de petite corpulence, a dû mal à dormir et elle vomit constamment. Le 15 avril dernier, lorsqu’elle se rend, accompagnée de son époux, à son rendez-vous bimensuel à l’hôpital, elle doit attendre plus de deux heures avant d’être consultée par le gynécologue qui la suit. Un véritable calvaire. Toutefois, lorsqu’après l’échographie ce dernier lui dit que « tou korek, le coeur de chacun de ses bébés bat normalement », elle est soulagée. Même si son ventre est comme un ballon de rugby et que les douleurs sont atroces. A peine l’échographie terminée, le gynécologue lui demande de revenir dans une semaine, car il ne peut lui accorder plus de temps à cause de ses nombreuses patientes présentes ce jour-là. Malgré l’insistance d’Anaïs d’être auscultée pour les douleurs qu’elle ressent, le gynécologue la renvoie chez elle et lui dit: « Seki kapav fer, prend panadol ek met compresse. Pran lor ou. »

«Peut-être une fissure d’eau »

Anaïs rentre chez elle, découragée et fatiguée. En début de soirée vendredi, le lendemain, juste après sa douche, alors qu’elle est assise devant la télé, la jeune femme sent qu’elle a mouillé ses sous-vêtements. Etonnée, elle en parle à son mari et se change, mais à peine revient-elle au salon qu’elle ressent la même chose. Sur les conseils de sa belle-mère, elle appelle le gynécologue, qui est de garde ce soir-là. Celui-ci lui conseille de se rendre à l’hôpital, lui faisant comprendre que « mo bann généralistes labas pou guette ou». Anaïs lui demande s’il sera présent et il lui répète: « Pas tracasser. Mo bann généraliste pou prend ou compte ».

Il est aux alentours de 19h lorsque les proches d’Anaïs la conduisent aux urgences de l’hôpital de Rose-Belle. La future maman, qui se tord de douleurs, est placée dans un fauteuil roulant, mais doit cependant patienter que les médecins en finissent avec d’autres malades avant d’être reçue. Il a fallu pour cela que sa famille proteste contre manque d’égard à une femme enceinte de triplés, et dont l’état inspirait de graves inquiétudes. Le médecin généraliste qui l’ausculte lui a demandé de s’allonger et lui a introduit un spéculum qui l’a fait hurler à mourir à cause de la douleur, mais aussi de la peur qui s’était emparée d’elle. Il lui sera dit que l’écoulement vaginal qu’elle avait eu plus tôt émanait « peut-être d’une petite fissure de sa poche d’eau ».

En attendant les instructions du médecin qui prend tout son temps, ses proches estiment qu’elle devrait se rendre plutôt à une clinique à cause de ses douleurs qui ne faiblissaient pas. Cependant, les deux cliniques des Plaines-Wilhems approchées par la famille, refusent de la prendre comme patiente, car, selon elles, « à 22-23 semaines de grossesse, c’est un risque de prendre une femme enceinte, du fait que ces établissements ne disposent pas de soins intensifs pour les grands prématurés ».   

«Pas prend ici, ale enba »

Toujours dans la salle d’attente sur son fauteuil, Anaïs demande à aller aux toilettes publiques. Là, lorsqu’elle se lève du fauteuil roulant, la jeune femme constate « comme une rivière entre ses jambes ». L’ attendant qui l’accompagne s’exclame alors : «Madam ou pos d’eau inn casser.». Elle était totalement paniquée. Les généralistes présents, tous aussi paniqués, demandent de la conduire au Labour Ward. Anaïs est tétanisée. Elle comprend que l’échéance de l’accouchement est proche, mais fait preuve de confiance sur la base de ce que son gynécologue lui a toujours dit: « Tout pou passe bien ». D’ailleurs, elle pense que le gynécologue sera là pour la rassurer.

Dès lors tout s’enchaîne. Son mari la dirige vers le Labour Ward, mais les infirmières refusent d’admettre Anaïs dans cette salle, car selon elles « 23-24 semaines, pas prend ici, ale enba ». Elle est alors dirigée vers la salle 2.1 où son gynécologue habituel de l’hôpital vient l’ausculter, après quelques minutes, et lui fait faire une échographie. Il lui dit que ses bébés vont bien, que leur coeur bat normalement et que le niveau du liquide amniotique dans ses placentas est conforme, même si dans un des placentas le niveau a légèrement diminué. Le gynécologue lui annonce alors qu’elle va accoucher bientôt, car la tête du bébé pointait vers le bas. Il lui recommande un « strict bed rest » en attendant qu’Anaïs soit auscultée le lendemain matin par les médecins généralistes. Si Anaïs explique au médecin qu’elle est angoissée, il lui rétorque: « Mo ti fini dir ou ce enn grossesse à risques. Si ena kik problème, priorité c’est ou pas ou 3 zanfan. » En pleurs, seule sur son lit d’hôpital, Anaïs tente de se rassurer. Elle a la foi. Elle prie. Elle appelle son époux et lui raconte sa dernière conversation avec le gynécologue. Gary essaye de la rassurer du mieux qu’il peut et la jeune femme finit par s’endormir.

Le samedi matin, Gary va à la rencontre du gynécologue qui lui explique qu’à l’échographie, il a entendu battre le coeur des trois bébés et l’informe qu’Anaïs va bientôt accoucher. Toutefois, il met en garde l’époux que « s’il effectue un accouchement, les bébés ne seraient pas viables et cela sera considéré comme un avortement ! » Gary est sidéré. Il ne comprend pas les propos du médecin, du fait que les coeurs de ses bébés bat normalement. « Alors, pourquoi faire un avortement? » se demande-t-il. Tremblant d’angoisse et de rage, il ne digère pas que « le médecin avait déjà condamné mes trois enfants », pleure-t-il. Mais Gary tente de cacher ses émotions pour ne pas tracasser Anaïs.

Un cauchemar sans fin

C’est à ce moment-là que le cauchemar sans fin allait frapper le jeune couple. Vers 10h, la médecin généraliste vient ausculter Anaïs sur son lit d’hôpital. Lorsqu’elle approche « pou mettre sa main », la jeune femme se recroqueville. « Encore? » demande-t-elle, fatiguée de tous ses examens. Mais à peine l’avait-elle touchée que la doctoresse crie: « Linn Fully. Bizin amène li labour Ward. Rod trolley » Anaïs a tout juste le temps de mettre un message à son mari pour le prévenir. En quelques mouvements, elle se retrouve dans la salle de travail. « J’avais très peur. Je n’étais pas préparée. Et d’un coup, je me retrouvais à demi assise, les pieds dans des étriers pour accoucher. Autour de moi, il y avait plusieurs personnes qui me regardaient avec autant d’effroi que moi je les regardais. Je ne comprenais pas pourquoi on ne m’avait pas amené dans une salle d’opération, car il était prévu, avec mon gynécologue que j’accouche par césarienne. Mais je ne pouvais pas poser de questions. On me disait « »garde ou calme, ou pou gagn bébé la » », raconte-t-elle.

A un moment, parmi toutes ces personnes autour d’elle, Anaïs aperçoit près de la porte son gynécologue qui guette. « Je lui ai dit : ah docteur, ou la », qui lui dit « pas gagn tracas bann-la pou fer zot travay ». Si Anaïs confie au gynécologue qu’elle pensait et aurait souhaité qu’il soit là à son accouchement, le médecin s’en est allé. Celles qui sont autour d’elle lui demandent de « pousser madam » en appuyant sur son ventre. « C’était atroce. Je poussais et je leur criais de me laisser tranquille, mais rien qui vaille. J’avais mal au dos, mais on me disait toujours qu’il fallait pousser. J’en étais incapable, malgré mes efforts », dit-elle. A bout d’une heure, aucun bébé n’étant sorti, le personnel mettra fin à ce calvaire. « Elles se parlaient entre elles en disant : ki pou fer et finalement elles m’ont dit : ferme la cuisse madam, dessan. » Anaïs, qui se tord de douleurs est ramenée dans une salle dans le labour Ward. On lui recommande un strict bed rest une fois de plus.

Vers 14h, elle commence enfin à ressentir les premières contractions. « Avant cela, je n’avais pas eu de contractions. Pourtant on a tenté de me faire accoucher par tous les moyens. Mais lorsque j’ai prévenu les infirmières que j’avais des contractions, elles m’ont dit de me reposer. »

« Ou bébé ine mort »

« Cette nuit-là », raconte-t-elle « les douleurs étaient insoutenables. Je me sentais mourir et je pleurais et criais. Lorsque j’ai dit aux infirmières que je sens que je vais accoucher, elles m’ont dit que « sa qualité crier la pas signes accouchement sa. Enn lot qualité crier ou pou crier Kan pou ler. Nou nou pou conner. Respirer, calmer ou, prend lor ou ». Malgré ses cris et ses pleurs pendant la nuit, aucune des infirmières ne viendra la voir. Ce n’est qu’au matin, au changement d’équipe du personnel qu’une infirmière vient l’examiner. Et elle lui dira: « Madam, bébé fini dessan ». Anaïs est immédiatement conduite dans la salle d’accouchement. Une fois de plus elle pousse et au bout de 15 minutes, son bébé arrive. Le premier. A bout de souffle, Anaïs entend un membre du personnel soignant lui dire: « Bien sagrin madam, ou bébé inn mort. Son cordon autour latete ».

Anaïs sous le choc de cette annonce brutale ne comprend pas du premier coup. Comment? demande-t-elle, estimant qu’elle a donné vie et qu’il n’était pas question de mort. Quelqu’un lui répondra que « le bébé est né sans vie». Elle voit le personnel mettre son bébé sur la pesée : il fait 450 grammes. Il est comme un bébé normal. A cet instant-là, le personnel lui explique qu’il faut enlever le placenta de son utérus, mais il y renonce, car les deux autres bébés d’Anaïs bougent toujours. Elle est alors replacée dans le fauteuil roulant, où, malgré son grand chagrin, elle ne veut qu’une chose, celle de voir et de toucher son bébé mort. Sa demande sera agréée et on la laisse caresser le bras du bébé. Lorsqu’elle demande avec insistance si son mari peut voir leur enfant, on lui dit que dans les cas de bébés mort-nés, l’hôpital ne remet pas l’enfant à la famille.

«Li pas grave, ou encore zenn»

Anaïs passera ainsi tout le week-end alitée avec ses douleurs et ses deux autres bébés vivants dans le ventre. Le lundi matin, un spécialiste vient l’ausculter et recommande une échographie. Entre-temps, son mari la prévient que le gynécologue souhaite le voir. « J’étais dehors et j’attendais le gynécologue quand c’est un autre spécialiste qui est venu à ma rencontre. Il a fait un dessin sur un morceau de papier pour me dire qu’il y a un décalage de deux jours entre les placentas.» Et que pour lui, c’était du jamais vu que le col d’utérus se refermait. Dans tous les cas, selon ce spécialiste « les deux bébés ne survivront pas ». On fait alors signer un document à Gary. « Ils avaient déjà condamné mes deux bébés à la mort. Alors que le premier était déjà parti, ils m’ont dit sans détour, sans une once d’humanité que mes deux enfants n’étaient pas viables », raconte Gary. L’un deux dira même à Anaïs « li pas grave, ou encore zenn, ou kapav gagn lezot zenfan ».

Dans la soirée de lundi, lorsqu’Anaïs ressent de fortes envies d’uriner, elle s’aperçoit en fait qu’elle saigne. Alertée, l’infirmière qui l’examine lui annonce que « bébé pe desann ». Alors que celle-ci était partie chercher ses collègues et le matériel, Anaïs dit avoir entendu un « boop » et un bébé pleurer. Il était 23h15. Son deuxième bébé était déjà sorti tout seul et se retrouvait sur le lit dans la salle. C’est une fille. Elle est heureuse. Cette fois c’est la bonne, se dit-elle, malgré son chagrin. Elle a enfin mis un de ses bébés au monde. Alors que quelques heures plus tôt les médecins lui avaient affirmé qu’ils ne seraient pas viables. Pourtant, il est bien vivant.

Immédiatement, les infirmières prennent le bébé et le transportent ailleurs alors que l’équipe au chevet d’Anaïs constate que le troisième bébé arrive. Mais il se présente par le siège. « Enn bridge sa. Enn bridge sa » ne cessait de crier les infirmières qui préviennent le médecin de garde. Ce dernier dira à Anaïs : « Mo pou deman ou couraz. Rod tout ou la force. » Avec précaution, le médecin retourne le bébé dans une meilleure position. Au bout de cinq minutes d’extrême souffrance, le bébé arrive enfin à 23h30. Là encore, les infirmières courent et prennent le bébé pour s’en occuper. Anaïs souffre atrocement, mais elle est heureuse. Elle a réussi à mettre au monde, vivants, ses deux  autres bébés. Elle pense au 3e qui est mort-né. « Cela devait être le destin. Mais maintenant j’en ai deux. Je les aime de tout mon corps qui souffre », se dit-elle.

« Pena incubateur spécialisé dans Rose-Belle »

Malheureusement son bonheur retrouvé sera de courte durée. Son calvaire n’est pas fini. Il faut qu’elle expulse les placentas. Un exercice aussi douloureux qu’un accouchement, se souvient Anaïs. De là où elle est, Anaïs peut voit son dernier né sur une table. Toute proche. Les infirmières sont en train de pulvériser quelque chose autour de lui. Et le pédiatre arrive. Il lui annonce que ses deux bébés, une fille et un  garçon pèsent respectivement 625 g et 620 g. Quelques minutes après, elle est reconduite au Labour Ward. Elle demande si elle peut appeler son mari, mais on lui dit d’attendre, car à cette heure de la nuit, ce n’est pas prudent avec toutes ces émotions de prendre la route.

Cependant, quatre heures après, Gary reçoit un appel du pédiatre qui lui annonce que « sa fille est décédée». Pour ce qui est du dernier bébé, un garçon, il est transféré à l’hôpital de Flacq « parski pena incubateur spécialisé dans Rose-Belle ». Gary tombe des nues. Il ne comprend pas vraiment ce qu’on lui dit. « Que se passe-t-il? Pourquoi sa fille est morte? Que se passe-t-il avec son fils? ». Les questions se bousculent dans sa tête. Il prend tout de même la route et se rend à l’hôpital de Rose-Belle où les médecins lui expliquent que même si sa fille était plus développée, elle n’a pas survécue. Cependant, ils l’ont assuré que « nou pou fer tou pou ou garçon viv. Sa meme nou pe amene li lopital Flacq kot ena lappareil spécialisé ». Il garde ainsi la dernière once d’espoir, et avec ses proches, suit l’ambulance qui emmène son fils à l’hôpital de Flacq. Là-bas, le petit que les parents ont surnommé Ky-mani, est pris en charge et est mis sous incubateur.

«Ou pe tro poz kestion»

Anaïs est traumatisée. Elle a déjà perdu deux enfants. Mais elle aussi garde espoir que son fils est entre de bonnes mains à Flacq. Le mardi, lorsque son gynécologue habituel passe dans la salle, il dira à Anaïs: « Bien triste sekinn arriver. Mais mo ti prévenir ou, enn grossesse à risque sa. » Lorsque Anaïs lui pose des questions, il refuse de répondre. Sur son insistance, il lui dit: « Mo trouver ou latete fatigué. Ou pe trop poz moi kestion. Ou kapav rest trankil! » Mais Anaïs veut comprendre. Elle continue de lui poser des questions. Et soudain, changeant de ton, le gynécologue lui crie : « Ou pe trop poz kestion. Si ou continuer mo pou ale de l’avant avec bann problème psychiatrique. » Décontenancée, Anaïs se tait. Et le médecin téléphone aussi à Gary et le prévient : « Si ou madam continuer, mo pou fer li passe pou fol. Li bizin arrêt poz kestion. Fer li rest tranquille. » Gary convainc alors sa femme de ne plus penser qu’à leur fils vivant. Avant de rentrer chez elle, le lendemain mercredi, elle subit un curetage d’un autre médecin qui effectue cette opération alors que son gynécologue regarde la procédure derrière les rideaux.

Le lendemain, le 22 avril, rentrer chez lui, le jeune couple prépare l’enterrement de la leur petite qu’il a surnommée Alyana. La cérémonie est prévue le vendredi à 10h à l’église de Mahébourg où Anaïs et Gary se sont mariés en décembre. L’atmosphère est lourde dans leur petite maison à Tyack. Mais Anaïs et Gary pensent à leur fils Ky-Mani qui est à l’hôpital de Flacq et qui leur donne la force de tenir. Mais c’était sans compter sur le destin fatal qui les poursuit. Lorsque le téléphone sonne, c’est pour apprendre que les poumons du petit Ki-Mani est en train de saigner, mais on l’assure que tout sera fait pour le sauver. Cependant, à 4h55, le téléphone sonne de nouveau. C’est toujours l’hôpital de Flacq. C’est Gary qui répond à l’appel. On lui apprend que « ou garson inn décédé. Noun fer tou pou sov li, mais li pann résister». Le couple est anéanti. « C’était le noir total. Un vide énorme. Indescriptible », raconte Gary, se remémorant leurs cris de douleur et de désespoir. « Nous attendions trois bébés et non trois morts », dit Anaïs.

L’enterrement de la petite Alyana prévu vendredi est reporté au lendemain, car elle sera enterrée avec son frère. Dans la douleur, comme des automates, le jeune couple récupère les bébés à la morgue. L’un à la morgue de Rose-Belle, l’autre à l’hôpital de Flacq. L’enterrement de ces deux petits êtres est déchirant. Anaïs et Gary sont anéantis. Ils peinent à reprendre leur quotidien. Heureusement qu’ils sont entourés de leurs proches. Deux semaines après ses douloureux événements, Anaïs en pleine déprime, note qu’elle saigne. Et voit de gros caillots de sang dans ses sous-vêtements. Elle est immédia tement transportée à la clinique où elle effectue une échographie. Le gynécologue qui l’ausculte recommande un nouveau curetage. Elle avait pourtant « déjà tout enlevé à l’hôpital ». Heureusement qu’elle a été opérée à temps en clinique et qu’elle a pu être préservée de conséquences plus graves Plainte pour négligence médicale

En mai dernier, à la lecture des journaux, Anais Antoine tombe sur l’histoire de la petite Emilie, le bébé miraculé, déclarée non-viable avant sa naissance, et laissée pour morte à son accouchement, mais  retrouvée vivante une heure plus tard. Cette histoire a encore plus bouleversé Anaïs, qui décide après avoir hésité longtemps de prendre contact avec Virginie Quirin, la semaine dernière. Au fil de la conversation lorsque Virginie lui donne le nom du gynécologue, qui a été suspendu, et celui du médecin qui a été transféré pour cause de négligence médicale dans le cas de la petite Emilie, Anaïs réalise qu’il s’agit des mêmes soignants impliqués dans son cas. Son sang ne fait qu’un tour, puisque la douleur est encore vivace et les nombreuses questions jusque-là étaient restées sans réponses. Ce qu’ils pensaient secrètement sans oser l’imaginer prend une forme plus convaincante.

Aujourd’hui, le couple Antoine est convaincu qu’il a été aussi victimes de la négligence, même s’ils savent que cela ne retournera pas leur enfant. Décidés à en avoir le coeur net et de sortir du silence qui les ronge, ils ont porté plainte lundi dernier à la station de police de l’hôpital de Rose-Belle, ainsi qu’au département des plaintes de l’établissement hospitalier.

Anaïs et Gary sont catégoriques, « certes il nous sera difficile de nous relever après cette épreuve. Mais nous portons plainte c’est pour faire changer les choses et qu’il n’y ait plus d’autres cas de négligence médicale, pour que plus jamais aucun parent ne soit victime d’une telle peine, d’une telle souffrance de mettre au monde des enfants qui meurent dans les jours qui suivent », disent Gary et Anaïs qui sont loin d’être remis de leur traumatisme.

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