2018 : une année mouvementée pour la profession légale

Les conclusions du rapport de la Commission d’enquête sur la drogue ont causé énormément de remous au sein de la profession légale cette année, entraînant une remise en question de la pratique et du respect du code d’éthique des avocats. De nombreux juristes ont été éclaboussés par des informations compromettantes retenues contre eux. Si certains ont été épargnés par la commission, d’autres feront l’objet d’enquêtes approfondies avec la création d’une Task Force. Tour d’horizon des avocats ayant fait l’objet de critiques.

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Rex Stephen

L’homme de loi a été arrêté et inculpé provisoirement de blanchiment d’argent en Cour de district, en violation des articles 3(1) (b), 6 et 8 de la FIAMLA 2002. Il lui est reproché d’avoir été en possession de sommes d’argent soupçonnées d’être le fruit du trafic de drogue. Il avait été libéré sous caution le jour de sa comparution, après avoir fourni une caution de Rs 25 000 et signé une reconnaissance de dettes de Rs 75 000. Le 26 avril 2017, au cours d’une perquisition à son étude rue Lislet Geoffroy, Port-Louis, la commission anti-corruption mettra la main sur une somme de Rs 748 500. Cela après que l’ex-clerc de l’homme de loi, Sheikh Nawaz Aboobaker Ibrahim, avait expliqué aux enquêteurs de l’ICAC qu’il avait reçu une somme de Rs 1,5 M d’une femme, de la part du caïd Peroomal Veeren, en guise d’honoraires. Me Rex Stephen s’était lui rendu volontairement à l’ICAC pour donner sa version des faits. Il avait expliqué que Peroumal Veeren était bien son client mais qu’il n’avait pas réclamé un tel montant. De plus, il aurait indiqué à l’ex Chief Clerk de retourner l’argent en excès. Devant la commission Lam Shang Leen, Me Stephen avait aussi été interrogé sur ses liens avec les détenus incarcérés pour délits de drogue, nommément Bibi Ameenah Noordally, belle-mère de Peroomal Veeren, Jimmy Marthe, dit Colosso, le Canadien David Allan Stockhall, ou encore, Jonathan Petricher, dit Tito.

Raouf Gulbul

Il a fait l’objet de vives critiques dans le rapport de la commission d’enquête sur la drogue, avec des dénonciations de « devir lanket » dans des affaires de trafic de drogue avec pour but de protéger des trafiquants, dont Peroumal Veeren. Devant la commission d’enquête, le nom de Raouf Gulbul a été cité à plusieurs reprises par bon nombre de personnes auditionnées. Il a été acculé par les révélations de la Junior Tisha Shamloll concernant un voyage à La Réunion en sa compagnie où il devait passer des appels confidentiels ou encore par les allégations de son neveu et des avocats Samad Golamaully et Ashley Hurhangee. Un acharnement qui l’avait poussé à démissionner en tant que président de la Gambling Regulatory Authority (GRA) et de la Law Reform Commission (LRC). La “Task Force” a enquêté sur les allégations de son neveu, selon lesquelles il bénéficierait d’une somme de Rs 300 000 si lors de son audition devant la commission d’enquête, il plaidait en faveur de Raouf Gulbul. Ce dernier a été entendu brièvement par la commission anti-drogue et devrait y retourner en janvier pour soumettre des documents relatifs à ses avoirs. Sa révision judiciaire pour contester les critiques à son égard sera appelée en Cour suprême le 14 janvier.

Roubina Jadoo-Jaunboccus

L’avocate parlementaire avait été contrainte de démissionner comme ministre de l’Égalité des genres après la publication du rapport Lam Shang Leen. Elle a, par la suite, riposté avec une demande de révision judiciaire pour contester les conclusions faites principalement aux pages 228 et 229 du rapport. Elle rejette en bloc les remarques faites au sujet de la transaction de Rs 50 000 entre condamnés, l’appel téléphonique de Peroomal Veeren ou encore ses 17 “unsollicited visits” à la prison. Il lui est aussi reproché d’avoir agi comme intermédiaire pour remettre de l’argent au trafiquant Jackson Camacho. Roubina Jadoo-Jaunbocus nie toutes les allégations en bloc et soutient avoir donné des explications écrites à la commission sur les allégations portées contre elle.

Sanjeev Teeluckdharry

L’ex-Deputy Speaker et député du MSM avait passé une audition mouvementée devant la commission d’enquête sur la drogue, avec de vifs échanges entre lui et Paul Lam Shang Leen. Au départ, Sanjeev Teeluckdharry demandait l’annulation de son audition, qui avait été rejetée. Lors de son audition, il avait été mis en présence des “unsollicited visits” en prison. Il lui a aussi été reproché d’avoir été en contact à huit reprises avec le parrain présumé d’un important réseau de trafi c de drogue, Rudolf Dereck Jean Jacques, alias Gro Derek. Après la publication du rapport, il démissionne comme Deputy Speaker et enchaîne les bras de fer, notamment sur un litige en Cour suprême avec le Bar Council, qui réclame sa suspension pour avoir agi de manière à ternir l’image de la profession légale. La demande d’injonction faite par Sanjeev Teeluckdharry contre le Bar Council pour contester la décision de le suspendre du barreau pour violation du code d’éthique des avocats reste encore à être déterminée.

Anupam Khandai

L’avocat et membre du parti Mouvement patriotique fait partie des 11 contestataires ayant déposé une demande de révision judiciaire en Cour suprême. Anupam Khandai souhaite une révision des critiques à son égard concernant le dévoilement d’une somme de Rs 300 000 qui avait été versée sur son compte le 15 février 2016 et qui est soupçonnée d’être l’argent de la drogue. L’avocat nie aussi le fait d’avoir réglé une amende de Rs 306 365 pour le trafiquant Jackson Kamasho, le 3 février 2016. Il est le premier avocat à avoir été entendu par la commission d’enquête sur la drogue.

Noor Hussenee

Me Noor Hussenee, qui a lui aussi fait une demande de révision judiciaire en raison des conclusions du rapport à son égard, soutient dans son affidavit n’avoir fait que son travail d’avocat concernant ses communications avec Siddick Islam. Il a déclaré que le trafiquant Siddick Islam avait retenu ses services pour un appel au Conseil privé. Il nie aussi avoir été le directeur de campagne de Raouf Gulbul lors des législatives de 2014 et avoir vu un sac rempli d’argent remis à Raouf Gulbul à Saint-Pierre en 2014.

Navin Ramchurn

Le cas de Navin Ramchurn avait été porté devant la Cour suprême par le Bar Council pour non-respect du code d’éthique. Le Bar Council lui reproche de n’avoir pas rempli ses obligations envers ses clients et de n’avoir pas payé sa cotisation annuelle auprès de l’Ordre des avocats. Le Bar Council lui avait informé de sa décision de l’interdire d’exercer comme avocat du fait qu’il avait lui-même interrompu son adhésion au Bar Council depuis 2014. Navin Ramchurn avait réagi en déposant une demande d’injonction en cour, réclamant un ordre interdisant le Bar Council de procéder à sa suspension ou à une interdiction de pratiquer. La demande d’injonction avait été rejetée par le juge en chambre, qui avait toutefois convoqué le représentant du Bar Council pour qu’il donne les raisons pour lesquelles l’ordre réclamé par Me Navin Ramchurn ne doit pas être émis. Dans un affidavit signé par le secrétaire de la Mauritius Bar Association, Me Yahia Nazroo, il est avancé que la demande de Navin Ramchurn constitue un abus des procédures judiciaires et qu’il n’a pas respecté sa principale obligation de membre du barreau en payant les frais d’adhésion. Propos réfutés par Navin Ramchurn qui soutient avoir proposé de régler les frais non payés mais que la MBA avait refusé les paiements en raison de plaintes retenues contre lui.

Les autres

Parmi les autres avocats ayant été critiqués par la commission Lam Shang Leen, il y a Hamid Jagoo, Vikash Rampoortab et Coomara Pyaneeandee. Ils ont tous déposé une motion réclamant une révision judiciaire des conclusions du rapport les concernant. Les prochaines étapes et les développements sur les révisions judiciaires sont attendus en janvier 2019.

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