Sur les bancs : un grand vide dans les conditions des pêcheurs laisse une famille dans la détresse

La disparition de Jean-Rilo Clair, engagé sur le bateau de pêche MV Makaira, remet sur le tapis les conditions des pêcheurs de banc. À ce jour, la famille attend toujours une version officielle de la police sur cette affaire, tandis que la compagnie Hassen Taher Seafoods n’a pas encore levé le petit doigt pour leur apporter un soutien financier. Entre-temps, la déclaration du ministre de la Pêche, Sudhir Maudhoo, selon laquelle les pêcheurs de banc ne sont pas enregistrés auprès de son ministère, laisse entrevoir un grand vide que certaines compagnies ont su exploiter.

- Publicité -

Jean-Rilo Clair n’était pas un « registered fisherman ». C’est ce qu’a confirmé le ministère de la Pêche, suivant la disparition de ce pêcheur au large de Saint Brandon, le 6 juin dernier. La grande question qui se pose alors est : comment s’est-il retrouvé sur le MV Makaira, appartenant à la compagnie Hassen Taher, pour aller pêcher sur les bancs ? Du côté de la famille, on laisse entendre que Jean-Rilo Clair est pêcheur sur les bancs depuis 14 ans. Il a travaillé pour différentes compagnies. Le jour de son départ, c’est un ami qui est venu le chercher. « Il ne voulait pas y aller car on était en confinement, mais son ami a dit qu’il manquait un membre d’équipage. »

En fait, il faut savoir que le MV Makaira avait un équipage malgache. C’est d’ailleurs le cas pour la majorité des bateaux de pêche mauriciens depuis quelque temps. Mais l’équipage a refusé de remonter sur le bateau à son arrivée à Maurice. D’où l’engagement des pêcheurs mauriciens. À ce jour, personne ne semble prêt à assumer la responsabilité de cette disparition. « Les pêcheurs de banc ne sont pas enregistrés avec nous. Ils sont engagés directement par les compagnies», nous indique le ministre de la Pêche, Sudhir Maudhoo. Il explique que chaque compagnie de pêche doit contracter une assurance vie à hauteur de Rs 500 000 pour les pêcheurs qu’elles engagent. « La famille de Jean-Rilo Clair a droit à cette assurance, mais les procédures sont longues », concède Sudhir Maudhoo.

En effet, sur le plan légal, un pêcheur disparu n’est pas déclaré comme mort. D’où les complications pour obtenir les indemnités sous le plan de l’assurance vie. On se rappelle que dans le cas du naufrage des bateaux King Fish II et V, appartenant à la compagnie Hassen Taher Seafoods toujours, les proches des victimes avaient dû organiser une grève de la faim pour que l’Etat les déclare morts et que l’assurance soit débloquée. Compte tenu de la situation sur le plan légal, il aurait été approprié que le gouvernement vienne avec des règlements pour qu’une compagnie de pêche apporte un soutien financier à la famille d’un disparu, en attendant que les procédures pour bénéficier de l’assurance soient complétées. D’autant que cela prend des années.

Malheureusement, le nouveau Remuneration Order pour les Banks Fishermen and Frigo Workers a été publié en octobre 2019 et rien n’a été introduit en ce sens. En revanche, les règlements prévoient une “death grant” à hauteur de Rs 5 000 au cas où un pêcheur décéderait pendant une campagne de pêche. Il reste à savoir qu’elle interprétation donner concernant un pêcheur disparu, sous ces règlements. Rappelons également que les pêcheurs de banc sont rémunérés à Rs 22,53 si leur équipage pêche jusqu’à 125 kg et Rs 29,81 au-delà de 125 kg.

Autre fait surprenant : alors que les pêcheurs artisanaux et ceux engagés sur les bateaux de pêche semi-industriels doivent suivre une formation à la Maritime Training Academy, opérant sous le ministère de la Pêche et obtenir une carte de pêcheur professionnel, tel n’est pas le cas pour les pêcheurs de banc. C’est sur le tas qu’ils doivent souvent apprendre les techniques de pêche en haute mer ainsi que les conditions de sécurité.

Devant ce grand vide où chacun semble se renvoyer la balle, la disparition de Jean-Rilo Clair est passée comme une lettre à la poste. La famille attend toujours que la police lui tienne au courant de l’évolution de l’enquête. « Nous devons savoir ce qui s’est passé », disent ses enfants, tandis que son épouse est anéantie. Aux Casernes centrales, on nous indique que l’enquête est toujours en cours. Le MV Makaira est rentré à Maurice depuis le 18 juin. Du côté de la compagnie Hassen Taher Seafoods, les responsables du dossier étaient « en réunion » et ont promis de revenir vers nous.

Le ministre Maudhoo et les pêcheurs apportent leur soutien

C’est en son nom personnel que le ministre de la Pêche, Sudhir Maudhoo, a remis une enveloppe à la famille de Jean-Rilo Clair. Il explique que ce dernier n’étant pas enregistré et n’a pas de “grant” du Fishermen Welfare Fund. « J’ai voulu faire ce geste pour apporter mon soutien personnel à la famille. Cette situation où l’on a un proche qui disparaît en mer est très difficile et je comprends la souffrance de la famille. Le métier de pêcheur est très risqué. Nous reconnaissons leur contribution au pays, au risque de leur vie. »

Le Syndicat des pêcheurs, à travers deux coopératives, Yéyé et Med Fishing, ont également apporté un soutien financier à la famille de Jean-Rilo Clair. Judex Rampaul du Syndicat des pêcheurs souhaite que l’enquête sur cette disparation se fasse rapidement et que la famille puisse avoir des réponses à ses interrogations. Lallmamode Mohamedally rappelle, lui, que ce métier comporte de gros risques, dont on ne se rend pas toujours compte, sauf quand il y a une catastrophe. Il plaide pour plus de sensibilisation.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -