AÉROPORT: Les derniers jours à Chat Gaon

Depuis quelque temps, le nom du village Chat Gaon est présent dans les médias. Dans le cadre de la création d’une zone tampon autour de l’aéroport, Airports of Mauritius Limited a fait une offre d’achat de terrain à 21 familles de cette localité. Un développement qui vient bouleverser leurs habitudes tout en leur offrant la possibilité de s’installer dans un coin plus tranquille.
En arrivant à Plaine-Magnien, nous entrons dans le décor avec un avion d’Emirates Airlines qui s’apprête à atterrir à Plaisance. Nous faisons la route presque côte à côte, jusqu’à un certain moment où l’appareil continue droit vers le terminal, alors que nous tournons à droite, pour entrer dans le village de Chat Gaon. À peine quelques détours plus loin, un vrombissement de moteurs annonce l’arrivée d’un autre appareil. Un avion d’Air Austral, cette fois, s’avance dans un élan beaucoup plus rapide que son prédécesseur.
Nous sommes dans le quotidien de Chat Gaon ! Les atterrissages et décollages des avions font partie du décor habituel de la région. Le village se trouve à proximité de l’aéroport. Jusqu’à tout récemment, son existence était inconnue de nombreux Mauriciens. Mais depuis qu’Airports of Mauritius Limited (AML) a décidé de racheter le terrain de 21 familles de la localité pour en faire une zone tampon autour de l’aéroport, Chat Gaon est cité dans les médias régulièrement.
Village éloigné
En réalité, Chat Gaon, dont le nom veut dire « village éloigné » en bhojpuri, n’est pas principalement concerné par les projets. Les familles en présence d’une offre d’achat habitent plutôt à Chemin-La-Grotte. La proximité de l’aéroport peut être un atout, comme une source de problèmes pour les habitants.
Mohamad Haniff Nauzeer habite la région depuis 13 ans. Il est conscient que tôt ou tard, il devra partir, pour laisser la place aux travaux de l’aéroport. « Je suis triste, mais que voulez-vous, il faut bien partir. Nous ne pouvons faire obstacle au développement et en même temps, c’est pour notre propre sécurité. »
La vie à Chat Gaon et Chemin-La-Grotte est plutôt paisible, malgré les activités de l’aéroport et la proximité de l’autoroute. Ceux dont les maisons sont en bordure de route profitent du vent du sud-est pour faire face à la forte chaleur de la région.
Mohamad Haniff Nauzeer a construit sa maison dans cette localité, car c’est là qu’il y avait du terrain à vendre. Si au départ, le va-et-vient des avions l’importunait un peu, il a fini par s’y habituer. Sauf qu’à l’époque, le mouvement aérien à l’aéroport de Plaisance n’était pas aussi important qu’aujourd’hui. « Le nombre d’avions qui atterrissent et décollent chaque jour a augmenté. »
Relations cordiales
Comme dans beaucoup de villages, les relations entre voisins sont cordiales malgré les différences de culture. « Ici tout le monde s’entend. On vit bien entre voisins, on partage des choses. » La principale préoccupation de Mohamad Haniff Nauzeer, c’est le nouvel environnement qui l’attendra après son départ de Chat Gaon. « Nous ne savons pas encore où nous allons trouver un terrain, quels genres de voisins nous aurons… Tout n’est pas qu’une question d’argent. »
En face des Nauzeer, habite la famille Nowluck, propriétaire du terrain depuis plus de 20 ans. Ici, également, on sait que dans peu de temps, une fois qu’un accord sera trouvé avec AML, il faudra préparer son départ. Nandini Nowluck nous accueille dans sa cour, devenue depuis peu un lieu de rencontre pour les discussions sur les propositions d’AML. Comme Mohamad Haniff Nauzeer, cette mère de famille aime l’atmosphère conviviale qui règne à Chat Gaon/Chemin-La-Grotte. « Que voulez-vous, il faut être réalistes. On est en train d’agrandir l’aéroport et nous ne pouvons rester là en mettant notre vie en danger. Que se passera-t-il si un jour un avion rate son atterrissage ou son décollage ? Il faut penser à notre sécurité. »
En quête de tranquillité
Ce qui réconforte Nandini Nowluck, c’est qu’ailleurs, au moins, elle pourra dormir tranquille. « Parfois, les enfants se réveillent en sursaut la nuit à cause du bruit des avions ou des travaux. Le matin, ils sont fatigués et ont des difficultés à se concentrer à l’école. »
Chat Gaon étant un village éloigné, il y a parfois quelques inconvénients pour les habitants. À l’exemple des autobus, qui refusent d’entrer à Chemin-La-Grotte, lorsqu’ils arrivent au rond-point de Plaine-Magnien. « Ils nous déposent à la croisée et nous devons marcher pour rentrer chez nous. C’est d’autant plus fatiguant pour les enfants et les vieilles personnes. » Les nombreuses démarches auprès des autorités n’ont pas permis de trouver une solution à ce problème.
Feizal Chundoo, un autre habitant du quartier, a participé cette semaine à une réunion avec les dirigeants d’AML. « Les discussions progressent, nous avons été bien reçus et j’espère que tout ira bien. » Comme d’autres, il est d’avis qu’il est devenu impossible de continuer à vivre aussi près de l’aéroport. Pour lui également, il sera difficile de retrouver l’ambiance de Chat Gaon/Chemin-La-Grotte. « Ici, nous sommes comme une famille. Quand il y a un mariage, par exemple, tout le monde met la main à la pâte. Quand il y a un problème, tout le mode coopère. Personne ne refuse l’aide des autres. »
À cela, Nandini Nowluck ajoute que dans la localité, beaucoup de femmes ne travaillent pas. Pour arrondir leurs fins de mois, elles élèvent des animaux. « Nous ne protestons pas, car nous savons que chacun essaye de gagner sa vie. Mais ailleurs, on ne sait pas si ce sera possible. »
Les jeunes de la localité ne disposent que d’un centre communautaire où ils se retrouvent dans l’après-midi pour des jeux de société. S’ils veulent jouer au football, il leur faut se rendre sur le terrain de football dans le centre de Plaine-Magnien.
Les enfants, quant à eux, fréquentent l’école du gouvernement Burrenchobay ou St Patrick RCA. Les deux se trouvent dans le centre et il faut marcher longtemps pour y arriver ou attendre le bus à la croisée.
Même si AML n’a pas encore donné un délai aux familles pour quitter les lieux, elles savent qu’il faut s’y préparer. En attendant, elles en profitent pour vivre les derniers moments de bon voisinage et accueillir chez eux des invités dont la principale distraction est de voir atterrir les avions…
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Les discussions progressent
Les habitants de Chat Gaon et Airports of Mauritius Limited (AML) n’ont pas toujours été sur la même longueur d’onde. Des divergences sur le prix des terrains n’ont pas permis de faire avancer les discussions. Les deux parties sont cependant revenues cette semaine à de meilleurs sentiments. Sanjiv Nowluck, porte-parole des habitants, déclare avoir eu une réunion positive avec AML en début de semaine, ce qui a permis de clarifier certaines choses.
Les propriétaires vont donc soumettre bientôt leurs contre-propositions à AML. « Nous demandons seulement que les terrains soient évalués sur un même prix et non pas à des prix différents. Par contre, en ce qui concerne les maisons, elles doivent être évaluées au cas par cas. Nous proposons que les prix soient calculés à partir de Rs 900 le pied carré, car c’est ce que nous demandent les contracteurs pour la construction d’une nouvelle maison. »
Même s’il est le porte-parole des habitants, Sanjiv Nowluck précise que les négociations auront lieu entre chaque propriétaire et AML. Précisons que sur les 21 familles, une a déjà accepté l’offre d’AML et signé l’acte d’acquisition. Cinq propriétaires de terrain vague pourront en faire de même dans les jours à venir, alors que les propriétaires des maisons auront droit à des réunions de négociations.
Dans un communiqué émis récemment, AML explique que l’achat du terrain est nécessaire pour exécuter le plan de développement de l’aéroport. Une superficie de 1,6 arpent est requise pour créer une zone tampon et assurer des conditions optimales de sécurité pour les opérations aéroportuaires, selon les normes internationales.

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