Océan Indien – Intégrité territoriale : Londres traîne un double boulet avec les Chagos

Grève de la faim de 42 Srilankais des Tamil Tigers, d’un groupe de 89, à la dérive et ramenés à la base militaire de Diego Garcia depuis octobre de l’année dernière

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La FAO, agence spécialisée des Nations unies, décrète que le Royaume-Uni ne peut plus se prévaloir du BIOT pour siéger en tant que Coastal State au sein de la Commission des Thons de l’OI

Le Royaume-Uni se retrouve à la croisée des chemins avec le dossier de l’archipel des Chagos, sur la souveraineté de Maurice bien ancrée. Mais, désormais, Londres traîne un double boulet diplomatique de premier plan.

D’abord, les autorités britanniques doivent régler un épineux problème sociopolitique, à savoir une grève de la faim de 42 ressortissants du Sri Lanka, faisant partie d’un groupe de 89, selon toutes probabilités des Tamil Tigers, dont 20 enfants en bas âge. Depuis octobre de l’année dernière, des militaires de la Royal Navy en patrouille dans les eaux des Chagos avaient ramené des rescapés sur la base militaire de Diego Garcia. Et, depuis, ils ne sont pas parvenus à résoudre ce problème. Puis, le 6 mai, le Royaume-Uni a subi un sérieux revers avec un legal advice de la Food & Agricultural Organisation (FAO) décrétant que le British Indian Ocean Territory (BIOT) est un concept de revendication territoriale désuet et ne peut justifier le statut de Coastal State au sein de la Commission des Thons de l’océan Indien (CTOI). Ce développement est intervenu suite à des pressions diplomatiques exercées par Maurice au sein de cette instance régionale depuis plusieurs années déjà.

Dans l’immédiat, Londres doit gérer un problème d’ordre humanitaire aussi bien que politique. Un groupe de 89 Srilankais, dont 20 enfants, sont détenus sur la base de Diego Garcia. Ils avaient été recueillis en mer en octobre de l’année dernière alors que leur embarcation dérivait dans les eaux des Chagos. En principe, ils devaient rallier le Canada pour fuir la persécution dans leur pays d’origine.

Le quotidien britannique The Guardian révélait en fin de semaine que 42 de ces rescapés ont décidé d’entamer une grève de la faim pour alerter l’opinion internationale au sujet de leur sort. « Dozens of Sri Lankan Tamil refugees who have been detained for more than seven months in a military base on an overseas territory claimed by Britain have gone on hunger strike in despair at their plight », écrit le Legal Affairs Correspondent du quotidien britannique, Haroon Siddique.

Se basant sur des informations en possession de Leigh Day Chambers, dont les services sont retenus par les Srilankais pour assurer leurs intérêts, The Guardian fait état des conditions déplorables dans lesquelles ils sont détenus à Diego Garcia. « They are being kept in a tented compound away from the island facilities and are understood to have made clear to the authorities that they are seeking international protection but no steps appear to have been taken to allow individuals to claim asylum », relève le quotidien, qui ajoute qu’au tout début, soit pour les six premières semaines, ils n’avaient pas eu droit de contact avec l’étranger.

La firme de conseils légaux Leigh Day affirme avoir adressé trois correspondances officielles au Foreign Secretary britannique au BIOT Commissioner objectant à toute décision de rapatriement du groupe au Sri Lanka en raison des risques à leur sécurité personnelle. La firme légale ajoute que toute démarche en ce sens sera incompatible aux obligations de Londres sous le droit britannique et international.

La dernière communication transmise officiellement aux autorités britanniques au cours de la semaine écoulée note que « our clients feel increasingly desperate at the conditions they are enduring on Diego Garcia and the lack of any apparent progress towards finding a solution for them. They have been given no information about how, when or where they will be afforded the opportunity to claim international protection, how long they are to be kept on the island, where they might be sent, and/or when (if ever) their conditions might improve. »

Les hommes de loi font également comprendre que « we remind you that the group includes victims of torture and 20 children, many of whom are under the age of 10. The mental state of many of our clients can best be described as utterly despairing. »

Bombe à retardement
Interrogée par The Guardian, Tessa Gregory, partenaire au sein de Leigh Day Chambers, met l’accent sur le fait que « it cannot be right for the UK government to leave this vulnerable group, which includes victims of torture and 20 children, stranded with limited access to communication, no education and without an opportunity to seek international protection. » Elle avance que « understandably the group are getting increasingly desperate and we have serious concerns for their mental and physical well-being. Immediate action is needed to ensure that a durable solution is found without any further delay. »

De son côté, Londres confirme la présence de ces réfugiés du Sri Lanka dans l’archipel des Chagos en soutenant que « we have helped to provide dedicated 24-hours-a-day medical support, as well as temporary healthcare, food and telecoms. » Le porte-parole du gouvernement britannique indique que « the UK government has rescued a number of people in damaged fishing boats since last October and escorted them to the British Indian Ocean Territory. We have been working tirelessly since to find a long-term solution to their current situation. At all times their welfare and safety have been our top priority. »

En sus de ce dilemme d’ordre humanitaire qui dure depuis sept mois déjà, le Royaume-Uni doit faire face à une autre bombe à retardement, toujours sur le dossier des Chagos. La FAO a administré un sérieux revers à Londres en soutenant que la position britannique avec la pancarte de BIOT au sein de la Commission des Thons de l’océan Indien est intenable. Depuis la divulgation de la teneur de ce legal advice en date du 6 mai dernier de la FAO, Maurice accentue la pression pour un retrait britannique en tant que Coastal State en proposant de soutenir toute nouvelle demande d’adhésion en tant que Distant State.

En tout cas, à la conclusion de la 26e session de la Commission des Thons de l’océan Indien en fin de semaine aux Seychelles, le secrétariat de cette instance régionale engagée dans les stocks de thon et la Grande-Bretagne devront revoir leur position pour le prochain rendez-vous du 30 mai. « From a legal perspective, it would be anomalous to consider the 1995 instrument (to apply the application of the IOTC Agreement to BIOT) as remaining valid simply that it was valid at the time of deposit, bearing in mind that it is inconsistent with the position that the Chagos Archipelago forms an integral part of the territory of Mauritius », affirme le legal adviser de la FAO.

De son côté, Maurice a refusé catégoriquement de souscrire formellement à toute décision conjointement avec le Royaume-Uni au nom du BIOT. « Since the Republic of Mauritius is the only State lawfully entitled to exercise sovereignty and sovereign rights over the Chagos Archipelago and its maritime zones, as the Coastal State, it cannot endorse any recommendation for the inclusion on the IOTC IUU Vessels Lists of vessels reported by the UK (OT) or the United Kingdom purporting to act as the Coastal State in relation to the Chagos Archpelago », déclare Maurice à cet effet.

Après l’Union Postale Universelle, la FAO est devenue la deuxième instance des Nations unies à exécuter la teneur de la Résolution 73/295 de l’Assemblée générale des Nations unies du 22 mai 2019 et du jugement de la Chambre Spéciale du Tribunal international du Droit de la mer du 28 janvier 2021.

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