Virginie Duvivier (Transinvest) : « Nous souhaitons accueillir plus de femmes sur nos chantiers »

Vous arrivez à la tête de Transinvest Construction Ltd à un moment où la construction et la création d’infrastructure sont présentées comme un des moteurs du développement économique à Maurice. Quelle est votre appréciation de l’industrie de la construction en cette année qui s’avère très difficile ?

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Effectivement, je suis arrivée le 18 mai chez Transinvest, jour de reprise pour l’entreprise après deux mois de confinement. 2020 est une année des plus “challenging” pour le secteur de la construction qui génère peu de marge. Pour la majorité des entreprises du secteur, ces deux mois d’arrêt auront suffi pour qu’elles terminent l’année avec des résultats négatifs. D’autant plus que la Worker’s Rights Act de 2019 avait déjà mis de la pression sur les entreprises avec une augmentation des coûts salariaux en début d’année.

Nous sommes tous témoins de la mise en œuvre d’importants projets d’infrastructures. Que ce soit pour le Metro Express, le programme de décongestion routière à Phoenix et le développement des Smart Cities, entre autres. Pour que l’économie mauricienne puisse en bénéficier surtout en ces temps de crise, nous devons employer des Mauriciens et acheter autant que possible local. Il est important que l’argent investi soit réinjecté dans l’économie locale.

On a coutume de dire que quand la construction va tout va. Comment se porte l’industrie de la construction à Maurice ?

Les projets qui avaient débuté avant la crise liée à la COVID-19 sont en cours de réalisation, voire d’achèvement. De plus, l’État a annoncé d’importants investissements dans ce secteur pour les trois années à venir. Cependant, depuis le mois de juin, la situation économique n’est plus la même. L’État va-t-il réaliser ce qui a été annoncé lors du budget ou va-t-il rediriger ce budget vers le social ? Nous restons aussi prudents quant à l’investissement du secteur privé dans la construction. La crise à laquelle fera face le secteur privé dans les mois à venir sera majeure, et cela aura forcément un impact sur les projets d’investissement dans des infrastructures.

Est-ce toutes les conditions sont réunies pour que l’industrie de la construction s’épanouisse à Maurice ?

Le budget national de cette année a permis aux petits acteurs de la construction de répondre aux appels d’offres grâce à l’assouplissement de certains critères au niveau du CIDB. Nous accueillons cela favorablement car cela nous permet de nous remettre en question et de sortir de notre zone de confort. Cependant, en juillet dernier, le Procurement Policy Office a étendu jusqu’au 31 juillet 2021 la suspension de l’application de la “Margin of Preference” qui octroie un avantage aux entreprises qui privilégient l’emploi local lors d’appels d’offres publics. Cette suspension rend les entreprises favorisant l’emploi local moins compétitives vis-à-vis de celles employant des étrangers. Alors qu’aujourd’hui des emplois sont menacés dans certains secteurs, nous souhaiterions que cette suspension soit annulée afin de privilégier l’emploi local sur les chantiers publics.

Quelle est la part de Transinvest dans le secteur de la construction à Maurice ?

En 2019, le secteur de la construction représentait 45 milliards de roupies réparties entre les projets de construction, à proprement parler, et les opérations de promotion immobilières. Le secteur de la construction représente plus de 1 500 entreprises mauriciennes et étrangères et environ 58 000 emplois directs et autant d’emplois indirects. Dans ce contexte global, la part de marché de Transinvest est d’environ 5% avec une représentation plus forte dans le domaine de la construction des infrastructures de transport.

Quelle est sa particularité par rapport aux autres sociétés de construction dans l’île ?

Notre particularité vient de nos hommes et de nos femmes qui sont à 98% des Mauricien(ne)s ou des Rodriguais(es). Nous sommes la seule entreprise de construction à Maurice à privilégier l’emploi local à ce niveau. Cela n’est pas toujours une décision facile à tenir mais nous sommes convaincus, encore plus aujourd’hui en cette période de crise, que l’emploi local doit être sauvegardé.

Vous avez fait une percée dans un monde traditionnellement dominé par les hommes. Est-ce que cela représente un défi ?

Je ne dirais pas que c’est un défi. Je ne me suis pas réveillée un matin en disant que je vais devenir CFO dans la construction pour montrer aux autres ce que je peux faire. Il s’agit avant tout d’une belle opportunité pour ma carrière et pour évoluer dans une industrie que je ne connaissais pas. Je suis entourée de collaborateurs qui me font confiance et croient en mes capacités. Certes, on dit que la construction est « dominée par les hommes », mais il y a de la place pour les femmes. Il faut oser et prendre cette place car les hommes, eux, n’hésitent pas. Chez Transinvest, nous encourageons la mixité homme/femme et souhaitons accueillir plus de femmes sur nos chantiers.

À la lumière de votre parcours professionnel, vous êtes la preuve vivante qu’une femme peut occuper n’importe quel poste de responsabilité dans n’importe quel domaine. En cela, vous êtes un “role model” pour tous ceux qui militent pour l’égalité des genres à Maurice ? Qu’en pensez-vous ?

En lisant mon CV, mon parcours semble avoir été facile mais en réalité cela n’a pas été le cas. Il m’a fallu beaucoup de travail et de persévérance. C’est en observant d’autres femmes autour de moi évoluer et affronter les obstacles que j’ai osé le faire aussi. Si aujourd’hui je suis devenue celle qui inspire d’autres femmes, eh bien j’en suis très fière.

Comptez-vous apporter une touche féminine au niveau de Transinvest et de la construction ?

Je ne sais pas si ce sera une touche féminine mais il s’agira de ma touche avec plus de transparence et de dialogue.

On constate qu’il y a de plus en plus de femmes sur les sites de construction. Comment cela se présente chez Transinvest ?

Nous avons déjà des femmes sur les chantiers en tant que conductrices de travaux, Quantity Surveyors, et nous avons embauché nos deux premières ouvrières de chantier il y a quelques semaines. Nous souhaitons encourager d’autres à nous rejoindre afin que notre effectif féminin soit doublé d’ici 2021. Le but n’est pas d’améliorer des statistiques mais plutôt de promouvoir l’autonomie et l’indépendance financière de la femme à Maurice comme à Rodrigues.

On note dans votre CV que vous êtes un NLP Practitioner. Est-ce que cette formation de NLP est un élément important dans la réussite que vous avez connue dans votre parcours professionnel ?

Cette formation est un des éléments qui a contribué à faire de moi ce que je suis. J’ai appris à développer des comportements afin de résoudre des problèmes ponctuels, mais aussi à mieux communiquer avec les autres. Un bon manager doit savoir écouter, observer et résoudre les problèmes.

On dit que le secteur de la construction est très propice à la corruption. Que faites-vous pour vous prémunir contre ce risque ?

L’éthique est une valeur primordiale chez nous et nous n’excusons aucun dérapage. Nous formons nos collaborateurs, à tous les niveaux hiérarchiques, sur les différentes formes de corruption qui pourraient exister dans le domaine de la construction. L’an dernier, une équipe de l’ICAC a fait le déplacement pour parler avec le personnel sur la corruption. Nous souhaiterions renouveler cette expérience prochainement.

Vous avez également des compétences en ce qui concerne la gestion de la pension. Quel regard jetez-vous sur la Contribution sociale généralisée introduite par le gouvernement à partir du l er septembre ?

Un regard opaque car nous ne savons pas grand-chose pour le moment. La CSG serait, a priori, un mixte des deux “schemes”, notamment le “defined benefit” et la “defined contribution”. Il s’agirait d’une contribution basée sur le salaire d’une personne, donc une “defined contribution” mais pour au final recevoir le même bénéfice que tout le monde, à savoir le “defined benefit”. L’avis des actuaires sur cette contribution nous sera très utile pour y voir un peu plus clair.

Est-ce que la compagnie Transinvest est également présente dans les pays de la région ?

Nous sommes à Rodrigues depuis plus de 20 ans et nous employons 166 Rodriguais. Nos activités sont principalement axées sur les infrastructures routières. Nous sommes très fiers d’avoir contribué au développement de l’île avec la construction de nouvelles routes et au développement de la région avec l’agrandissement de la piste d’atterrissage en 2003, ce qui a permis d’accueillir les ATR 72.

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