Gaj Pyndiah : “le changement climatique ne repose pas exclusivement sur le CO2”

Gaj Pyndiah ne laisse jamais indifférent. Celui qui s’est fait connaître comme inventeur, ingénieur en informatique, diplômé en géologie et chercheur en énergie et environnement se rappelle à notre bon souvenir. On se souvient qu’il a fait les colonnes des journaux suivant des polémiques entourant la construction de bâtiments commerciaux sur nos plages qui a interpellé cet ancien chairman de la Beach Authority (BA). Pour avoir été le premier à la tête de cet organisme, créé en 2002 et à qui il incombe de gérer les plages publiques, Gaj Pyndiah observait qu’ ”une dizaine d’années après sa création, la BA a dévié de sa mission.” Il dressait un constat accablant sur l’état de nos lagons.

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Il y a 10 ans dans un article au mauricien, Gaj Pyndiah, cet ancien président de la Beach Authority à Maurice, tirait la sonnette d’alarme sur la dégradation critique des plages de l’île. Il soulignait l’érosion croissante et la pollution, mettant en cause la construction de bâtiments commerciaux sur le sable. Il exprimait ses inquiétudes concernant des projets de développement controversés et la pollution bactérienne dans le lagon. Pyndiah appelait à une évaluation environnementale obligatoire pour les constructions sur la plage et proposait un “set back” de 200 mètres pour préserver l’état des plages. Il rappelait à l’occasion les recommandations du rapport Baird pour la préservation des plages dynamiques.

Dans un exposé adressé à Week-End, récemment, Gaj Pyndiah s’appuie sur l’activité glaciaire et interglaciaire à Maurice, avec des données s’étendant sur 9 millions d’années, pour remettre en question l’idée que le CO2 est le seul facteur responsable du changement climatique. Au cours des 50 dernières années, l’état de la planète a été, selon lui, sujet à de débats, souvent exprimés par le terme “changement climatique”. L’urgence d’agir a été soulignée à maintes reprises à travers le monde.

Cette exploration l’a conduit à la découverte de blocs de rochers et de sable corallien cimenté sur la côte. Pour contextualiser ces découvertes, il est important de rappeler que l’île Maurice a une histoire géologique de 10 millions d’années. Pendant cette période, la Terre a traversé des cycles de glaciation pendant lesquels les calottes glaciaires avançaient, suivis de périodes interglaciaires où elles reculaient. La dernière ère glaciaire, il y a entre 90,000 et 100,000 ans – à confirmer à partir du noyau – a vu les océans Arctique et Antarctique complètement gelés, et les lagons à Maurice complètement à sec.

Au cours de l’actuelle période interglaciaire, le réchauffement persistant a entraîné la fonte des glaces de l’Arctique et de l’Antarctique, accompagnée d’une élévation du niveau de la mer. Selon une récurrence d’environ 100,000 ans dans l’histoire de la planète, ces cycles sont cruciaux pour comprendre le climat.

Gaj Pyndiah affirme que pour expliquer ces cycles, le scientifique serbe Milutin Milankovitch a, il y a un siècle, étudié les variations orbitales, en particulier l’excentricité orbitale, influençant la distance Soleil-Terre. Actuellement, la distance est d’environ 5 millions de kilomètres entre le Soleil et la Terre à sa position la plus proche, vers le 4 juillet. Cette variation entraîne une augmentation de 6% du rayonnement solaire de juillet à janvier, avec un niveau de la mer atteignant son maximum. L’inclinaison axiale de la Terre de 23,5 degrés induit des saisons en faisant varier les angles d’ensoleillement à différentes latitudes tout au long de l’année. La précession axiale crée des contrastes saisonniers, plus prononcés dans un hémisphère que dans l’autre, tandis que l’excentricité provoque des différences de longueur des saisons entre les deux hémisphères.

Selon le géologue mauricien, une recherche approfondie a permis d’établir l’échelle temporelle précise des périodes glaciaires, à l’aide de calottes de glace prélevées en Antarctique, au Groënland et dans les sédiments océaniques. Ces échantillons, analysés avec minutie, indiquent que les cycles se produisent tous les 90,000 à 100,000 ans.

Il explique que des années d’enquête sur l’érosion côtière à Maurice ont révélé des causes variées, dont l’impact d’un méga-tsunami il y a 4000 ans, déposant d’énormes blocs de carbonate de calcium sur la côte sud-ouest de l’île.

La découverte de blocs de sable cimenté près de l’îlôt Sanchot au sud de l’île, similaire à la lithification des rochers de plage à La Prairie, l’a conduit à comprendre le processus de cimentation du sable de corail. L’activité volcanique de l’île, terminée depuis des dizaines de milliers d’années, a laissé des empreintes géologiques, soulevant des parties du lagon, comme illustré par La Prairie, il y a environ 1 million d’années, selon Gaj Pyndiah. Des phénomènes similaires se sont produits à Vieux Grand Port et sur des îles voisines telles que l’île aux Aigrettes, l’île aux Phare et l’île de La Passe.

Gaj Pyndiah affirme que pendant la période glaciaire, les lagons étaient totalement asséchés pendant 90,000 à 100,000 ans. Formant des couches compactées, la cimentation résulte d’une réaction chimique entre l’eau de pluie tombant dans le lagon sec, le sable de corail, le sel, le carbonate de calcium et d’autres agents cristallins. Cette cimentation se produit pendant chaque cycle interglaciaire, durant environ 90,000 ans, générant des couches de sable cimenté, comme observé à Vieux Grand Port.

L’histoire géologique de l’île Maurice, vieille de 10 millions d’années, témoigne, selon lui, d’une activité volcanique intense il y a environ 5 millions d’années, devenue largement inactive au cours des 1,5 derniers millions d’années. Les lagons se sont formés dès la naissance de l’île lorsque les polypes, probablement originaires de Madagascar, ont commencé à se développer sur les substrats solides, formant notre récif corallien.

Malgré le peu de sable de qualité dans le lagon au fil des cycles interglaciaires en raison du mélange avec les sédiments volcaniques, les coraux ont continué à croître dans des conditions d’eau de mer de qualité. Cependant, une constatation alarmante est la quasi-absence de sable dans le lagon aujourd’hui, attribuée à des relevés effectués à Flic-en-Flac. Cette absence est préoccupante, car la quantité de sable dans le lagon joue un rôle crucial dans la protection contre l’érosion côtière.

Pour approfondir ces recherches, la proposition du géologue de forer un noyau d’environ 12 mètres de profondeur près de la plage de La Prairie est lancée. Il compte pour cela obtenir l’aide des spécialistes en matière de forage. Cette étape vise à obtenir une lecture précise des années et des mois de chaque segment, à l’aide de méthodes radiométriques. Les données collectées devraient apporter des éclaircissements sur la période exacte des cycles glaciaires-interglaciaires, offrant une perspective précise sur la position actuelle de Maurice dans l’interglaciaire de l’Holocène.

En guise de conclusion, Gaj Pyndiah persiste et signe avec sa provocante question : “Le changement climatique est-il vraiment lié à la seule pollution de l’air ?” Cette interrogation suggère une exploration plus approfondie des forces naturelles qui ont façonné notre planète pendant des millions d’années, remettant en cause la relation directe entre le changement climatique et la pollution atmosphérique.

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