Comment repenser le tourisme mauricien?

Repenser le tourisme. C’est tout naturellement que le thème de la Journée mondiale du tourisme cette année interpelle sur la manière dont on devrait repenser ce secteur économique. La question n’a jamais peut-être été aussi pertinente, le secteur se trouvant à un tournant de son destin après la pandémie, en pleine crise économique et face à une potentielle récession mondiale. Le secteur peine, en effet, à recruter, songeant urgemment à la main-d’œuvre étrangère. Alors même que beaucoup ont perdu leur emploi et sont sans travail. Pourquoi le secteur rebute ?
Marie Malié, présidente de la Commission diocésaine du tourisme (CDT) et Training Officer à l’École hôtelière Sir Gaëtan Duval, constate un manque d’attractivité, surtout auprès des jeunes. « Le jeune aujourd’hui a besoin d’un travail qui a du sens », dit-elle.

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Or, aujourd’hui, souligne-t-elle, le secteur, qu’elle compare à la zone franche que les gens délaissaient à une époque, « est vraiment mal vu ». Même si on n’a pas de travail, « on ne veut pas retourner dans le tourisme ». Si les salaires sont un des éléments qui découragent, le problème ne relève pas que de l’argent, estime Marie Malié. Le jeune veut savoir « quel épanouissement il peut trouver dans le tourisme ».
Sen Ramsamy, consultant et directeur de Tourism Business Intelligence, touche du doigt le problème de pénurie de main-d’œuvre. « Beaucoup d’hôteliers ont le même réflexe que dans les années 80 en termes de traitement des employés tandis que la jeune génération, après des années d’études en tourisme et hôtellerie, n’est pas prête à faire de gros sacrifices pour un salaire dérisoire. » Il décrie « l’exploitation honteuse de jeunes stagiaires qu’on fait travailler plus que les employés et qui n’ont souvent pas droit à une seule roupie à la fin du mois ». Pour lui, il est clair qu’il y a un « manque cruel de planification dans le tourisme à Maurice ». Et que « les autorités et le secteur privé y ont une bonne part de responsabilité, préoccupés qu’ils sont par le nombre d’arrivées à la fin du mois ».

Pour Takesh Luckho, économiste, « la main-d’œuvre est là mais elle ne va plus vers l’hôtellerie car celle-ci ne leur pourvoit pas de salaires décents ». Et d’ajouter : « Beaucoup ont accepté de se sacrifier pendant la pandémie mais après le Covid-19, ils n’ont pas eu de remontée d’ascenseur. » Il considère que « les hôtels qui ont bénéficié de l’argent du gouvernement pendant la pandémie auraient dû jouer le jeu en revalorisant le travail de tous ces employés ». Ainsi ce faisant, ils auraient pu retrouver toutes ces personnes. Pendant le confinement, « ils ont su compter sur les Mauriciens pour survivre ». Il suggère davantage de considération envers la clientèle mauricienne qui « peut constituer un Plan B pendant des crises comme la pandémie ».

MARIE MALIE (CDT) : « Le secteur est vraiment mal vu »

Le tourisme a été un des secteurs les plus gravement touchés par la pandémie. Aujourd’hui, on souligne son potentiel de reconstruction économique à travers le monde. Comment évaluez-vous ce potentiel à Maurice ?
Les chiffres sont assez positifs. À ce jour, nous avons récupéré à environ 60% par rapport à 2019. Nous avons beaucoup de signes positifs en terme de reprise. Mais, il y a aussi cette mouvance, comme ailleurs dans le monde, que la reprise ne se fait pas comme auparavant. L’aspect écologique est plus que jamais mis en avant face aux diverses catastrophes naturelles dont le monde a été témoin un peu partout. Nous réfléchissons davantage à l’impact du tourisme sur l’environnement, la société, etc.
Il y a ainsi de grandes tendances qui se dégagent. Je pense que Maurice doit s’aligner sur toutes ces tendances mondiales. Nous ne pouvons redémarrer As Usual.

Ce souci écologique et de durabilité est-il une priorité dans le tourisme à Maurice ?
Je pense que oui. En tout cas, cela devrait être une priorité. Beaucoup d’opérateurs s’y penchent. Les consommateurs sont très conscients de leur empreinte écologique. C’est très important que nous respections l’environnement, nos employés. Il y a toute cette réflexion qui se fait pour proposer un produit qui n’a d’impact négatif ni sur la société ni sur l’environnement. Il n’y a pas que l’aspect économique qui compte car nous perdrions non seulement nos touristes mais aussi nos employés qui veulent un travail qui a du sens. Si mon travail a un impact négatif sur l’environnement et sur la société, je quitte le secteur.

On a souvent dit que le tourisme contribue à l’émancipation des femmes et des jeunes. Aujourd’hui, toutefois, il semblerait que le secteur ne séduit plus autant, à voir les difficultés à recruter…
Pendant la pandémie, déjà, 4 000-5 000 personnes ont perdu leur emploi dans le tourisme, ce qui a été un signe très négatif. Cela a projeté une image très négative auprès des enfants dans ces familles. Ensuite, il est vrai que le secteur a un manque d’attractivité, surtout auprès des jeunes. Moi qui évolue depuis 15 ans à l’École hôtelière, je constate que le jeune aujourd’hui a besoin d’un travail qui a du sens. Les salaires, il est clair, ne sont pas attrayants. Le jeune préfère aller dans les centres d’appel pour gagner davantage d’argent.
En dehors de cela, le jeune a besoin d’être encadré, suivi et de trouver du sens à son travail. Cette Work Life Balance avec les horaires que le tourisme n’arrive pas à donner pour l’heure n’attire plus personne. Cela renvoie un peu à la zone franche où les gens délaissaient les usines. C’est ce qu’on vit maintenant. Il faudrait des mesures pour attirer des jeunes.

Quelles sont ces mesures qui peuvent les séduire à nouveau ?
La priorité, c’est la hausse des salaires. Et puis, il faut un système entre cet équilibre de vie familiale et professionnelle. La mentalité post-Covid veut qu’on profite de la vie, on ne va pas s’échiner au travail car la vie peut s’arrêter à n’importe quel moment. Nous sommes dans cette tendance. Les gens ne veulent plus s’échiner 12 heures par jour pour des salaires de misère. Le travail est devenu un aspect de la vie mais pas toute la vie alors que pendant 50 ans, cela a été la vie de plusieurs personnes.

Au niveau de la Commission diocésaine du Tourisme, nous avons fait beaucoup d’écoute pendant la pandémie. Beaucoup nous ont dit qu’ils prennent le temps de vivre. Il faut donc que les gens puissent travailler raisonnablement et avoir une vie familiale et sociale.

Que pensez-vous de l’urgence affichée par les hôteliers de recruter de la main-d’œuvre étrangère face au cruel manque de personnel décrié dans le secteur ? Recruter des étrangers ne risque-t-il pas de faire perdre à Maurice ce cachet si apprécié par le touriste ?
Définitivement, en tant que touriste, j’aimerais voir le Mauricien et non des étrangers. On ne se sentirait pas à Maurice. On perdrait de notre authenticité. On ne vient pas à Maurice pour voir des Bangladais ou des Philippins. On deviendrait Dubaï ! Je comprends les hôteliers face à la saison haute qui arrive car nous avons un manque cruel de main-d’œuvre. Pour moi, cela pourrait être une mesure temporaire pour le Back Office. Tout ce qui est Frontline devrait être assuré par des Mauriciens. C’est vraiment l’accueil mauricien qui a fait notre Brand.

Comment expliquer le paradoxe du fort taux de chômage et de la pénurie de main-d’œuvre ?
Beaucoup ont perdu leur emploi mais ne veulent plus retourner dans le tourisme et n’encouragent pas leurs enfants à s’y lancer. Pour eux, le secteur est trop fragile. Nous avons vu un boom au niveau entrepreneurial. Beaucoup se sont réinventés et ont ouvert une table d’hôte ou s’engagent dans le  Catering, etc. J’ai vu beaucoup de jeunes partir pour le Canada. Le secteur est vraiment mal vu. On n’a pas de travail mais on ne veut pas retourner dans le tourisme.
L’École hôtelière a organisé un atelier le 27 septembre réunissant plus de 300 personnes pour voir comment retrouver cette attractivité auprès des jeunes, surtout au niveau des conditions de travail. C’est tout un environnement à retravailler. Quel épanouissement le jeune et le moins jeune peuvent trouver dans le tourisme ? Ce n’est pas qu’une question d’argent.

Vers quel type de tourisme tendre ?
Il faut un tourisme respectueux de la personne, un partage des richesses à tous les niveaux. La Commission diocésaine a mis en place un projet de développement des petits entrepreneurs et des circuits touristiques dans les villages, avec 100% de profits pour les villageois. Le voyageur aspire à la rencontre, l’authenticité, l’immersion dans la culture mauricienne. C’est vraiment “je veux manger des mines bouillies chez l’habitant, fabriquer un casier avec un pêcheur…”.

Les économistes parlent de récession mondiale. Êtes-vous pessimiste ou gardez-vous espoir ?
C’est vrai que la situation s’annonce pire pour 2023. Les gens voyagent moins et plus près de chez eux. Il faut faire attention à ce que nous proposons, un voyage en cohérence avec ce que recherche le touriste.

SEN RAMSAMY (TOURISM BUSINESS INTELLIGENCE) : « Manque cruel de planification »

Le tourisme a été un des secteurs les plus gravement touchés par la pandémie. Aujourd’hui, on souligne son potentiel de reconstruction économique à travers le monde. Comment évaluez-vous ce potentiel à Maurice ?
Le tourisme post-Covid a beaucoup de potentiel pour contribuer à la relance de l’économie mauricienne. Mais pour y arriver, il faut lui donner les moyens nécessaires dans un contexte économique particulièrement inquiétant en Europe et avec une concurrence féroce au niveau mondial. La destination Maurice fait aussi face en interne à d’autres défis de taille avec un manque de main-d’œuvre qualifiée, une dégringolade dans la qualité du service, jadis notre principale force.
Les défis économiques sont d’une dimension colossale mais nous ne pourrons jamais reconstruire une économie en état d’urgence qu’avec des petits copains et des agents. Les autres pays le savent et ils réunissent les meilleurs talents éparpillés à travers le monde pour y faire face avec force et détermination.

On a souvent dit que le tourisme contribuait à l’émancipation des femmes et des jeunes. Aujourd’hui, toutefois, il semblerait que le secteur ne séduit plus autant…
Il y a d’abord un phénomène générationnel. Les jeunes refusent de subir les mêmes traitements et conditions de travail qu’avaient endurés leurs aînés au siècle dernier. Or, en 2022 beaucoup d’hôteliers ont le même réflexe que dans les années 80 en terme de traitement des employés tandis que la jeune génération, après des années d’études en tourisme et hôtellerie, n’est pas prête à faire de gros sacrifices pour des salaires dérisoires d’autant que certains collègues sans formation travaillent moins et gagnent beaucoup plus.
Un barman ou serveur sait qu’il y a une forte probabilité qu’il serait au même poste de travail après plusieurs années de service et de sacrifices. Donc, ils préfèrent travailler à l’étranger et sur les croisières où leur dur labeur et leurs talents sont reconnus et récompensés. Sinon, ils lanceront leur propre business.
Savez-vous que de jeunes stagiaires talentueux travaillent plus dur que les employés et n’ont souvent pas droit à une seule roupie à la fin du mois ? Une exploitation honteuse au nom de la formation. Comment ces hôtels osent-ils s’attendre que ces jeunes diplômés leur fassent confiance demain pour leur carrière professionnelle ? Le bas salaire, des conditions de travail difficiles, mais aussi le favoritisme, la discrimination et le manque d’égards qui caractérisent ce secteur en général ont provoqué un sentiment de frustration chez les jeunes, d’où leur intérêt pour les hôtels à l’étranger et les croisières.
Le secteur semble soudainement surpris du manque de main-d’œuvre alors que dans leur propre tentative de maximiser le profit et baisser le coût de la main-d’œuvre, les hôteliers avaient laissé partir ou même encouragé plus de 4 000 employés, principalement les anciens, à partir durant la pandémie.
Les hôteliers sont maintenant pris dans leur piège et se retrouvent avec des jeunes pas aussi passionnés que les anciens ténors du secteur, partis avec leur savoir-faire et expérience. Il y a un manque cruel de planification dans le tourisme à Maurice. Les autorités et le secteur privé y ont une bonne part de responsabilité, préoccupés qu’ils sont par le chiffre du nombre d’arrivées à la fin du mois.

Que pensez-vous de l’urgence affichée par les hôteliers de recruter de la main-d’œuvre étrangère ? Ne risque-t-on pas de perdre le cachet de notre tourisme ?
J’ai moi-même recruté beaucoup de jeunes des Philippines, de Thaïlande, du Myanmar, de l’Inde, du Sri Lanka, du Maroc, de l’Égypte, et de la Syrie pour travailler dans des hôtels à Dubaï. Autant que nous nous croyions imbattables en qualité de service, autant ces étrangers sont de vrais professionnels talentueux offrant une qualité de service avec un sourire déconcertant. Les touristes y sont habitués et préfèrent une prestation de grande qualité qu’un cachet qu’ils peuvent aussi découvrir à l’intérieur du pays.
Mais il faut surtout savoir que la main-d’œuvre étrangère vient aussi avec son lot de difficultés et de défis en termes de traitements humains, salaires décents, congés payés, billets d’avion, conditions de vie, qualité d’hébergement, perspectives de carrière, etc. Si les conditions de travail ne sont pas comparables à celles des autres pays, ils iront ailleurs à la moindre occasion.
L’exploitation des agents recruteurs, la confiscation des passeports, les mauvais traitements sont autant de crises que le secteur aura à gérer. Les risques de conflits avec des collègues mauriciens et étrangers qui tenteraient d’abuser de leur vulnérabilité ne sont pas négligeables. Une préparation psychologique des travailleurs existants est nécessaire pour que les conflits potentiels ne répercutent pas dans la qualité de services aux clients.

Comment régler ce problème de perte d’intérêt des Mauriciens dans le secteur ?
Il faut relancer les campagnes de sensibilisation, répondre honnêtement aux questions des jeunes et les inciter à croire dans les perspectives du tourisme pour y faire carrière. Il faut aussi une bonne stratégie de formation professionnelle en hôtellerie et tourisme. L’École hôtelière SGD est complètement dépassée.
En 2002, comme président de l’École hôtelière SGD, j’avais signé un contrat de partenariat avec l’École hôtelière de Lausanne, une référence mondiale en formation hôtelière. J’avais négocié un deal pour un partage de connaissances et des échanges de formateurs et d’étudiants. Juste après mon départ, Lausanne a claqué la porte.
J’avais aussi introduit l’école du soir pour pouvoir fournir de la main-d’œuvre aux hôtels. Je voulais transformer l’École hôtelière d’Ébène en une grande école du tourisme et de l’hôtellerie de l’océan Indien. Aujourd’hui, il y a une école hôtelière en déphasage avec les besoins de l’industrie et une autre polytechnique qui fait la même chose. Résultat : un manque de main-d’œuvre qualifiée et une qualité de service à la dérive.

Votre perception face à l’annonce de la récession mondiale…
Après le passage du Covid-19, nous observons déjà une tendance au voyage car après deux années d’épargne et de confinement, il y a un besoin de respirer le grand air. Malgré l’apparente frénésie du voyage actuellement, il faut se préparer à faire face aux multiples défis – inflation, perte d’emplois et de pouvoir d’achat, changement climatique, etc.
À Maurice, il y a d’autres défis à relever : capacité aérienne, offre touristique archaïque, qualité de services, formation, sécurité, hygiène, résistance aux changements et favoritisme, manque de planning et de vision. Espérons que le plan de transformation du tourisme apportera aussi un changement des mentalités dans ce secteur au profit de toute la nation mauricienne.

TAKESH LUCKHO (ÉCONOMISTE) : « Les hôtels auraient dû revaloriser le travail de leurs employés »

Le tourisme a été un des secteurs les plus gravement touchés par la pandémie. Aujourd’hui, on souligne son potentiel de reconstruction économique à travers le monde. Comment évaluez-vous ce potentiel à Maurice ?
À voir les chiffres, on peut dire qu’il y a un regain. Il y a eu deux mois exceptionnels en basse saison, soit juillet et août. Pour moi, nous avons retrouvé un taux pré-Covid, avec 94 000 arrivées en juillet et 86 000 en août. Plus tôt dans l’année, j’étais un peu sceptique quant à la capacité d’attirer le million de touristes car le pays était sujet aux chocs externes en dehors de notre contrôle.
Pour expliquer ces performances exceptionnelles, j’ai effectué en tant qu’académicien un sondage auprès des hôtels et des agences de voyages. Il en ressort que ce n’est pas tant un regain d’intérêt ou un retour à la normale mais bon nombre de ces arrivées étaient des voyages programmés avant le Covid-19, mais n’ayant pu se faire pendant plus de deux ans à cause de la pandémie. Et ces voyageurs n’avaient pas d’autre choix que de venir maintenant car ils perdraient leurs billets autrement.
Cette tendance, je pense, se maintiendra jusqu’à la fin de l’année. Des observateurs sont, d’ailleurs, confiants que le pays atteindra le million de touristes, ce qui est bien. Mais des interrogations demeurent sur la période d’après-décembre quand le délai d’utilisation des billets achetés avant parviendra à terme. Les opérateurs se demandent d’ailleurs si le deuxième Target de 1,4 million d’arrivées sera aussi facile après décembre.
Nous sommes encore loin des destinations concurrentielles comme les Maldives et les Seychelles où la reprise s’est faite bien plus vite.

On a souvent dit que le tourisme contribue à l’émancipation des femmes et des jeunes. Aujourd’hui, toutefois, il semblerait que le secteur ne séduit plus autant, à voir les difficultés à recruter alors qu’il y a un fort taux de chômage…
Beaucoup de ceux qui s’étaient inscrits comme chômeurs sont ceux qui ont perdu leur emploi dans l’hôtellerie, la restauration et les loisirs. Pendant ces deux ans, ces personnes ont dû se réinventer. Certains ont eu le Wage Assistance Scheme ou le Self-Employed Assistance Scheme. Une grande partie s’est reconvertie dans des secteurs nécessitant moins d’efforts avec plus de temps pour eux. Pendant le Covid-19, ils ont pu avoir de petites formations techniques. Beaucoup ont commencé à entreprendre, laissant derrière eux toute la pression dans l’hôtellerie.
Par ailleurs, en tant que travailleur social, je note qu’après la pandémie, ce sont les mêmes conditions de travail qui perdurent dans les hôtels. Or, ils auraient dû apprendre du Covid-19 et jouer le jeu.

Que pensez-vous de l’urgence affichée par les hôteliers de recruter de la main-d’œuvre étrangère face au cruel manque de personnel décrié dans le secteur ? Recruter des étrangers ne risque-t-il pas de faire perdre à Maurice ce cachet si apprécié par le touriste ?
La main-d’œuvre est là mais elle ne va plus vers l’hôtellerie car celle-ci ne leur pourvoit pas de salaires décents. Dans d’autres secteurs, ils arrivent à avoir de meilleures conditions de travail et un salaire plus décent. Beaucoup ont accepté de se sacrifier pendant la pandémie mais après le Covid-19, ils n’ont pas eu de remontée d’ascenseur. Les conditions sont restées pareilles. Certains préfèrent aller sur les croisières.
Je trouve ainsi que les hôtels qui ont bénéficié de l’argent du gouvernement, de la Mauritius Investment Corporation (MIC) pendant la pandémie auraient dû jouer le jeu en revalorisant le travail de tous ces employés. Ainsi, ce faisant, ils auraient pu retrouver toutes ces personnes. Le problème, c’est que nous vendons ce qu’on appelle l’accueil des Mauriciens. Maurice est une destination de luxe et l’hospitalité mauricienne est la valeur ajoutée. Si on recherche de la main-d’œuvre étrangère, cela veut dire qu’il y a quelque chose qui ne marche pas.

La solution passe-t-elle par une amélioration des conditions de travail ?
Oui. Je connais des personnes d’expérience qui n’ont pas 60 ans encore et qui ont perdu leur emploi dans l’hôtellerie car ayant justement de l’expérience, ils n’acceptent pas de salaire minimal. Mais ils ont donné une vingtaine années de leur vie dans ce secteur et ils sont prêts à l’emploi. Les hôtels préfèrent donc ne pas prendre ces Mauriciens qui ont servi chez eux et aller vers la main-d’œuvre étrangère avec des salaires dérisoires. Je pense que les hôtels doivent jouer le jeu car pendant le confinement ils ont su compter sur les Mauriciens pour survivre.
Aujourd’hui, les prix des séjours ne sont pas abordables pour les Mauriciens. Ils préfèrent les étrangers aux Mauriciens. Ils préfèrent le profit au lieu de la reconnaissance du fait que les Mauriciens les ont aidés à survivre. Je ne dis pas qu’ils ont totalement tort ou totalement raison mais quelque part il y a un problème qu’il faut régler.

Les économistes parlent de récession mondiale. L’Europe, où l’on compte nos marchés principaux, traverse par une crise économique et énergétique. Êtes-vous pessimiste pour notre tourisme ou gardez-vous espoir ?
La récession et le Repo Rate sont les deux facteurs pouvant créer une décélération dans le secteur car nos marchés principaux sont en Europe : France, Angleterre et Allemagne. L’euro et la livre sterling ont baissé et c’est ce qui fait dire aux observateurs que le secteur pourrait connaître une décélération. Nous serons alors loin de la croissance ciblée de 8,6%. Le temps nous le dira car on est encore en octobre. Mais, avec les tensions entre la Chine et les USA, la Russie et l’Ukraine, si le monde connaît une récession et Maurice dépendant du monde, cela peut nous coûter deux points de croissance en juillet, soit 6,6% au lieu de 8,6%.
Sans que le client mauricien – qui représentait entre 5-10% des clients – devienne le Main Business, nius aurions pu ouvrir une section pour les Mauriciens en leur accordant entre 20-25% d’espace parmi les clients. Nous aurions pu leur offrir des tarifs spéciaux avec des Family Packages qu’ils pourraient déduire de la taxe. Cela encouragerait le tourisme mauricien qui peut constituer un Plan B pendant des crises comme la pandémie de Covid-19.

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