Discrimination basée sur l’orientation sexuelle : Des entreprises invitées à créer un environnement inclusif

  Business Inclusion LGBTQIA+ Label (BILL) : Un label pour dire non à la LGBTQIA+phobie au travail

 Dans quelques jours, en juin, mois des fiertés, des entreprises et hôtels seront invités à adhérer au Business Inclusion LGBTQIA+ Label (BILL) par le Collectif Arc-en-Ciel. La démarche de l’ONG est de sensibiliser le secteur de l’emploi pour que le travail devienne un lieu inclusif, sans inégalités et discrimination à l’encontre des personnes  LGBTQIA+Le BILL, au coût d’une roupie par employé par jour, est ainsi un engagement de l’employeur  pour un environnement professionnel exempté de LGBTQIA+phobie.

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Le mois des fieretés – qui a pour objectif de rendre visibles les personnes des communautés LGBTQIA+ (lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres, queers, intersexes et toutes les personnes ne se reconnaissant pas hétérosexuelles et/ou cisgenres) – commence ce jeudi. Pour les communautés LGBTQIA+ de Maurice, le mois de juin est une période capitale dans leur combat pour la reconnaissance de leur droit au respect. Cette visibilité revêt, donc, une très grande importance pour les LGBTQIA+, non seulement sur le plan humain, mais aussi dans la sphère du travail.

Si Jean-Daniel Wong, président du Collectif Arc-en-Ciel, reconnaît que Maurice a fait des progrès en matière d’acceptation des différences relatives aux minoritaires, basées sur l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre et les caractéristiques, il demeure que le chemin est encore long quand il est question de rendre le lieu du travail inclusif. Discrimination, stigmatisation, violence verbale, harcèlement moral… sont les risques que prendraient des Mauriciens qui braveraient les regards pour exprimer leur orientation sexuelle au travail.

En 2023, les probabilités qu’un employé LGBTQIA+ ne subisse aucun impact négatif, voire mental, en révélant son identité à son entourage professionnel restent minimes. C’est pour cette raison et par crainte de répercussions qu’il ne pourrait gérer s’il révélait à ses collègues et à sa hiérarchie qu’il se sent comme un étranger dans un corps d’homme, qu’un fonctionnaire a décidé de prendre du recul pour décider de son avenir au sein du ministère pour lequel il travaille. Que ce soit dans la fonction publique ou le secteur privé, la hantise du rejet et d’un traitement inégal est, pour les minorités sexuelles et du genre, un facteur qui les pousse à refouler leur identité, la majeure partie de leur vie.

En l’absence d’études scientifiques, l’on ne peut encore relever les problématiques rencontrées et quantifier le nombre de victimes de LGBTQIA+phobie  dans le secteur de l’emploi. Cependant, les brimades, préjugés et discriminations sont les épreuves les plus récurrentes auxquelles sont confrontées les personnes LGBTQIA+ dans leur milieu professionnel. Celles dont l’orientation sexuelle n’est pas visible: à l’instar des personnes qui ont fait le choix de ne pas assumer ouvertement leur bisexualité, elles n’affrontent pas les mêmes situations et le sentiment de rejet dans leur environnement de travail.

À ce jour, rappelle Jean-Daniel Wong, la population mauricienne compte 15% de personnes appartenant aux communautés LGBTQIA+. “Une population qui est en hausse comparée à 10 ans de cela”, précise le directeur du collectif Arc-en-Ciel. Mais peu de victimes de discrimination, dit-il, dénoncent à la police les abus qu’elles ont subis. À partir du mois prochain, Jean-Daniel Wong et les animateurs du Collectif Arc-en-Ciel démarreront un pèlerinage dans les entreprises pour sensibiliser sur le respect des droits humains des employés LGBTQIA+. Et présenter et plaider pour l’adoption du Business Inclusion LGBTQIA+ Label (BILL).

Un label indicateur pour les demandeurs d’emploi

Le BILL, précise le directeur du Collectif Arc-en-Ciel, est destiné au monde de l’entreprise. “Ce label entre en ligne de compte avec la mission du collectif et vise également à mobiliser les ressources pour aspirer à l’égalité en emploi. Nous devons mobiliser toute forme de soutien pour apporter plus de poids dans nos plaidoyers, y compris auprès des décideurs politiques. Nous avons le soutien des gouvernements australien et canadien pour développer le plaidoyer politique pour la reconnaissance de l’identité des personnes transes et la pénalisation pour toute incitation à la haine basée sur l’orientation sexuelle et l’identité des genres”, dit-il.

Le label BILL a deux fonctions clés. D’une part, en adoptant le BILL, l’entreprise indique qu’elle adhère à l’inclusion des employés  LGBTQIA+. Le logo du label, apposé aux côtés de l’identité – sur les réseaux sociaux et autres plateformes – de l’entreprise devient pour celle-ci un indicateur de référence dans le secteur de ses opérations. Selon Jean-Daniel Wong, le label peut accroître la visibilité de l’entreprise auprès des investisseurs potentiels et clients étrangers en faveur l’inclusion des communautés LGBTQIA+ dans le domaine du travail. D’autre part, ce label aiguillera les demandeurs d’emploi LGBTQIA+ vers des entreprises inclusives.

“Maurice est un pays ouvert sur le monde, mais nous ne disposons toujours pas de cadre légal inclusif destiné au travail. Hormis  l’Equal Opportunities Act, qui protège tout citoyen contre toute discrimination depuis 15 ans, et la Workers’ Rights Act pour tout employé, il n’y a aucune loi qui adresse explicitement la question d’inégalités à l’égard des minorités sexuelles ou de genre. Nous continuons à avoir des retours à l’effet que les communautés LGBTQIA+ ont des difficultés à trouver du travail, surtout les femmes transgenres. Ces dernières éprouvent plus de mal à cause de l’expression de leur identité transgenre, il y a une dichotomie entre ce qu’elles sont et leurs papiers d’identité”, indique Jean-Daniel Wong.

S’il plaide pour l’introduction d’un cadre légal inclusif dans le secteur de l’emploi, c’est, dit-il, pour aller dans le sens de l’évolution. “Maurice est une société traditionnelle, conservatrice et assez frileuse de tout ce qui se rapporte aux choix et à l’orientation sexuelle. Cela fait 18 ans que le Collectif Arc-en-Ciel existe et nous entendons, depuis, le même narratif politique qui persiste à faire croire que le Mauricien n’est pas prêt au changement. Sauf qu’aujourd’hui, après une étude menée par une entreprise de sondage, avec The Other Foundation, un de nos bailleur de fonds, nous avons fait une campagne visuelle sur les métros reliant l’axe Port-Louis- Curepipe. Nous avions repris le mots clés relevés par ce groupe de sondage. Aujourd’hui encore, selon Afrobarometer , 60% des Mauriciens se sentent à l’aise en présence des homosexuels. Force est de constater que les communautés  LGBTQIA+ ont plus de visibilité, notamment par les canaux de communication, dont la presse. A l’époque on estimait que 5% de la population de Maurice était LGBTQIA+. Ce nombre est passé à 15% et il augmente. Nous sommes en 2023 et à Maurice, on n’a jamais mis l’emphase sur le Pink dollar, alors qu’on sait que dans l’industrie touristique, le touriste LGBTQIA+ est bien accueilli et contribue à l’économie” , poursuit-il.

Par ailleurs, l’urgence d’une campagne de sensibilisation dans le secteur économique, explique encore Jean-Daniel Wong, s’avère pertinente, car face à d’importantes inégalités dans la sphère professionnelle et devant les perspectives d’emploi réduites, la communauté LGBTQIA+ se tourne vers la migration. Cette exode inquiète le CAEC. “Avec l’International Organisation for Migration, on voudrait développer des recherches pour connaître le taux de personnes LGBTQIA+ qui quittent Maurice”, avance Jean-Daniel Wong.

Win-win situation

Une vingtaine de sessions de travail est prévue dans des entreprises faisant partie des plus grands groupes et conglomérats du pays. Quatre hôtels accueilleront le CAEC et sont disposés à adopter le BILL. “Nous allons approcher des groupes d’hôtels et nous sommes confiants qu’ils soutiendront la campagne et achèteront le label”, dit Jean-Daniel Wong. L’ONG s’est fixé comme objectif d’atteindre au moins 20 compagnies. Le BILL, relève-t-il, est un engagement de l’entreprise contre toute forme d’agression à l’égard de l’employé LGBTQIA+ sur son lieu de travail. Le CAEC outillera les responsables de départements et superviseurs pour qu’ils parviennent à identifier des cas d’homophobie et de transphobie. Le label, poursuit Jean-Daniel Wong, a un prix.

Des entreprises étrangères plus ouvertes d’esprit

Au coût d’une roupie par employé par jour, soit Rs 50,000 par an, la contribution de l’entreprise est déductible sur les impôts. “Ce label est une win-win situation pour l’entreprise, laquelle gagne en visibilité, dont internationale et pour notre ONG, cela nous permet de lever des fonds.” 

Le BILL est un concept qui a été imaginé il y a un peu plus d’une année. Entre-temps, Accenture (Mauritius) Services Ltd, convaincu du message du label, est la première entreprise labellisée BILL. Les entreprises étrangères délocalisées à Maurice se montreraient plus enclines à offrir un environnement inclusif à leur personnel. Il y aurait au sein du management une ouverture d’esprit qu’on ne retrouve pas dans des entreprises locales, et encore moins dans la fonction publique. Selon le CAEC, il y aurait moins d’une dizaine de femmes transgenres employées en entreprises.

Charline (nom modifié) en fait partie. À 28 ans, elle travaille dans une compagnie spécialisée en formation d’études de niveau universitaire. “À mon entretien d’embauche, mes employeurs n’ont pas fait allusion à mon orientation sexuelle. J’ai passé mon entrevue comme n’importe quel candidat”, confie celle qui n’a pas fait un secret de son orientation sexuelle. “Certains de mes collègues qui me connaissent depuis longtemps sous le prénom masculin de l’État civil, m’appellent par celui-ci. D’autres, par mon nom féminin. Et cela ne me pose aucun problème. Tout le monde respecte mon choix et ma féminité. Même que lorsque la responsable des ressources humaines doit me soumettre des documents à mon nom officiel, elle s’excuse sincèrement auprès de moi, parce qu’elle doit s’adresser à moi au masculin”, confie Charline.

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