Christina Chan-Meetoo  :“Une démocratie n’est pas complète sans un journalisme de qualité”

L’Australian High Commission et l’université de Maurice (UoM) ont organisé, lundi, un colloque dans le cadre de la World Press Freedom Day 2023 avec pour thématique Countering disinformation : ensuring an open and transparent infoscape. Le forum a ainsi réuni sur une même plateforme les différents acteurs du secteur, dont les représentants des principales maisons de presse, soit du Mauricien, de La Sentinelle, du Défi Media Group et de la MBC, ainsi que des représentants des institutions régulatrices, notamment l’Information and Communication Technologies Authority of Mauritius (ICTA) et la Data Protection Commission.

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Un forum de près de trois heures sur l’état de la presse locale et sur le phénomène de la désinformation et de la diffusion de fake news, qui prend de plus en plus d’ampleur sur les réseaux sociaux. “C’est l’Australian High Commission qui nous a approchés en premier dans le but d’organiser un atelier sur la désinformation” soutient Christina Chan Meetoo, Senior Lecturer in Media and Communication, Unit Coordinator, Communication Studies et Head of Mediacom Studio de l’université de Maurice.

Elle explique qu’il y a eu plusieurs réflexions autour des périodes électorales et “de la désinformation qui a tendance à circuler plus vite à ce moment-là.” “Nous avons ainsi voulu faire venir les grandes maisons de presse locale ainsi que les régulateurs pour ouvrir le dialogue”, dit-elle. “Nous aurions souhaité pouvoir inviter plus de personnes, mais il était impossible de mettre 10 personnes sur un panel. On aura certainement l’occasion d’organiser d’autres sessions de ce genre.”

Par ailleurs, au terme du colloque, un pledge on countering disinformation a été signé par les personnes présentes. Un geste symbolique. “Le pledge a été symboliquement rédigé en anglais, français et kreol morisien”, précise-t-elle. Et même si Christina Chan-Meetoo concède que les discussions entretenues ont brossé un avenir assez sombre du secteur, elle confie que “cela fait quand même chaud au coeur de voir la participation de chacun des acteurs.” Signe que la volonté d’améliorer et de protéger la liberté de la presse est bel et bien là. Christina Chan-Meetoo concède par ailleurs qu’il est clair “que le modèle économique est un peu le nœud de la guerre pour toute la presse privée.”

Pour y remédier, une des solutions proposées est de créer un fonds d’aide émanant de l’État. “Si certains étaient pour, d’autres étaient contre, par peur d’une mainmise de l’État. Ce qui est tout à fait normal dans un dialogue. Mais si cela devait se faire, il faudrait bien définir les conditions de non-interférence de l’État, par exemple.” En ce qu’il s’agit du problème de la désinformation, elle estime qu’il serait temps de se donner les moyens techniques avec les régulations et les conditions qu’il faut, pour “mesurer l’étendue de la désinformation et pour identifier les bad actors qui agissent sur les réseaux sociaux. Le but est de développer les outils pour réduire l’impact de la désinformation, notamment avec la viralité des réseaux sociaux”, insiste-t-elle.

En outre, elle souligne que durant le forum, les différents acteurs du secteur ont parlé de l’importance du fact checking, du prebunking et de media literacy. “Il y a une panoplie d’outils qu’il faut considérer sans pour autant se braquer l’un sur l’autre.” Quant à l’engouement des jeunes pour le métier, elle confie qu’il y a toujours “pas mal de jeunes intéressés, surtout quand ils voient des journalistes mis en vedette sur les réseaux sociaux. Ce qui est bien, car ces derniers sont passionnés, mais cela peut aussi être un danger.” Elle confie qu’il y a aussi la curiosité du métier, “même s’il faut avouer que la curiosité n’est pas une qualité qui est encouragée dans nos systèmes scolaires ou autres. Il s’agit de toute une approche systémique, donc, on ne peut pas vraiment reprocher aux jeunes de ne pas être aussi curieux que les anciennes générations, par exemple.”

Selon elle, il faudrait plus d’échanges entre les gens du métier et les étudiants. “Il manque des lieux de dialogue. Pourquoi pas un café de la presse ou encore un conseil de la presse ? Il manque ce dialogue, et cela est dommage, car il nous faut un journalisme de qualité. Une démocratie n’est d’ailleurs pas complète sans un journalisme de qualité.” Christina Chan-Meetoo note, surtout, que la demande pour le cours en Mediacom à l’université est bien présente chaque année, “mais on restreint à cause du marché du travail, mais aussi pour ne pas avoir des salles de cours trop remplies. C’est meilleur pour la qualité des échanges.”

Concernant la presse locale ces dernières années, elle dit d’emblée que le “constat est contrasté.” “Il y a une évolution très visible dans les pratiques journalistiques de plusieurs niveaux, et ce qui est intéressant, c’est que parfois, nous avons des pratiques différentes d’une même personne dans une même rédaction. Tout cela dépend évidemment des pratiques internes ou des intérêts des rédacteurs en chef, etc.” Christina Chan-Meetoo souhaite ainsi que tous les gens du secteur puissent se focaliser sur un modèle pour que “tout le monde puisse se hisser vers ce même modèle.”

Ce qui rejoint le point exposé par Jean-Luc Mootoosamy, Executive director de Media Expertise, pour un “retour aux sources” , et la nécessité de revaloriser et de soutenir la presse locale mainstream, pour avoir une “presse de référence” face aux dérives, parfois individualistes, de tierces personnes sur les réseaux sociaux. “Évidemment, nous en tant qu’universitaires, nous n’avons pas la prétention de dire que nous avons les solutions à tout. Pas du tout. Mais nous sommes là pour proposer un forum, pour ouvrir le dialogue et pour réfléchir aux moyens pour rehausser la qualité de notre journalisme.”

À savoir que le colloque a réuni les principaux acteurs locaux du secteur, dont la Data Protection Commissionner Drudeisha Madhub, Jean-Luc Mootoosamy, Executive Director de Media Expertise, et les différents représentants de la presse locale, dont Bernard Delaître, directeur du Mauricien Ltée, Ashok Beeharry, Desk Coordinator à la MBC, Iqbal Khan, journaliste de La Sentinelle, et Prem Sewpaul, consultant au Défi Media Group.

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