50 ans de Présence des Soeurs missionnaires de la charité : L’exemple de Mère Teresa comme levier de l’action envers enfants et vieux

Le 10 septembre, les Sœurs missionnaires de la charité, aussi connues comme les Sœurs de Mère Teresa, ont fêté les 50 ans de présence de leur congrégation à Maurice. À Roche-Bois, où elles sont basées, elles sont quatre religieuses, les sœurs Gloria, Mira, Nives et Dhira, aidées de 12 volontaires, de trois enseignantes, Nancy, Wendy et Sandra, pour l’accompagnement des élèves recalés. Il y a aussi une résidence pour les femmes seules, au nombre de 33. Elles racontent leur bonheur d’être loin de l’isolement.

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Un lieu paisible qui respire la sérénité de ses occupants. Telle est l’impression qui se dégage dès qu’on franchit la porte du couvent de la communauté des Sœurs missionnaires de la charité de Roche-Bois. Les sœurs Gloria et Dhira, drapées dans leurs saris blancs à liseré bleu, et qui prêchent la prière et l’action charitable tout comme l’avait fait Mère Teresa, sont toujours accueillantes. Difficile de rester insensible devant la joie de vivre des 33 résidentes qui occupent une aile du couvent.

La plus jeune a 34 ans, autrement capable, elle n’arrive pas à mouvoir son corps, mais reste lucide. Elle émet de petits sons, histoire de rappeler qu’elle comprend. La plus âgée est centenaire, elle se nomme Gisèle Emmanuel, pétillante de vie, avec une mémoire infaillible. La communauté a connu quatre centenaires, deux sont décédées.
Dans une grande pièce qui sert de chambre, atténuante à la salle à manger, des lits sont aménagés côte à côte, une proximité acceptée par ces dames, célibataires, veuves, divorcées et autrement capables. Ensemble, elles ont appris à vivre en communauté et celles interrogées sont unanimes à dire qu’elles ont trouvé un véritable refuge, une sorte de havre de paix. Pourtant, la réalité semble brutale et pousse à la réflexion. On a du mal à comprendre cette forme d’abandon. On se questionne même sur le sens du mot « famille » et on s’autorise même à se dire : « Est-ce le sort qui est réservé à tous ceux qui sont seuls ? »

Rompre avec la solitude

Pourtant, ces résidentes rassurent : elles sont heureuses. À l’instar de Doriane, âgée de 55 ans, qui a travaillé comme secrétaire et qui, à la suite d’un problème à la jambe gauche et au bras, arrive difficilement à se déplacer. Elle dit avoir trouvé une paix d’esprit en ce lieu. « J’ai été mariée, puis il y a eu la séparation. Ma fille n’a que 22 ans, elle est trop jeune pour me prendre à sa charge. J’ai aussi un fils. Ils sont là pour moi. Nous sommes bien traitées, nous avons une hygiène de vie, et surtout nous ne sommes pas seules. Nos enfants nous rendent visite, mais il ne faut pas oublier qu’ils ont aussi leur vie », confie-t-elle.
La solitude, ce mot qui résonne, tambourine et qui fait prendre conscience que la vie n’est pas toujours un cadeau. D’où la mission de Mère Teresa de son vivant d’apporter un rayon de soleil dans la vie des gens qui sont dans le besoin, à travers un acte de bienveillance et de partage, et cela, sans rien demander en retour. « Ce qu’on a reçu gratuitement, on le redonne », explique, de son côté, sœur Gloria. Elle raconte que c’est en septembre 1972 que six religieuses sont venues à Maurice à la demande de Mère Teresa avec pour mission de veiller à l’accompagnement spirituel des Mauriciens.

Brunette, 69 ans, est du même avis. Elle a rejoint le camp des sœurs depuis la création du couvent des missionnaires de Mère Teresa. « J’étais là pour les accueillir. Aujourd’hui, j’en ai fait ma maison de repos. Au départ, je m’étais totalement investie dans cette cause, étant orpheline de mère depuis l’âge de neuf ans. Lorsque mon père est tombé malade, j’ai tout quitté pour m’occuper de lui, jusqu’à sa mort à l’âge de 99 ans. Il est mort carbonisé dans un incendie. Sa maison a pris feu. Il devait avoir 100 ans, le destin en a décidé autrement. Je reste une volontaire pour le couvent, mais mon opération et le poids de la fatigue fait que je me sens diminuée. Donc je suis venue prendre du repos au milieu des sœurs et des résidentes », souligne-t-elle.

« Pas enfermées mais en sécurité »

Les témoignages affluent, certaines résidentes sentent ce besoin de se libérer du poids des mots. Elles sont toutes à la recherche de ce petit geste d’attention, de ce regard chaleureux qu’on veut bien porter sur elles. « On ne vit pas enfermée mais en sécurité. On parle de tout. On se lève le matin, on est motivée, car on est en groupe », clame Elsie, 74 ans, mère de deux fils et d’une fille. Déambulant sur son fauteuil roulant, cela fait huit ans précisément qu’elle vit à la résidence.

Ici, elle sent le rayon de soleil sur sa peau, la douceur d’une main tendue comme pour lui dire qu’elle n’est pas seule.

Pour lutter précisément contre l’isolement, les sœurs missionnaires de la charité mettent en place diverses activités, une sorte d’atelier d’expression artistique permettant aux résidentes de mieux apprendre à se connaître entre elles. Elles leur proposent de participer à un projet où on fait appel à leurs expériences du vécu, leur savoir-faire, leur créativité. C’est un moyen de leur donner l’envie de réapprendre à vivre et de rompre avec la solitude à laquelle elles auraient été confrontées si elles étaient enfermées seules chez elles.
Sœur Gloria, d’origine mauricienne, a senti l’appel de Dieu à un jeune âge, alors qu’elle résidait encore à Roche-Bois. Depuis son engagement comme missionnaire, elle a sillonné des routes, en étant basée au Mozambique, en Afrique du Sud, aux Seychelles, et maintenant à Maurice. « Mère Teresa est venue six fois à Maurice, elle a choisi Roche-Bois pour notre maison avec le slogan : Servi avek amour, viv enn lalimer pou lezot. C’est le 10 septembre que Mère Teresa a entendu l’appel de Dieu et depuis, nous sommes arrivées au jubilé : 50 ans. Soit une existence riche au service des plus démunis. »

Sœur Gloria a grandi avec ces valeurs fortes au travers de la catéchèse et de ce don de se mettre au service des autres. Aujourd’hui, l’endroit est dirigé par quatre religieuses, Dhira, la supérieure, Mira, Nives et Gloria. La pandémie de Covid a aussi bousculé leurs habitudes, mais sœur Gloria rassure. « Une employée avait eu le Covid et cinq résidentes étaient malades, mais nous avons pu gérer la situation. Nous avons une douzaine d’employés à ce jour et une école, sorte de deuxième chance pour les recalés », dit-elle.

Sœur Dhira, qui vient du Bangladesh, dirige le couvent. Elle raconte que sa mission a été dictée par la main de Dieu. À Maurice, depuis 1983, elle s’est mise au service des plus démunis et des pauvres. « Aucun regret d’avoir choisi cette voie. C’est important d’être bon envers une personne et de s’engager dans le volontariat pour soulager la misère. Maurice est dans mon cœur. Mo pli kontan isi plis ki mo pei. Mère Teresa nous a inculqué cette notion d’humilité », rassure-t-elle.

L’école de la deuxième chance

Une autre aile du couvent des sœurs missionnaires de la charité est transformée en une école, animée par trois enseignantes, soit Nancy Joseph, Sandra François et Wendy Bénisse. Nancy a fait son apprentissage à l’école de Roche-Bois. Maman de deux enfants, elle se souvient que petite, elle venait se ressourcer dans ce lieu et connaît aujourd’hui la réalité du terrain. « Nous nous occupons des enfants à problème, certains viennent à l’école sans nourriture, nous prévoyons tout : petit-déjeuner, déjeuner, goûter. Avant, il y avait aussi un problème d’hygiène, on s’assure que l’enfant prend un bain, a des vêtements propres avant d’entrer en classe. »

Lorsqu’on aborde le regard de Nancy Joseph sur la vie, avec d’un côté des enfants recalés, et de l’autre, les vieux placés en résidence, elle aura le même sentiment ressenti : « la définition de l’isolement est plus complexe car même avec la famille sur place, vous vous sentez seule. Même si on travaille, on perçoit un salaire, on n’est jamais à l’abri. »
Elle poursuit : « personne ne peut prédire ce que sa vie sera quand il sera vieux. Nous ne pouvons pas blâmer les enfants qui placent des vieux dans des résidences, car eux aussi ont leur vie. Une résidence est un lieu valorisant, car il permet à un vieux de ne pas se sentir abandonné. Et l’école de la deuxième chance, un tremplin, car chaque enfant a droit à une éducation qui est la clé de son avenir. Durant le confinement, nous avons dû reprendre les cours de zéro. Heureusement, aucun enfant n’a été contaminé au Covid-19. Ce n’est pas seulement l’enseignement, mais aussi d’être parent avant tout. Il y a des enfants intelligents parmi les recalés, ils ont droit à une autre chance dans la vie. »
Sandra François, une autre enseignante, abonde dans le même sens. Les matières au programme sont l’anglais, le français, les maths, l’histoire et les sciences. « J’ai fait une interview temporaire pour trois mois et cela fait quatre ans que je suis là. Ces enfants viennent de différentes régions : Bois-Marchand, Cité-La Cure, Baie-du-Tombeau. Certains vivent avec leurs grands-parents ou des parents séparés. Il y a chez eux la difficulté de s’adapter, et notre rôle c’est d’être leur guide », fait-elle comprendre.

Wendy Benisse, une autre enseignante, dira pour sa part que« quand on choisit de s’engager pour une cause, il faut aller jusqu’au bout de sa mission. C’est le credo de Mère Teresa, agir dans l’humilité tout en étant au service des enfants. Pendant les vacances, les sœurs font des camps et comme j’avais perdu mon travail, on m’a dit de venir enseigner ici. Il faut de la patience et beaucoup d’amour pour faire ce métier. On fait aussi des sorties éducatives avec les enfants, pas que de la théorie. Ils ont eu la chance d’aller à Odysseo. »

 

Rêves d’enfant : Grandir vite pour ne plus être pauvre

La vie est difficile quand on naît pauvre, c’est le constat de ces enfants qui ont eu une deuxième chance à l’école des Sœurs missionnaires de la charité de Roche-Bois. Entre leurs enseignantes, Nancy Joseph, Sandra François et Wendy Benisse, ils ont retrouvé confiance et osent s’exprimer. Ils veulent devenir chef, policière, menuisier, représentant de showroom, coiffeur, travailler dans l’onglerie. Les maths et la cuisine semblent plus les interpeller car, comme ces enfants le disent, un salaire et de la nourriture leur donnent le droit de vivre et de survivre…

Joane, 15 ans, se laisse porter par les maths qui, dit-elle, peuvent l’aider à générer ses revenus futurs. Elle se voit aussi dans la peau d’un chef. Joane étonne par son franc-parler. Pour elle, la nourriture ne devrait jamais manquer sur les tables, et un enfant ne devrait jamais connaître les privations de la vie. « Mo kapav kwi tou manze ena, tou dimounn pou gagne. » Quand elle rentre à la maison, hormis les leçons apprises en classe de Miss Nancy, Joane aide aussi aux tâches ménagères.

Emmanuel, 14 ans, aime le français et garde espoir d’évoluer un jour dans un showroom. Il s’imagine s’exprimer dans un français impeccable, guidant les clients vers leurs achats, en vantant les mérites d’une voiture où d’un produit électroménager. « Lavi dan lekol li apran nou vinn kelkun inportan », dit-il avec toute l’innocence d’un enfant.
Ketty, 14 ans, parle de sa préférence pour les maths. Elle aussi rêve de tenir entre ses mains son premier salaire et de pouvoir en retirer un sentiment de fierté personnel. Elle veut être chef car, dit-elle, dans la cuisine, on peut avoir tous les plats qu’on veut et même de la pâtisserie.

Camelia, 13 ans, martèle vouloir sortir de la pauvreté en devenant policière. « Zanfan bizin konn so drwa. Je vais pouvoir rétablir cette injustice de la vie en défendant les droits des autres enfants, en les protégeant. Je vais rendre fiers mon professeur, ma famille. Je vais être dans la force policière. »

Gisèle Emmanuel : « Dieu a voulu que je sois centenaire »
Centenaire… ce mot résonne en écho dans la salle de résidence des sœurs missionnaires de Roche-Bois. Née le 31 juillet 1922, Gisèle Emmanuel, qui a habité Port-Louis, a encore la joie de vivre. Son père était Messenger à la municipalité de Port-Louis et sa mère, femme au foyer. Célibataire, elle relate en rigolant : « Pa finn resi marye, pa finn trouv bon garson. »

Avec sa sœur Daisy, elles ont toutes deux travaillé à l’usine de vin des Oxenham. Gisèle a commencé à travailler à l’âge de 12 ans, ayant arrêté l’école après la sixième. « Nou ti pe lav boutey. Ou konn Oxenham, enn gran lizinn. Je suis venue au couvent avec Daisy, ma grande sœur, mais elle est morte. Depuis, je me suis fait d’autres amies. Ki pli bon kamarad ki enn maser. » Les éclats de rires de Gisèle apportent des étincelles et des couleurs dans la vie des résidentes. Car Gisèle est devenue une vedette à sa manière.
Gisèle remercie Dieu d’avoir une bonne vue malgré son grand âge.

Elle ne porte pas de lunettes, ni pour lire, ni pour regarder la télévision. Et elle ne tombe jamais malade. Sœur Gloria raconte qu’à la suite d’une chute et d’une fracture à la jambe, les médecins ont tout fait pour l’aider à passer le cap de centenaire. Sa vie tourne autour de la prière. Et elle respire toujours la joie de vivre. D’ailleurs comme Gisèle le dit et Tino Rossi l’a bien chanté : « La vie commence à 60 ans, mais il a oublié que cela pouvait aller jusqu’à 100 ans. Tout cadeau vient de Dieu, telle est sa volonté. »

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