ALVARO SOBRINHO SAGA : Xavier Duval réclame une commission d’enquête

Exceptionnellement, les échanges sur la Private Notice Question du jour du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, consacrée à l’Alvaro Sobrinho Saga, ont duré environ une heure. Cela en raison de la longueur de la réponse liminaire du Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui a englouti les trente minutes privées officiellement. Le leader de l’opposition a insisté sur la nécessité d’instituer une commission d’enquête en vue de faire la lumière sur les dessous des moyens financiers de cet homme d’affaires portugais au centre de controverses sur le plan international et surtout pour faire la lumière sur ceux qui ont exercé des pressions sur les institutions à Maurice en vue d’octroyer des permis et des licences de manière expresse à cet investisseur. Il a ajouté que « Alvaro Sobrinho a trouvé avec ces appuis un soft spot à Maurice et a exploité le subterfuge d’une organisation charitable pour s’engager dans des opérations présumées de blanchiment de fonds ».
Le Premier ministre a rejeté cette demande pour une commission d’enquête en déclarant qu’il n’y a jamais eu d’interventions de la part de politiciens et de ministres et que la Financial Services Commission a opéré en toute indépendance. Dans la première partie de sa réponse, il a repris des informations connues au sujet des déboires d’Alvaro Sobrinho avec les autorités au Portugal, en Angola et en Suisse. Il a répété que cet homme d’affaires a déjà été « cleared ». Il a révélé qu’en 31 occasions depuis 2015, dont 21 fois avec des membres de sa famille et ses proches collaborateurs, le confident de la présidente de la république a bénéficié de facilités au VIP Lounge du Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport. Les demandes avaient été logées par les soins de la présidence de la république et approuvées par le Prime Minister’s Office. Pravind Jugnauth a été pris à contre-pied par le leader de l’opposition au sujet des investissements d’Alvaro Sobrinho à Maurice dans l’immobilier. Initialement, il avait révélé que le patron d’ASA Group avait investi Rs 52 millions dans l’acquisition d’une villa IRS à Royal Park Balaclava en date du 16 novembre 2016 et Rs 4,5 millions dans deux portions de terrain à Ébène pour un projet de Science Park avec un immeuble de sept étages. Xavier Duval devait soutenir que cet investisseur controversé aurait déjà investi au moins Rs 1 milliard dans 131 villas à Royal Park selon la formule VEFA. « Ça se sait », devait-il s’appesantir.
La deuxième PNQ du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, et la première adressée à Pravind Jugnauth, en sa capacité de Premier ministre, qui était consacrée aux activités d’Alvaro Sobrinho à Maurice, s’est déroulée dans une ambiance survoltée, nécessitant l’intervention à plusieurs reprises de la Speaker pour rappeler les uns et les autres à l’ordre et pour faire des appels répétés au calme. Le ton a été donné dès l’arrivée de la Speaker dans l’hémicycle lorsque les députés du PMSD et du Ptr ont refusé de se mettre debout, contrairement à ceux du MMM, du MP et de la députée indépendante Danielle Selvon. Tout l’exercice devait se dérouler dans une ambiance agitée pour se terminer par un affrontement verbal entre Mahen Jugroo et Showkutally Soodhun contre Roshi Badhain. D’une “sitting position”, un parlementaire de la majorité a lancé que Roshi Badhain avait reçu Alvaro Sobrinho le 15 janvier dernier, auquel le VPM Showkutally Soodhun a ajouté ses commentaires, provoquant la colère de Roshi Bhadain, ce dernier affirmant que Showkutally Soodhun « ne perd rien pour attendre » car il compte évoquer plusieurs dossiers, dont ceux concernant l’Arabie saoudite.
La PNQ du leader de l’opposition portait sur Alvaro Sobrinho et son groupe de compagnies. Il a demandé au Premier ministre si une enquête a été effectuée sur la source des fonds du principal concerné, de donner les raisons pour lesquelles l’Investment Banking a été transféré de la Banque de Maurice à la Financial Services Commission. Il a également souhaité obtenir des informations concernant les licences et les permis  obtenus du BoI dans le cadre de l’Hotel Investment Scheme, du Real Estate Scheme, de l’Integrated Resort Scheme et du Property Development Scheme ainsi que par d’autres régulateurs financiers. Il a également voulu avoir des informations sur les permis accordés aux termes de la Non-Citizens Property Restrictions Act et sur les facilités VIP, et de dire si une commission d’enquête sera instituée pour enquêter sur tous ces éléments.
La banque centrale consultée
Dans sa réponse, le Premier ministre a accueilli favorablement la question du leader de l’opposition qui, a-t-il affirmé, « permettra de faire la lumière sur différents aspects du dossier » concernant l’affaire Sobrinho et d’éclaircir la perception entretenue par l’opposition afin de discréditer le gouvernement.
Pravind Jugnauth a expliqué que la FIU, la FSC et la BoM ont entrepris une série d’enquêtes et ont fait des “due diligence” concernant la provenance des fonds d’Alvaro Sobrinho et de ses compagnies. De plus, les banques commerciales ont également fait leurs propres enquêtes avant d’accepter de traiter avec les compagnies d’Alvaro Sobrinho. Puisant dans un communiqué diffusé par la FSC, le Premier ministre   est revenu sur les « applications » faites par la compagnie d’Alvaro Sobrinho. C’est ainsi que la FSC a reçu les demandes suivantes : a) pour AS African Asset Management Ltd le 18 août 2015 pour une “Category 1 Global Business Licence”, une “CIS Manager Licence” et une “Investment Adviser (Unrestricted) Licence” le 14 mars 2016; b) de l’ASA Fund le 18 août 2015 pour l’opération d’une  “Category 1 Global Business Licence” et pour l’autorisation d’opérer comme un “Collective Investment Scheme” et, le 17 mars 2016, pour être converti en un “Closed-End Fund”; c) du PASET Fund le 18 août pour une “Category 1 Global Business Licence” et pour une autorisation d’opérer comme un “Collective Investment Scheme” et, le 17 mars 2016, pour le convertir en un “Closed-End Fund”; et d) d’Alvaro Sobrinho Africa Ltd le 29 septembre pour “Investment Banking”. Pravind Jugnauth a expliqué que « toutes les applications ont été soutenues par tous les documents nécessaires », y compris des documents constitutifs; des “customer due diligence” sur les promoteurs, les propriétaires véritables, les actionnaires et directeurs; les prospectus; et le contrat d’administration, entre autres.
Le Premier ministre a également rappelé les démêlés d’Alvaro Sobrinho avec la justice angolaise, comme évoqué par le communiqué de la FSC. Mais à la suite des informations obtenues en février dernier concernant « the ongoing investigation by the Portuguese Criminal Investigation and Penal Action Department (DCIAP) has reportedly uncovered a pattern of unsecured loans by BESA (…) and the recipients of these loans without collaterals belonged to the Espirito Santo Group, to companies linked to Alvaro Sobrinho (…) Former DCIAP prosecutor Orlando Figueira was (…) arrested by PJ Police on suspicion that he “received bribes up to a million euros” to ensure lawsuits involving on high-ranking figures in Angola was archived. According to reports, Figueira is believed to have ordered the closure of as many as 10 cases – including that of former president of BES Angola, Alvaro Sobrinho. » De plus, après avoir appris que le “prosecutor” fait l’objet de poursuites « for wrong doings » par rapport à sa décision de ne pas poursuivre Alvaro Sobrinho, la FSC a demandé que les compagnies de Sobrinho ne commencent pas leurs opérations « without the prior clearance of the Chief Executive ».
Not justified
Le Premier ministre a également expliqué les circonstances dans lesquelles il a décidé de transférer la responsabilité d’Investment Banking de la BoM à la FSC. Il a expliqué que « c’est le ministre de la bonne gouvernance d’alors » qui avait fait la demande et soumis une série de propositions, poursuivant que la banque centrale ainsi que le SLO avaient été consultés avant qu’il n’introduise cette décision dans le Finance Bill. Et d’expliquer les circonstances dans laquelle l’Investment Banking opérait avant de faire comprendre qu’un Investment Banking ne pouvait d’aucune manière se lancer dans les activités d’une banque commerciale.
Concernant des transactions immobilière d’Alvaro Sobrinho, il a confirmé que ce dernier et son épouse  ont fait l’acquisition d’un terrain dans le Royal Park pour un montant de Rs 52 M après avoir obtenu l’autorisation du bureau du Premier ministre. Aucune transaction n’a été effectuée dans le cadre des plans évoqués par le leader de l’opposition. Il a aussi fait mention de la création de la compagnie Vango, qui a fait l’acquisition de deux parcelles de terrain à Ébène en vue de la création d’un parc industriel, de la construction d’un bâtiment de sept étages pour les activités de la compagnie d’Alvaro Sobrinho.
Concernant les facilités VIP à l’aéroport, Pravind Jugnauth a indiqué que Alvaro Sobrinho a eu des facilités VIP à l’aéroport 31 fois. En 21 occasions, il a eu accès à l’aéroport en compagnie de son épouse et ses associés.
Le Premier ministre a conclu son intervention en affirmant qu’en tenant compte des différentes enquêtes en cour incluant celle menée par le CCID concernant l’utilisation non autorisée de certaines personnes pour obtenir un permis d’opération, il n’y avait pas lieu d’instituer une commission d’enquête. « I consider that the setting up of commission of enquiry is not justified », a-t-il dit.
XLD : Je voudrais faire comprendre d’entrée de jeu que je ne compte pas entraîner la présidente de la république dans cette controverse. Toutefois, je note que les 30 minutes allouées à la PNQ ont déjà été épuisées…
Speaker : J’ai déjà dit que je vais accorder du temps additionnel pour les interpellations supplémentaires. De ce fait, il n’est nullement besoin de revenir là-dessus…
XLD : Nous traitons du dossier d’Alvaro Sobrinho, quelqu’un qui est soupçonné du délit de blanchiment de fonds sur le plan international, dans des fraudes massives avec l’écroulement d’une banque à l’étranger avec plus de cinq milliards engloutis…
À ce stade, des brouhahas se font de nouveau entendre, notamment des rangs du gouvernement avec une nouvelle intervention de la Speaker, qui demande au leader de l’opposition de ne pas abuser de la marge de manoeuvre qui lui est accordée pour étayer ses dires et mieux articuler sa question.
XLD : Je ne suis pas en train de faire des abus. Dans sa réponse liminaire, il a tout dit sauf ce qu’il fallait dire. It’s not a question of being convicted. C’est une question de réputation. Il y a le concept de Fit and Proper Person. (Il cite des extraits des règlements régissant le secteur des services financiers.) C’est pourquoi je demande au Premier ministre d’expliquer comment un homme avec une telle réputation notoire, voire un International Crook, n’a pas été soumis au test de Due Diligence en vue de sauvegarder la réputation de ce secteur ?
Le Premier ministre défend l’indéfendable.
Jugnauth : Les autorités n’ont aucunement outrepassé les procédures en cours. Les guidelines ont été suivies à la lettre après les applications. Aucune décision n’a été entérinée en infraction des principes. À l’époque où les permis ont été alloués, il n’y avait rien de compromettant à l’encontre d’Alvaro Sobrinho.
XLD : Après la mort, la tisane. He is a person of vile reputation. Il a bénéficié d’appuis qui ont exercé des pressions sur la FSC et le BOI pour que les permis soient octroyés dans un minimum de délai ?
Jugnauth : S’il sait qui s’est ingéré en faveur d’Alvaro Sobrinho, pourquoi ne révèle-t-il pas les détails. Je ne suis en présence d’aucune information d’interventions de politiciens ou de ministres. Now the leader of the opposition has new friends, probably he has his information.
XLD : Il ne perd rien pour attendre. Le Deputy Prime Minister n’a-t-il pas déclaré qu’il a regardé Alvaro Sobrinho dans le blanc des yeux et qu’il n’y a aucun cas de blanchiment de fonds et que les fonds en question proviennent de la richesse familiale de cet homme. It’s not that obvious that it is putting pressure on the FIU ?
Jugnauth : Je ne sais pas ce qu’a déclaré le Deputy Prime Minister. But he is fully entitled to his opinion…
La réponse du Premier ministre est interrompue par des brouhahas avec un nouveau rappel à l’ordre de la Speaker de l’Assemblée nationale.
Jugnauth : …Ce que dit un politicien, même un ministre, n’a aucune influence sur les institutions. Not at all. Je peux rassurer que les enquêtes se font de manière indépendantes…
XLD : Le Premier ministre défend l’indéfendable. Pas plus tard qu’hier soir, le même DPM avait déclaré à la presse qu’il n’allait pas commenter l’affaire Vijaya Sumputh pour ne pas mettre des pressions sur l’enquête qui a été initiée…
Des protestations se font entendre dans les rangs du gouvernement avec la Speaker demandant au leader de l’opposition de s’en tenir à la teneur de la PNQ.
XLD : I don’t know what’s wrong with you. C’est une pratique de deux poids deux mesures. Avec Alvaro Sobrinho, ce sont des milliards qui ont été « missing » et le Deputy Prime Minister trouve que « he is clean ».
La Speaker intervient énergiquement, rappelant au leader de l’opposition : « I will not allow this ». L’ambiance dégénère au sein de l’hémicycle avec des rappels à l’ordre adressés à Aurore Perraud, Showkutally Soodhun et Mahen Jhugroo, entre autres.
XLD : Dans sa réponse, il n’a pas mentionné d’investissements d’Alvaro Sobrinho dans l’immobilier. I’m surprised ; the Prime Minister has not mentioned huge investments of Sobrinho in Royal Park ?
Des protestations montent au sein de l’hémicycle.
Jugnauth : This is the information that I’ve got. Si vous avez d’autres informations, il faut les révéler. On m’a fait comprendre qu’il n’y a pas d’autres demandes d’acquisitions immobilières.
XLD : Il aurait dû être au courant que Sobrinho a investi selon la formule VEFA dans 131 villas à Royal Park, soit au coût de plus de Rs 1 milliard…
Jugnauth : Si vous avez les preuves, déposez-les sur la table de l’Assemblée nationale.
XLD : Je dis bien 131 villas. C’est un fait et nullement question pour mois d’induire la Chambre en erreur. You might have been misled. À un certain moment, il était accompagné de VIPs lors des visites des lieux. This gentleman has seen Mauritius as a soft spot. Il a eu recours à une institution charitable pour s’intégrer au coeur de l’État…
Le leader de l’opposition a ensuite interpellé le Premier ministre et ministre des Finances au sujet du GN 15 dans le secteur financier, exemptant de tout permis tout promoteur avec un No voting share. Il a voulu savoir si ce règlement avait été promulgué exclusivement en faveur d’Alvaro Sobrinho.
Paul Bérenger, pour sa part, a demandé comment se fait-il que la réponse du Premier ministre indique clairement que les compagnies ont déjà commencé leurs opérations, alors que le communiqué de la FSC en date du 2 mars affirme que « the Licensees have been requested not to start operations without the prior clearance of the Chief Executive ». Pravind Jugnauth a maintenu qu’elles n’ont pas commencé leurs opérations et que ce sera le cas jusqu’à la fin des différentes enquêtes. Pour sa part, le député du PTr Ritesh Ramphul a demandé que des dispositions soient prises pour que deux personnes, à savoir le Premier ministre adjoint, Ivan Collendavelloo et la présidente de la République, puissent être interrogées dans le cadre d’une enquête sur la provenance des fonds d’Alvaro Sobrinho. « Ce sont des allégations qui n’ont rien à faire avec cette affaire ».
Rajesh Bhagwan a pour sa part allégué qu’Alvaro Sobrinho a été le bailleur de fonds du ML lors des élections. Ce qui a été rejeté par le Premier ministre. Veda Baloomoody est revenu sur le nombre de fois que des facilités ont été accordées à Alvaro Sobrinho au VIP Lounge de Plaisance. Le Premier ministre a réitéré qu’il y a eu accès en 31 occasions. À une question concernant le fait que la FSC, présidée par le secrétaire financier, n’a pas fait son travail, Pravind Jugnauth a affirmé que ce n’est pas le board de la FSC qui accorde des permis mais un comité technique qui n’a rien à faire avec le secrétaire financier. La PNQ a pris fin vers 12 h 30 après une heure de débats.

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