Dérèglement climatique : Fruits d’été en production différée

Des fraises en novembre, un melon d’eau à Rs 600, les letchis, mangues et longanes qui tardent à fleurir et à fructifier :  nos hivers de plus en plus rigoureux et nos étés de plus en plus torrides nous annoncent-ils l’effet papillon tant redouté ? Constat en marge de la saison des fruits d’été.

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“Dounia ape devire !” (le monde est sens dessus dessous !), s’exclame Sheila, 57 ans, ouvrière agricole. Voici 40 ans qu’elle est dans le métier, jamais, nous assure-t-elle, elle n’a vu des fraises en novembre ! Il est, en effet, connu qu’à Maurice, les fraisiers commencent à fleurir en plein hiver à partir du mois de juin. Et la saison de ces petits fruits rouges dure jusqu’à fin septembre. À tout casser, jusqu’au courant du mois d’octobre.
Cette année, l’hiver plus rigoureux, associé à un prolongement des conditions hivernales au-delà de la saison normale, a eu une incidence évidente sur la floraison et la fructification des fruits d’été tels le letchi, la mangue, le longane et le melon d’eau, constate Eric Mangar, agronome et animateur du Mouvement Pour l’Autosuffisance Alimentaire (MAA).
Ainsi, selon lui, les premiers letchis de saison, qui sont d’habitude disponibles dès fin novembre, ne feront cette année leur apparition sur les étals des marchés qu’à partir de la deuxième semaine de décembre. L’expert agricole fait remarquer qu’en raison d’une floraison tardive, les letchis des arrières-cours dans des régions des basses Plaines-Wilhems, telles que Beau-Bassin, Rose-Hill et Quatre-Bornes, n’ont pas encore commencé à prendre leur couleur rougeâtre comme c’est le cas chaque année dès le mois de novembre.
Quoi qu’il en soit, à première vue, selon Eric Mangar, la production de 2022 sera dans la moyenne annuelle qui tourne autour de 45 000 à 47 000 tonnes globalement. Mais évidemment, il faudra compter avec les impondérables que sont le passage d’un cyclone violent et l’étendue des ravages des chauves-souris.
Par ailleurs, même si la production sera, cette année, différée d’environ deux semaines, l’agronome ne prévoit pas de gros soucis pour les exportateurs qui vendent un dixième de la production nationale à des acheteurs européens.
Les manguiers ont aussi connu, cette année, un retard semblable de floraison et de fructification, mais dans une moindre mesure. Même s’il est vrai que depuis deux ou trois semaines, des mangues « muries » sont déjà en vente dans des points de vente, il semblerait que pour beaucoup, ce ne serait que des fruits artificiellement traités dans des mûrisseries, un peu comme on traite les bananes pour les faire mûrir prématurément. Et si l’on est exigeant et que l’on est à la recherche de mangues naturellement muries dans les arbres, il faudra, selon les connaisseurs, attendre au moins la mi-décembre.
Par ailleurs, ces jours-ci, tous ceux qui ont le sens de l’observation ont dû noter une très belle floraison des longaniers. Là encore, un phénomène qui arrive avec presqu’un mois de retard. Si les amateurs de longanes, fruit surnommé œil du dra-gon en Chine, peuvent se réjouir d’une bonne récolte annoncée, compte tenu de la belle floraison en cours, une croyance populaire chez des personnes âgées prétend que toute bonne floraison de longaniers est annonciatrice de temps cycloniques intenses. « Il ne s’agit que d’une croyance populaire qui n’a jamais passé le test d’une étude scientifique rigoureuse », tempère, quand même, l’agronome Eric Mangar.
Dans le cas des longanes aussi, l’hiver plus rigoureux et le prolongement des conditions hivernales ont eu une incidence sur la floraison. Par extension, la fructification se fera aussi avec du retard. Si bien que ce fruit, qui est normalement prêt à la cueillette dès le mois de février, ne sera disponible cet été que vers mars 2023.
Autre fruit d’été très prisé durant la période des fêtes : le melon d’eau. Dans ce cas, Eric Mangar parle d’une baisse de production conséquente, ces dernières années. Fruit cultivé en plein champ, le melon d’eau souffre, surtout, de la diminution conséquente des abeilles si indispensables à la pollinisation de la plante. Autre souci affectant la culture de ce fruit : le manque d’eau, car il s’agit d’une plante qui nécessite une irrigation optimale.
Couplé aux conditions climatiques particulières dues au dérèglement climatique, un gros melon d’eau était vendu, au courant de la semaine, au prix astronomique de… Rs 600 au marché municipal de Rose-Hill ! Au détail, un quartier du fruit juteux se négociait à pas moins de Rs 150. Il est, par ailleurs, aussi connu que le melon d’eau est souvent menacé par la mouche des fruits ainsi que par des maladies végétales. Des insectes et des maladies de plus en plus courantes avec le changement climatique. D’où sa rareté et sa cherté de plus en plus prononcées.
Ainsi, donc, au moment même où des sommités du monde scientifique et politique se réunissent jusqu’au vendredi 18 novembre, à Sharm El-Sheikh en Égypte, pour la nouvelle conférence COP 27, pour débattre du dérèglement climatique dans le concret de la vie quotidienne, à Maurice comme ailleurs, des signes troublants de ce changement climatique se manifestent de plus en plus. Si bien que la situation n’est, définitivement, plus aux parlottes interminables, mais à des solutions concrètes. Et, surtout, aux moyens de les mettre en œuvre !

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