Affaire Vanessa Lagesse : le « mystère » des preuves scientifiques contre Maigrot réapparaît

  • « We have yet another problem which the criminal justice system will have to deal with », soutient le Senior Counsel, qui indique que son client n’a jamais été confronté à ces preuves

Alors que la Cour suprême a récemment rejeté la motion d’arrêt du procès formulée par la défense de Bernard Maigrot, ce dernier est revenu à la charge. Par le biais de son homme de loi, Me Gavin Glover, SC, il réclame de nouveau l’arrêt du procès qui lui est intenté dans le cadre du meurtre de Vanessa Lagesse, perpétré en 2001.

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Me Gavin Glover soutient que son client n’a pas été confronté aux nouvelles preuves scientifiques dans le cadre de ce nouveau procès devant les Assises alors que le « mystère » plane toujours sur ces nouveaux éléments sur lesquels s’appuie la poursuite. Le Senior Counsel demande à la cour de trancher en faveur d’un arrêt du procès.

Six ans après l’ouverture de la deuxième enquête contre Bernard Maigrot dans le cadre du meurtre de Vanessa Lagesse, l’homme d’affaires dit n’être toujours pas en présence des preuves scientifiques sur lesquelles la police s’appuie pour l’incriminer.

Pour son homme de loi, il s’agit d’une « grosse injustice » vis-à-vis de son client. « Prosecution has failed to confront the accused with the new scientific evidence and he has not been given an opportunity to respond to it », dit-il.

Le Senior Counsel estime que les enquêteurs n’ayant pas jugé bon de confronter son client à ces nouvelles preuves avant de loger des charges formelles contre lui, ces accusations « ne peuvent tenir la route ».

Me Gavin Glover a évoqué un “ruling” de la Cour d’assises dans le procès de Peter Wayne Roberts, qui était accusé d’avoir tué sa compagne, laquelle avait en effet tranché en faveur de la défense, statuant qu’un témoin ne pouvait déposer sur un élément auquel l’accusé n’a jamais été confronté.

« Full and fair disclosure »

Me Glover souligne que le 23 mai 2011, après que la police avait décidé d’initier une nouvelle enquête, Bernard Maigrot, qui était en compagnie de ses hommes de loi, avait insisté pour être en présence des nouveaux documents ou autres éléments sur lesquels la police se basait pour l’incriminer. Il avait catégoriquement fait comprendre qu’il ne répondrait pas aux questions, évoquant ses droits constitutionnels.

Cependant, l’équipe du CCID, menée par Heman Jangi et Devanand Reekhoye, qui étaient alors SP, avait poursuivi l’interrogatoire. Dans le cadre de sa motion, Me Gavin Glover a d’ailleurs fait appel au Recording Officer, l’ASP Sebastien Joseph, qui avait enregistré la déposition de Bernard Maigrot le 23 mai 2011.

Le témoin a aussi produit deux “Diary Book Entries” du même jour, qui font état des échanges entre Bernard Maigrot, ses hommes de loi et les enquêteurs.
Après que le principal intéressé a pris connaissance de l’intention des enquêteurs de l’interroger de nouveau, ses hommes de loi ont demandé à avoir tous les détails sur les nouvelles preuves de la police.

« M. Maigrot stated that he does not wish to reply to any questions and requested full and fair disclosure of all documents and facts on which the police wish to rely », peut-on ainsi lire dans les entrées du livre de la police. Heman Jangi aurait alors répondu que « same will be entertained in due course ».

Me Glover estime que les enquêteurs voulaient « prendre Bernard Maigrot par surprise », ce qui, selon lui, est en violation de ses droits constitutionnels. L’interrogatoire de Bernard Maigrot s’est poursuivi malgré son insistance de se faire communiquer les nouveaux éléments.

Ce n’est qu’après qu’il a appris que la police détenait de nouvelles preuves scientifiques contre lui. Me Glover souligne que jusqu’ici, son client ne sait toujours pas quelles sont ces preuves. « There are scientific evidence that establishes your presence », lui aurait fait comprendre M. Jangi.

Me Glover maintient que la poursuite aurait dû confronter l’accusé aux nouvelles preuves scientifiques en sa disposition, et ce pour lui garantir un procès équitable.

Bernard Maigrot est accusé d’homicide sur la personne de Vanessa Lagesse, retrouvée morte dans sa baignoire le 10 mars 2001. L’affaire avait une première fois été déférée aux Assises le 28 novembre 2001 à la suite d’une enquête préliminaire en cour de Mapou. Le 2 juin 2008, le DPP d’alors, Me Gérard Angoh, avait accordé un non-lieu à l’accusé. Mais le 23 mai 2011, Bernard Maigrot était de nouveau arrêté après que le bureau du DPP ait décidé de rouvrir l’enquête suite à l’obtention de nouvelles preuves scientifiques provenant de l’étranger. Les autorités compétentes locales avaient confié à des laboratoires étrangers certaines données dont elles disposaient depuis l’enquête menée par la police au début de l’affaire.


PRITHVIRAJ FEKNA : « Is it how the criminal system operates in Mauritius »

Après avoir écouté les débats des deux parties, le juge Prithviraj Fekna n’a pas manqué de commenter la façon d’agir des policiers. Lors des plaidoiries, le représentant du Directeur des poursuites publiques, Me Vijay Appadoo, devait demander à la cour de déterminer si la police avait une quelconque obligation de confronter l’accusé aux preuves détenues contre lui. « The Prosecution acts within the parameters of the Judge’s Rule », dit-il. Le juge Fekna devait alors exprimer son inquiétude face à ces commentaires. « Are you trying to tell the court that this is the signal that should be given to the police ? Not to inform a citizen of the evidence gathered against him ? Is it how the criminal system operates in Mauritius », a lancé le juge Fekna.

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