ALLAMA MAULANA QAMARRUZAMAN AZMI ET LE DR WAQAR AZMI : « La violence et la guerre n’ont rien à faire avec la pratique religieuse »

Le Maulana Qamarruzaman Azmi, secrétaire de la World Islamic Mission International en Grande-Bretagne, est à Maurice depuis lundi pour une visite de quatre jours. Il est accompagné de son fils le Dr Waqar Azmi. Ce dernier est actuellement ambassadeur de l’Union européenne pour le dialogue interculturel. Il est également gouverneur de la Birmingham City University et a été le principal conseiller en matière de diversité auprès du gouvernement britannique. Le Mauricien les a rencontrés.
Pouvez-vous nous parler de votre visite à Maurice ?
Allama Maulana Qamarruzaman Azmi : Nous sommes à notre première visite à Maurice avec qui nous entretenons des relations depuis 35 ans. Notre grand leader Shah Ahmed Noorani Siddiqui avait l’habitude de venir ici. Il a fait beaucoup de travail dans ce pays. C’est très émouvant de venir ici et de voir le travail qu’il a accompli. Il nous faut améliorer son travail dans votre pays.
Vous êtes très actifs en Grande-Bretagne. Pouvez-vous nous parler de la situation de l’islam dans ce pays ?
En Grande-Bretagne, la situation des musulmans est très bonne. Plusieurs écoles, collèges et mosquées ont été créés au service de l’islam. Ils travaillent beaucoup et sont très actifs également dans le domaine politique. L’avenir des musulmans en Grande-Bretagne est brillant.
Pourtant, les musulmans en Grande-Bretagne ont parfois été victimes de « muslim bashing » ?
Ce n’est pas seulement en Grande-Bretagne qu’on a vu de tels cas. On le voit dans beaucoup d’endroits dans le monde. Malgré cela les musulmans continuent à oeuvrer dans la sincérité, l’amour et la sagesse.
C’est une façon de répondre à ces attaques ?
Vous savez, nous ne sommes pas des gens de réaction, nous sommes des gens d’action. Nous essayons de donner le meilleur exemple en tant que musulmans en agissant selon les enseignements de l’islam.
Les médias internationaux parlent constamment de ce qui se passe à Gaza, en Irak, en Syrie etc. Comment réagissez-vous par rapport à ce qui se passe dans ces pays ?
Tout cela relève de la politique. Ils n’appartiennent pas à l’islam à proprement parler. Je ne sais qui sont ceux qui sont derrière ces turbulences. Des gens ont apparu subitement sur la scène en Irak alors qu’ils n’étaient pas dans ce pays auparavant. Pour cette raison nous ne savons pas grand-chose d’eux. Vous savez que l’islam n’encourage pas la guerre. C’est une religion qui prêche la paix et l’amour pour tout le monde. Nous ne sommes pas d’accord avec ce que certains font subir aux chrétiens et aux autres non-musulmans en Irak. Ce ne sont pas des musulmans parce que l’islam enseigne l’importance d’assurer une bonne place en société pour toutes les personnes de toutes les religions.
L’intervention israélienne à Gaza a également été condamnée dans le monde ?
Encore une fois ce qui se passe à Gaza n’a rien à faire avec la religion. Ni le judaïsme, ni le christianisme, ni l’islam n’enseignent la violence contre son prochain. Toutes les religions enseignent la nécessité d’aider son voisin. Un des principaux enseignements de l’islam est que si on n’aide pas son voisin qui est dans le besoin, on n’est pas un musulman. Ce que font les Israéliens à Gaza est indéfendable. Comment peut-on dormir tranquille alors qu’on massacre des centaines d’enfants, qu’on bombarde les écoles, les centres de refuge et les centres de l’ONU à Gaza. Encore une fois j’affirme que cela n’a rien à faire avec la religion, c’est la lutte pour le pouvoir politique. Ce n’est pas un hasard si dans toutes les grandes capitales du monde des milliers de personnes toutes religions confondues sont descendues dans les rues pour condamner les actes israéliens à Gaza. Souhaitons que la paix revienne et que le peuple palestinien puisse vivre en paix.
Dr Waqar Azmi, vous accompagnez votre père dans sa mission à Maurice. Vous avez également été conseiller du gouvernement britannique en matière de diversité religieuse et êtes actuellement ambassadeur européen pour le dialogue interculturel. Pouvez-vous nous en parler ?
Dr Waqar Azmi : J’ai été le principal conseiller du premier ministre britannique en matière de diversité. J’ai aussi été l’ambassadeur de l’Union européenne pour le dialogue interculturel. J’accompagne son éminence dans sa mission à travers le monde. Je suis heureux de voir cette diversité qui existe à Maurice. C’est un beau multiculturalisme. Il nous faut rendre hommage aux personnes ordinaires qui vivent dans ce pays. Vous respectez les différentes fois et les différentes communautés. This is what humanity is about. Il ne faut pas promouvoir la négativité concernant la culture des autres. En tant qu’humain, il ne faudrait pas avoir de la place pour de tels sentiments. Nous devons aimer notre voisin. C’est une valeur enseignée par toutes les religions. Ce que je vois ici me rend immensément heureux.
Les autres pays peuvent apprendre beaucoup de Maurice. Maurice est une belle île qui a un multiculturalisme florissant. Les gens respectent la différence de l’autre, mais sont aussi capables de travailler ensemble comme des êtres humains. C’est une leçon que Maurice peut enseigner au monde y compris en Europe où certaines idéologies divisionnistes sont véhiculées par des extrémistes.
En tant qu’ambassadeur européen pour le dialogue interculturel, comment pensez-vous qu’on doit procéder pour encourager la compréhension entre les cultures ? Doit-on commencer dès l’enfance ?
Quand on observe la société, on voit qu’on apprend à tout âge. Mais, il est nécessaire d’inculquer des valeurs telles que le respect et la tolérance aux enfants et la famille y joue un rôle très important. Quand on regarde les familles à travers le monde, on remarque que très souvent, à l’heure du dîner, les discours racistes ressortent. Certaines personnes affirment avoir la foi, mais elles ont un double visage : un bon visage qu’elles présentent en public ; et un autre, plein de racisme et d’intolérance, lorsqu’elles sont à la maison. Cela ne doit pas exister parce qu’il faut savoir que les enfants apprennent de leurs parents et font comme eux. Il est vrai que l’école a un rôle important à jouer, mais les familles et les amis doivent s’assurer qu’ils soient des exemples pour leurs enfants parce que c’est eux les bâtisseurs de la société de demain. Les leaders de la communauté de même que le gouvernement ont une responsabilité collective.
Pensez-vous que tout le monde doit connaître les valeurs de chaque religion et la religion de l’autre ?
Nous vivons dans un espace partagé et le monde est petit. On ne peut pas éliminer un groupe ou une religion. Beaucoup ont essayé dans le passé. La seule manière de pouvoir vivre ensemble est de s’assurer qu’il y a le respect de l’autre, c’est une valeur commune à l’ensemble de l’humanité. Le prophète Mohammed (SAW) dit qu’un musulman qui dort l’estomac rempli à côté de son voisin qui a faim n’est pas un musulman. Dans les hadiths, il dit aussi qu’un musulman qui met la vie de son voisin en danger en raison de ses actions ou son comportement n’est pas un musulman. Ce sont les enseignements de l’islam. Il y a des enseignements dans toutes les religions que nous devons acquérir et mettre en pratique. Il nous faut comprendre que nous sommes sur la terre pour faire le bien et non le mal, qu’on ne peut pas par gourmandise s’enrichir tout en bafouant les droits des autres êtres humains. Nous avons cette responsabilité de faire le bien et il nous faut nous concentrer dessus.
Lorsqu’on voit la montée de l’intolérance et du nationalisme dans certains pays, est-ce que les religions ont failli à leur tâche ?
Je ne crois pas que les religions ont failli, mais certains chefs religieux ont des agendas particuliers qui vont à l’encontre de ce que prônent les religions. Vous ne pouvez pas être l’ambassadeur d’une religion si vous faites une mauvaise utilisation de ses enseignements. C’est ce que font certains et nous devons être vigilants. Nous devons être confiants de ce que nous sommes afin de pouvoir rejeter ce genre d’idéologie.
Mais ce sont des groupuscules qui ont tendance à attirer les plus vulnérables de la société…
Cela commence dans la famille. Lorsque l’enfant grandit, il peut être influencé par des forces extérieures et être entraîné dans le monde de la drogue et de la criminalité. Le rôle des parents est de les protéger et de les guider. La société a cette même responsabilité. Nous croyons dans la bonté indépendamment de notre foi et même si nous n’en avons pas puisque c’est une valeur intrinsèque à l’humanité. Quand on est sujet à des influences, il faut qu’on puisse les reconnaître comme allant à l’encontre de ce qui est bien et les rejeter. Nous avons une responsabilité partagée de rejeter l’extrémisme et le mal sans pour autant blâmer l’ensemble d’une communauté. We must not blame the whole faith or community, isolate those people. If you isolate them, they will have no space to breath and if you don’t give them space to breath in, they will stop to exist.
C’est une mission sans fin ?
Ça l’est, mais il faut être positif et garder espoir. Et en tant qu’être humain, nous devons avoir l’espoir en l’humanité quelle que soit notre appartenance. Le saint prophète Mohammed (SAW) a dit qu’il n’y a pas de supériorité entre les hommes. Ce qui l’est, c’est la sincérité et la pureté du coeur. Si on continue à promouvoir la bonté, il y a de l’espoir qui est une valeur commune à toute l’humanité. On doit être optimiste et que chacun joue son rôle pour créer une meilleure société.
Quelle est la place de la femme en islam ?
La femme a une place très importante en islam et on l’a vu à travers l’histoire. C’est seulement ceux qui ne la comprennent pas, ceux qui ont d’autres objectifs ou les islamophobes qui ont tendance à promouvoir une image négative de la femme en islam. Ils parlent alors d’inégalité, d’oppression et de dégradation. Je dis toujours aux gens : allez sur internet et instruisez-vous sur l’islam.
Dans les hadiths, le prophète Muhammad dit : « He who takes his needs of her before fulfilling her needs of him is not a muslim ». Ailleurs, il est dit que l’homme et la femme ont des droits égaux l’un sur l’autre. Il est du devoir de tout un chacun de s’assurer que cette égalité est respectée.
Nous avons vu dans l’histoire islamique le rôle important joué par les femmes, dont Fatima, la fille du saint prophète Mohammed et Aicha, son épouse.
Nous remarquons aussi que dans des pays islamiques comme le Bangladesh, une femme a été Premier ministre alors qu’ailleurs, en Europe par exemple, cette égalité est arrivée sur le tard. Il ne faut pas regarder l’islam à travers les lunettes de la négativité, mais avec un esprit ouvert. Avant l’islam, les femmes n’avaient aucun droit : ni d’être propriétaire, ni de prendre des décisions. L’islam est arrivé et y a mis de l’ordre en leur donnant le droit d’être propriétaire et de participer pleinement à la vie de la famille et de la société. Il est important pour la communauté qu’on continue à défendre ces droits et qu’il n’y ait pas d’abus. S’il y a des abus, ce n’est pas à cause de la religion, mais parce que l’homme est l’homme et il peut être mauvais. C’est son comportement propre et ses actions.
Quelle est la place de l’islam aujourd’hui dans le monde ?
Allama Azmi : La place de l’islam est très brillante. Je ne parle pas de la politique et du pouvoir, mais de l’islam en tant que religion. Il y a beaucoup de gens qui s’instruisent et pratiquent l’islam.
Quel message avez-vous pour les Mauriciens ?
Allama Azmi : Soyez un bon musulman et un bon citoyen. C’est en étant un bon musulman, un bon chrétien ou un bon hindou que vous pouvez être un bon citoyen.

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