50 ANS APRÈS L’INDÉPENDANCE : Revoir notre système de gouvernance

DIPLAL MAROAM

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Après la profonde crise institutionnelle qui a récemment ébranlé le sommet de l’État, il est peu probable que le Premier ministre procède à la nomination d’un nouveau président de la République de sitôt voire même pour le reste de ce mandat gouvernemental, d’autant que cette nomination risque de susciter des remous et tensions entre les deux partenaires de l’alliance au pouvoir. Car, l’on voit mal le ML céder, sans broncher, le privilège, convenu au départ, de proposer un candidat à ce poste.

Certes, la mise sur pied d’une commission d’enquête sur l’ex-présidente et dont les attributions ont été publiées dans le Government Gazette  le 21 mai dernier, permettrait de faire la lumière sur les circonstances ayant débouché sur sa démission sous contrainte mais il incombera finalement à la Cour suprême de déterminer les nombreux points de droit qui seraient soulevés, dont celui concernant l’immunité de l’ex-présidente ou encore des actes anticonstitutionnels qui auraient été commis. En outre, les propositions éventuelles par rapport aux amendements constitutionnels risquent de mettre à rude épreuve le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs. Par ailleurs, alors que pour la moindre peccadille, le petit fonctionnaire est traîné devant un comité disciplinaire et révoqué illico presto si trouvé coupable, sans indemnité aucune, le départ d’Ameenah Gurib-Fakim pour avoir « fauté » voire même « fane », comme le reconnaissent nos dirigeants, avec tous les bénéfices liés à son poste, payés des deniers publics, ne peut être qualifié de « best solution for the country », comme l’avait affirmé le PM lors de la PNQ du 27 mars dernier. Selon de nombreux observateurs, la décision la plus plausible, dans les circonstances actuelles, aurait été l’activation de l’article 30 de la Constitution prônant la mise sur pied d’un tribunal et la suspension de la présidente en attendant le verdict.

Mais, quoi qu’il en soit, cette crise au sommet de l’État ne constitue pas un cas isolé. L’on se souvient qu’en janvier 2002, Cassam Uteem était contraint de soumettre sa démission suite à un profond désaccord avec le gouvernement sur la POTA qui, selon lui, portait atteinte aux libertés fondamentales des citoyens. Puis vint le tug of war entre le président SAJ et Navin Ramgoolam après la reconduction de ce dernier au pouvoir en juillet 2005. En effet, pour faire partir le président, soupçonné d’avoir soutenu son fils, Pravind, adversaire du PTr lors de la campagne électorale de 2005, le PM d’alors choisit la voie de la confrontation et l’humiliation à la place du dialogue. Mais SAJ refusa d’obtempérer. Tant et si bien que Navin Ramgoolam finit par déposer les armes.

Les différentes crises au sommet de l’État mettent ainsi en exergue les limites de notre régime parlementaire eu égard au fonctionnement de deux branches importantes de l’Exécutif : le président et le Premier ministre. Cinquante ans après l’indépendance, une réforme institutionnelle s’impose pour un changement en profondeur au niveau du système de gouvernance de notre pays. En effet, un président élu au suffrage universel, avec une légitimité populaire, des pouvoirs étendus et des fonctions définies par la Constitution comporte moins de risques de conflit. Il est temps de briser le carcan du conservatisme britannique et d’en finir une fois pour toutes avec ce cercle vicieux des nominations au sommet du pouvoir : un PM nommé par le président et le président nommé à son tour par le parlement sur proposition du PM lui-même. Dans de telles circonstances, le président peut-il vraiment être perçu comme étant impartial et au-dessus de la mêlée politique ?

Finalement, il convient de reconnaître, que ce mandat gouvernemental, qui s’achève l’an prochain et qui avait soulevé l’espoir et l’enthousiasme de tout un peuple, n’a jamais été un long fleuve tranquille. Cassure de l’alliance Lepep; changement de PM en cours de route sans l’approbation populaire; le duo « gagnant », architecte du premier miracle économique, présenté à l’électorat en décembre 2014, volé en éclats ; démission des ministres Yerrigadoo, Soodhun et Dayal – récipiendaire, à propos, d’un chèque de Rs 15 millions du gouvernement – dans le sillage des scandales Bet 365, NHDC/Bassin et Bal Kuler respectivement et celle de Roshi Bhadain concernant le Metro Express; élection partielle et absence du gouvernement au No 18; démission de Pravind Jugnauth en tant que ministre dans le cadre de l’affaire MedPoint et dont l’avenir politique reste toujours suspendu au jugement du Privy Council, etc. Ainsi, de bouleversement en bouleversement, la société n’a point connu de stabilité durable ces dernières années. Conséquences : des problèmes fondamentaux tels l’inégalité, le pouvoir d’achat, la corruption mais d’abord et surtout le law and order  qui font pourtant partie des 12 commandements de l’Alliance Lepep de décembre 2014, demeurent aujourd’hui toujours entiers s’ils n’ont pas tout bonnement empiré.          

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