ACHAT ET VENTE DE BIJOUX: Aux tracas des carats

Les compagnies spécialisées dans l’achat et la revente du précieux métal jaune sont de plus en plus nombreuses à Maurice. Avec l’augmentation du prix de l’or sur le marché international, elles profitent du bas prix d’achat de bijoux en or auprès de particuliers et procèdent à la revente sur le marché international. Des bijoutiers déplorent ce commerce. Qui, pour certaines familles faisant face à des difficultés financières, représente une porte de sortie.
La prolifération de ces compagnies est due à une raison bien précise. Depuis que le dollar américain a commencé à chuter face à l’euro, les investisseurs se sont tournés vers l’or, qu’ils considèrent comme une alternative concrète aux monnaies. En effet, les principales devises mondiales fluctuent avec la crise financière; l’or est une valeur moins volatile. Le prix du précieux métal a atteint de nouveaux records en 2011 et 2012. Il est actuellement coté à environ 1,800 dollars américains et a même connu une pointe à 1,900 dollars.
Détresse financière.
C’est souvent une situation financière précaire qui pousse certaines personnes à monnayer leurs bijoux. “J’ai été obligée de vendre la chaîne en or que ma maman m’a léguée et qu’elle avait elle-même héritée de ma grand-mère. Cela m’a fendu le coeur mais je n’avais pas le choix”, raconte Saroja.
“C’est la situation économique difficile qui incite les gens à vendre leurs bijoux pour avoir rapidement de l’argent liquide. Cette situation a incité des étrangers à se lancer dans ce business à Maurice : ils peuvent acheter de l’or à un bas prix et le revendre plus cher ailleurs”, soutient Edley Chimon, directeur de Floréal Diamond Cutting. “Nous sommes dans une situation de surendettement”, souligne pour sa part un bijoutier. Il constate que la vie est devenue si difficile pour certaines personnes qu’elles n’arrivent pas à joindre les deux bouts.
Exploitation.
Un bijoutier déplore cet état de fait. “Certaines compagnies peuvent exploiter les gens en proposant d’acheter leurs bijoux en or à des prix fixes et en deçà de leur valeur réelle. Les vendeurs n’en ont ainsi pas pour leur argent. Ce sont ces entreprises qui sont les grands gagnants. Cette pratique ne fait qu’encourager les receleurs. Le public doit savoir vers qui s’adresser pour vendre ses bijoux et ne pas le faire à n’importe quel prix sous prétexte qu’il est dans le besoin.” Il souligne également que certaines bijouteries n’affichent pas clairement leurs intentions et profitent de la première occasion pour racheter les bijoux, effectuant délibérément une évaluation erronée de l’objet.
Jayen Chellum, de l’Association pour la protection des Consommateurs de l’Île Maurice (ACIM), déclare qu’il est important que les gens soient conscients que l’or ne vieillit pas et qu’il n’y a donc pas de vieux bijoux. Il encourage ceux qui doivent vendre un objet précieux à cause de contraintes financières de bien vérifier sa valeur réelle auprès de l’Assay Office avant de le proposer à la vente.
Incitation au vol ?
La prolifération d’entreprises proposant le rachat de bijoux en or a facilité la vente de ces objets de valeur. La police a aussi noté une recrudescence de vols de bijoux. Le phénomène s’apparenterait au vol de ferrailles, auquel on avait assisté dans le passé. Le prix du fer avait augmenté sur le marché international et certaines compagnies le rachetaient à bon prix pour le revendre à l’étranger.
Une nouvelle stratégie a été développée pour décourager les vols de bijoux. L’assistant commissaire de police Devanand Reekoye affirme que des instructions claires ont été données aux Divisional Commanders afin d’exercer une surveillance plus étroite. Des arrestations de personnes qui essayaient de vendre des bijoux volés ont eu lieu dans certaines régions. “La situation est sous contrôle”, confie l’ACP Reekoye.
Amendements aux lois.
Des amendements seront apportés très prochainement au Jewellery Act. Les Jewellery Regulations contiendront de nouveaux règlements concernant l’échange, la vente et l’achat de bijoux en or. Le ministère de l’Industrie a créé la Ownership Declaration Form, qui devient obligatoire pour toute personne souhaitant vendre des bijoux. De plus, le vendeur doit présenter une pièce d’identité ainsi qu’une attestation de propriété du bijou certifiée par l’Assay Office. Cet organisme, rattaché au ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Protection des Consommateurs, joue le rôle de régulateur dans le domaine. Il est aussi prévu que le commerçant prenne en photo chaque bijou de seconde main et y joint une attestation.
Jayen Chellum affirme que les amendements apportés au Jewellery Act ne donneront pas les résultats escomptés. “La vente et l’achat de l’or sont un sujet qui interpelle. Au ministère du Commerce, la situation a été discutée et il avait été décidé d’interdire la publicité autour du commerce de bijoux en or. Ce n’est pas ce que l’on constate dans la pratique. Une loi est finalement sortie pour autoriser la vente de l’or à un bas prix.”
Difficultés.
Brandon Lim, assistant directeur de AD-Négoce, soutient que les amendements apportés au Jewellery Act rendront la vente de bijoux difficile. “C’est très bien d’avoir un cadre légal dans lequel opérer. Mais pour un particulier, aller faire certifier un bijou n’est pas chose évidente. Il y a beaucoup de paperasse et cela ne sera pas toujours profitable pour nous. Si, par exemple, on vient nous vendre une bague de deux grammes, les frais que nous aurons à payer ne rendront pas l’opération rentable.”. Il soutient que sa compagnie achète des bijoux auprès de Mauriciens pour la revente en Belgique, avec une marge de profit qui oscille autour de 30%.
Soulignons que nous avions prévu d’avoir une déclaration du directeur de l’Assay Office mais que le ministère de l’Industrie, du Commerce et de la Protection des Consommateurs n’a pas agréé à notre requête.

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