Alan Wright : « Sommes-nous armés face à une flash-flood?»

« Plusieurs familles des victimes fondent beaucoup d’espoir sur l’action entrée en cour et attendent une compensation pour leurs pertes humaines »

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Ce vendredi 30mars,Maurice se souviendra, pour la 5e année, de Sylvia Wright et de son fils, Jeffrey, mais aussi de Keshav Ramdharri, des frères Amrish et Trishul Tewary, de leur cousin, Vikesh Khoosye, de Simon Henriette, de Rabindranath Bhobany, de Vincent Lai Kin Wong Tat Chong, de Retnon Navin Sithanen et de Christabel Mooghen. Ces 11 Mauriciens sont décédés le 30 mars 2013 quand une “flash flood” meurtrière avait subitement déferlé sur la capitale. Un projet de loi, le Pouce Stream (Amendment) Bill, lu en première lecture ce 27 mars à l’Assemblée nationale, est venu relancer le débat sur une dangereuse montée des eaux, pour ne pas dire fatale, à Port-Louis. Alan Wright, parent de victimes de l’inondation meurtrière et porte-parole des autres familles, fait état des « vives inquiétudes » et des « appréhensions » de tous ceux concernés.

Les grosses pluies qui caractérisent le temps à Maurice depuis le début de cette année suscitent « une foule d’interrogations et de craintes », indique Alan Wright. L’époux de Syl- via Wright et père de Jeffrey, qui ont tous deux perdu la vie dans les inondations du 30 mars 2013, est aussi depuis le porte-parole des neuf familles concernées par ce drame. Technicien de carrière, spécialisé en Building & Civil Engineering, Alan Wright a travaillé dans le public et dans le privé. « Le climat change constamment et on n’a aucune manière de prédire ce qui peut arriver », poursuit notre interlocuteur. « Cette année plus que jamais, nous avons eu un “échantillon” de ce que les grosses pluies peuvent entraîner comme dégâts dans leur sillage ! Heureusement, il n’y a pas eu de morts à déplorer. » Mais, s’insurge Alan Wright, « qu’est-ce qui a été fait concrètement ces cinq dernières années pour qu’aux prochaines “flash floods” comme celle du 30 mars, on ne dénombre de nouvelle victimes ? ».

Sans vouloir être « injuste ou amer », l’homme fait remarquer : « Nous sommes très en retard sur plusieurs plans. Il était attendu qu’après ce qu’il s’est passé en 2013, on sous-entendant gouvernement, secteur privé mais aussi la société civile – allait rectifier le tir. Mais valeur du jour, on piétine toujours. Nous n’avons pas bougé d’un iota en diverses matières, dont l’éducation civile. Nous avons en 2018 toujours des enfants et des adultes qui, quand ils ont consommé une boisson gazeuse, de l’eau en bouteille par exemple, ont comme réflexe premier de la jeter n’importe où, sans se donner la peine de chercher une poubelle ! » De fait, ajoute-il, « si au lendemain du 30 mars 2013 les autorités avaient retiré plus de 80 tonnes de déchets des rivières et autres cours d’eau à Port-Louis qui obstruaient le passage de l’eau et avaient entraîné la montée dangereuse des eaux, il y a fort à parier qu’aujourd’hui, nous avons dépassé ces 80 tonnes ». Et notre interlocuteur de noter : « Ça donne froid dans le dos rien que d’y penser. Sommes-nous prêts pour une autre “flash flood” ? Sommes-nous armés en conséquence pour y faire face et ne pas y laisser des vies humaines ? » Alan Wright rappelle : « Certes, un certain développement a été réalisé dans les parages du Port-Louis Waterfront en 2013 en termes de drains et de “non return valves”. Mais quel est l’action de suivi et de “monitoring” qui est fait pour s’assurer qu’il y ait un entretien régulier de tout cela?»
« Cinq années se sont écoulées. Nos cœurs et nos familles sont toujours aussi meurtries qu’au lendemain de cette catastrophe. Et bien peu de choses ont changé, hélas ! Prenons le cas du bâtiment en construction au Caudan, dans le cadre de sa phase de développement. L’immeuble en question avait déjà atteint trois niveaux quand cette demande de construction touchant le Ruisseau du Pouce a été faite du Caudan Ltd au ministère du Logement et des Terres. Est-ce qu’il s’agit là simplement d’une procédure “pour la forme” ? Est-ce qu’il n’y au- rait pas dû y avoir une étude scientifique au préalable pour identifier d’éventuelles risques auxquelles seront exposées le public quand ce bâtiment sera réalisé ? », confie Alan Wright, qui ne cache pas ses craintes. « En l’absence d’informations claires et précises, on ne sait ce qui est préconisé dans l’éventualité où une autre inondation frappait la capitale. Qu’adviendra-t-il de ceux qui se trouveraient à ce moment-là dans les parkings et sous-terrains par exemple ? Quelles précautions ont été prises à l’égard du public ? »

Le porte-parole des victimes reprend un argument qui lui est cher : « Dans le sillage du drame de mars 2013, on s’attendait à une foule de mesures destinées à corriger les erreurs qui ont coûté la vie à dix Mauriciens et pour que cela ne se reproduise plus jamais. Il aurait fallu un cahier des charges identifiant, par exemple, les failles et les faiblesses qui font que Rabindranath Bhobany et Vincent Lai Kin Wong Tat Chong ont péri dans le stationnement souterrain, mais aussi dans les tunnels menant au Caudan, qui ont coûté la vie à cinq autres personnes, dont ma femme et mon fils, les frères Tewary et le fils Ramdharri. Mais rien n’a été fait ! On en est encore au même stade qu’en 2013, avant la “flash flood” ! »

Dans le même souffle, Alan Wright fait ressortir que plusieurs familles des victimes,
« comme Mme Tewary, qui a perdu ses deux fils, Amrish et Trishul, et les Ramdharri, qui ont perdu Keshav », sont inconsolables. « Ces garçons étaient le support principal de leurs familles. Depuis leurs disparitions, ces familles sont très durement éprouvées. » Raison pour laquelle, selon lui, ces familles fondent « beaucoup d’espoir » sur l’action entrée en cour dans cette affaire. « Elles espèrent avoir accès au moins à une certaine compensation qui les aidera à garder la tête hors de l’eau. »

Par ailleurs, notre interlocuteur revient sur les provisions légales, « telle la Ferrière Act qui stipule que dès qu’il y a 30 cms d’eau qui se sont accumulés, l’ancienne State
Property Development Company (SPDC) avait le pouvoir, et le devoir, d’évacuer, de gré ou de force, toute personne se trouvant susceptible d’être noyé ou emporté par la montée des eaux, à ce moment- là. Ce qui n’a pas été fait. Ce “pouvoir” a été transféré à la police, et c’est maintenant aux éléments de la SMF d’être en “stand by” dans les “dark spots”.» Or, note M. Wright, «avec les pluies de cette année, on a vu que ces “dark spots” ne sont pas centralisées uniquement à Port-Louis : plusieurs autres régions du pays sont toutes aussi à risques !» Ce qui implique, donc, conclut notre interlocuteur, «plus de vigilance partout désormais, dans le pays !»

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