AGRICULTURE & SANTÉ — SELON DES TESTS EN 2012: Des résidus de pesticides dans 50 % des fruits et légumes analysés

Un Plan d’action pour une agriculture écologique à Maurice et à Rodrigues est actuellement en préparation en vue, apprenons-nous du dernier Conseil des ministres, de « réduire graduellement l’utilisation de pesticides conventionnels sur les cultures vivrières et de les remplacer par des bio-pesticides qui sont moins toxiques afin de faire de Maurice un pays agro-écologique ». Cette décision, pour tardive qu’elle soit, est un pas dans la bonne direction eu égard aux pratiques abusives dans nos champs de légumes, notamment, et leurs conséquences dévastatrices sur l’environnement et surtout la santé des Mauriciens résultant de la consommation régulière de légumes chimiquement dopés. En 2012, 50 % des produits agricoles testés par les laboratoires de l’Agro-industrie contenaient des résidus de pesticides.
Valeur du jour, il existe environ 70 types de pesticides qui sont importés et commercialisés sous différentes appellations à Maurice. Ces produits sont couramment utilisés dans les champs et sont mis en vente par quelque 75 détaillants à travers l’île. Toutefois, les autorités notent que le nombre de revendeurs est en hausse. Ainsi, pour l’année 2011, Maurice a importé 2 107 tonnes de pesticides pour une valeur de Rs 355 M.
Des tests réguliers menés par le ministère de l’Agro-industrie sur des échantillons de produits agricoles collectés directement des plantations en vue d’en déterminer le taux résiduel de pesticides ont montré que dans certains cas ce taux dépasse le seuil maximal établi. Selon les informations du Mauricien, l’année dernière, sur 524 échantillons analysés par le Food Technology Laboratory de l’Agro-industrie, 50 % contenaient des résidus de pesticides et 6 % excédaient les normes établies par le FAO Codex Standards for Maximum Residue Level (voir aussi hors-texte “Défis à relever”).
Récidives
Dans ces cas précis, les planteurs concernés ont été sensibilisés et formés à des bonnes pratiques agricoles et à l’utilisation de pesticides alternatifs, soit les bio-pesticides. Leurs champs font l’objet de contrôles réguliers par des techniciens de l’Agricultural Research and Extension Unit (AREU) qui s’assurent que les normes soient respectées et qu’ils ne récidivent pas. Cependant, nous apprenons qu’en dépit de ces inspections, de l’encadrement fourni aux planteurs, des conseils prodigués sur le bon usage des pesticides et de la sensibilisation à leurs effets résiduels sur les légumes et fruits, les sols et l’environnement, certains planteurs continuent de faire un usage excessif de pesticides.
Ces constats pour le moins inquiétants ont poussé le gouvernement et le ministre de l’Agro-industrie à faire de ce projet de Plan d’action une priorité. Un High Level Steering Committee, sous la présidence du Secrétaire permanent de ce ministère, est en voie de constitution pour revoir la liste des pesticides importés et commercialisés à Maurice. Ce comité sera chargé de dresser un répertoire de pesticides, fertilisants chimiques, fongicides, insecticides et herbicides qui peuvent être retirés du marché, soit immédiatement soit de manière graduelle. Il comprendra les représentants des institutions suivantes : Dangerous Chemicals Control Board ; AREU ; Small Farmers Welfare Fund ; Chambre d’Agriculture ; MSIRI ; Assemblée Régionale de Rodrigues ; Small Planters Association, ainsi que des hauts cadres de l’Agro-industrie et le Chief Agricultural Officer. Les produits ciblés seront surtout ceux connus pour leur association à certains types de maladies tels les cancers ou autres, et leur degré élevé de toxicité sous le classement établi par l’Organisation mondiale de la Santé. Le comité devra élaborer un plan d’action pour promouvoir l’agriculture écologique avec l’accent sur la réduction des pesticides y compris une approche intégrée de gestion des pestes, qui soient plus durables. Le ministère recherchera également l’assistance technique de la FAO pour préparer ce plan d’action.
Cancers et Alzheimer
Le pays compte environ 12 000 petits planteurs et enregistre une production variant entre 115 000 et 118 000 tonnes de légumes frais chaque année. Les autorités sont conscientes de la nécessité de protéger les cultures contre les maladies et les planteurs contre les risques de pertes de leurs récoltes, mais estiment qu’un contrôle parallèle est impératif pour prévenir les effets néfastes de pratiques abusives sur l’environnement et sur la santé humaine.
Des recherches médicales sur le plan international ont montré que le recours abusif aux pesticides est dangereux et peut causer plusieurs types de cancers. À Maurice, le taux de mortalité dû aux cancers est en hausse (près d’un millier annuellement et troisième cause de mortalité), alors que le nombre inquiétant de cancers de la bouche, du pharynx, de l’oesophage, de l’estomac et du colon, recensés depuis quelques années, interpelle des professionnels de la santé qui s’interrogent sur une possible relation de cause à effet entre les pesticides et ces affections. Outre ces types de cancers, les pesticides pourraient être une cause de la maladie d’Alzheimer et peuvent avoir des effets néfastes sur la formation des foetus, alors que nombre d’études à l’étranger ont établi des liens entre le recours abusif des pesticides aux effets désastreux sur les systèmes nerveux, reproducteurs et endocriniens.
Sur le plan environnemental, l’épandage non contrôlé des pesticides affecte également les rivières et les lagons. Leurs résidus sont charriés par les ruissellements après les grosses pluies, détruisant la vie aquatique et l’équilibre de l’écosystème. De même, l’infiltration de résidus de pesticides dans le sol est susceptible d’affecter l’eau potable fournie par les nappes phréatiques.
Conteneurs de pesticides abandonnés dans la nature
“Minimisation and Safe Disposal of Pesticide Waste” est un intéressant projet implémenté entre 2007 et 2009 par l’Association of Producers and Exporters of Horticultural Products of Mauritius (Apexhom). Mené sur une base pilote, il avait reçu le soutien financier du GEF Small Grants Programme mis en oeuvre par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Le but, indique Raïfa Bundhun, secrétaire générale de l’ONG, était de faire une évaluation parmi les planteurs de produits horticoles du pays (mais aussi d’autres utilisateurs tels que les importateurs, revendeurs, opérateurs de parcours de golf et hôtels) sur leurs manières de se débarrasser des conteneurs de pesticides vides. Il visait aussi à aider les planteurs à se conformer aux exigences de la loi nationale et des marchés d’exportation en termes de protection de l’environnement. Il s’agissait plus spécifiquement d’encadrer les participants et de leur fournir les techniques et les facilités visant à minimiser et à se débarrasser de manière sécurisée des déchets provenant de l’utilisation des pesticides. Les résultats d’un questionnaire préliminaire aux planteurs participants avaient montré que les conteneurs de pesticides vides ou usagés étaient soit abandonnés dans les champs soit jetés ensemble avec les déchets ménagers.
Recyclage
Le projet consistait à placer dix collecteurs spéciaux dans des endroits spécifiques accessibles aux planteurs à travers le pays en vue de recueillir des “triple-rinsed plastic containers” destinés au recyclage par une usine participante. Parallèlement, des formations étaient organisées pour sensibiliser les planteurs à l’usage sécurisé de pesticides, à l’importance du triple rinçage des conteneurs vides et des moyens sécurisés de s’en débarrasser. Cependant, si les planteurs étaient favorables à l’idée d’acheminer leurs conteneurs de pesticides vides aux points de ramassage indiqués, quelques-uns seulement devaient respecter le critère du triple rinçage. Cette lacune a compliqué la tâche de l’acheminement vers l’usine de recyclage. Le projet a connu un succès mitigé pour les raisons précitées, mais également dû au fait que le ramassage par l’usine ne s’est pas fait de manière régulière. Résultat : devant les collecteurs débordés, les planteurs ont commencé à abandonner leurs conteneurs sur place…
De même, des sacs en plastique spéciaux avaient été commandés pour l’emballage des conteneurs de produits chimiques périmés, mais en l’absence de facilités pour l’entreposage de déchets dangereux à Maurice, ces produits chimiques périmés n’ont pas été collectés et se trouvent toujours, selon l’Apexhom, chez leurs utilisateurs. L’Apexhom indique qu’une organisation regroupant des importateurs et des revendeurs de pesticides a signifié son intérêt d’implémenter un Container Management Programme et de reprendre ce projet pilote avec une compagnie partenaire souhaitant créer une usine de recyclage de conteneurs de pesticides vides.
Stockage
L’association n’a pas pour autant abandonné son projet de trouver une solution quant aux façons sécurisées de se débarrasser des Polluants organiques persistants (POP) à Maurice. Elle est membre du Steering Committee du Sustainable Management of POPs in Mauritius du ministère de l’Environnement, un projet financé par la Global Environment Facility (GEF). L’Apexhom estime que toute solution trouvée pour les POPs pourrait aussi apporter son aide au volet “responsible care” du programme à travers des formations sur le thème du “Safe chemical use and safe disposal”.
À ce jour il n’existe à Maurice aucune facilité de stockage de tels produits. En 2012, le ministère des Collectivités locales a lancé une initiative demandant aux industries manufacturières, agricoles et des services de faire une évaluation du volume de leurs déchets chimiques solides et liquides en vue de la création d’une Interim Hazardous Waste Storage Facility à La Chaumière, comme lieu de transit avant leur exportation.

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