Adieu Aylan et… pardon

Tout être humain pourvu d’un coeur de chair (parce qu’il y a aussi des coeurs de pierre) a versé une larme en voyant l’image insoutenable du petit corps d’Aylan. La mer, cette prétendue insensible ogresse, n’a pas englouti ce petit être tout innocent en qui chaque parent a reconnu son propre enfant, mais l’a déposé avec respect sur une plage, devant la face horrifiée du monde. Est-ce pour bien nous montrer, à nous les hommes supposés bien pensants, le prix de notre indifférence face aux souffrances étrangères à notre petit confort ?
Pour une fois, ne soyons pas des hypocrites. Reconnaissons que nous sommes tous coupables. Évitons d’organiser des marches dites blanches avec des pancartes « je suis Aylan ». Ce serait trop grotesque. Nous ne pouvons l’être et ne le serons jamais. Nous n’avons pas, comme lui, gagné le paradis par la souffrance, en raison de la tyrannie et du mépris des hommes. Nous sommes les méprisants, nous nous cachons bien au chaud dans notre cocon et nous nous donnons de faux airs devant notre miroir magique. Si nous voulons nous donner un semblant de bonne conscience, ce qui ne diminue en rien notre culpabilité, écrivons plutôt sur notre pancarte « pardon Aylan, nous t’avons regardé mourir sans réagir ». Demandons aussi pardon à tous ces enfants, qui n’appartiennent pas à notre ‘race’, et qui meurent à chaque seconde dans le monde, que ce soit de famine ou sous les balles, sans que nous nous en émouvions outre mesure. Nous sommes aujourd’hui tellement noyés d’information à travers les médias et les réseaux sociaux que, mis à part, un quelconque Robinson Crusoé, nul homme ne peut honnêtement prétendre l’ignorance.
« Chassons de notre table les racistes, même s’ils sont de notre sang »
Seulement voilà, nous sommes tellement imbibés de notre réussite et de notre paraître que nous n’osons pas manifester ouvertement notre indignation et notre révolte. Nous avons peur que cela puisse nous éloigner de ce que nous croyons être le bonheur. Nous craignons de perdre ces quelques gratifications qui ne sont, bien souvent, que la rançon de notre complaisance.
Nous n’avons pas à attendre le chant du coq pour découvrir des exemples de notre trahison. Nous sommes des lâches lorsque nous nous taisons devant l’industrialisation à outrance qui met en péril l’équilibre écologique de notre planète. Nous sommes des lâches lorsque nous confions les rênes de notre pays à des sangsues plus préoccupées par leur enrichissement personnel que par le bien-être de leur peuple. Nous sommes des lâches lorsque nous ignorons les actes de barbarie que subissent ceux qui n’appartiennent pas à notre ethnie ou à notre religion. Nous sommes des lâches lorsque nous regardons sans broncher des étrangers subir l’esclavage dans notre propre pays. Nous sommes des lâches lorsque nous tolérons l’injustice sur notre lieu de travail.
En signe de pénitence, rendons à Aylan ce que nous lui devons : le respect. Promettons-lui que nous allons désormais réagir face à toutes les dégradations programmées de l’homme et de sa planète. Manifestons sans crainte notre colère et notre indignation face aux injustices des gouvernements et des despotes qu’ils engendrent. Chassons de notre table les racistes, même s’ils sont de notre sang. Réclamons de nos religions plus de réactions aux atrocités commises contre les plus vulnérables. Élevons nos âmes, nous en sommes capables, et faisons en sorte que la mort d’Aylan ne soit pas vaine. Laissons l’hypocrisie et la pleutrerie aux politiques, c’est là leur terrain de jeu, leur pataugeoire.

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