Amendements à l’ICT Act : La liberté d’expression fait l’objet de débats

Le président de la République par intérim, Barlen Vyapooree, a donné son assentiment à la Judicial and Legal Provisions Act. Cette loi, votée au Parlement récemment, comprend des amendements à l’Information and Communications Technologies Act de 2001, visant à mieux contrôler l’usage de l’outil informatique. Depuis, il y a eu une levée de boucliers concernant une tentative d’atteinte à la liberté d’expression. L’ancien président de l’Information and Communications Technologies Authority (ICTA), Me Ashok Radhakissoon, est d’avis que la loi de 2001 et la Constitution sont suffisantes pour sanctionner les dérapages sur les réseaux sociaux. Selon lui, les amendements de 2018 ressemblent plus « à de la répression ». Il rappelle également qu’en Inde, la cour a cassé des dispositions similaires votées en 2008 dans l’affaire Shreya Singhal, jugeant qu’elles étaient anticonstitutionnelles. De même, il se demande « comment on peut tolérer les dérapages sur la place publique alors qu’on contrôle ce qui est dit sur les réseaux sociaux ».

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Le parlementaire Shakeel Mohamed pense, lui, qu’à travers l’ICTA et « ses nominés politiques », le gouvernement veut « bâillonner et tuer la liberté d’expression », même pour ceux ne résidant pas à Maurice. Il cite l’affaire Shameem Korimbocus en exemple et plaide pour une « dépolitisation » de l’ICTA. Il est aussi d’avis que les lois existantes comportaient suffisamment de garde-fous pour empêcher de nuire à l’intégrité d’une personne, sans pour autant restreindre la liberté d’expression. Il invite également les citoyens à assumer leurs responsabilités sur cette question. Me Erickson Mooneeapillay, directeur de l’Ong Dis-moi Océan indien, regrette lui, qu’il n’y ait pas eu de consultations avant les amendements à l’ICT Act de 2001. Il rappelle également que les charges provisoires sont toujours d’actualité et que la police peut arrêter des personnes à cet égard. Il cite les cas de Jameel Peerally et de Nitin Chinien qui avaient été emprisonnés pour des commentaires sur Facebook. Il pense que cette loi peut mener la vie dure aux opposants politiques.

Shakeel Mohamed : « Il faut aussi dépolitiser l’ICTA »

Pensez-vous que la liberté d’expression est menacée avec les amendements à l’ICT Act ?
Les amendements viennent enlever l’élément intentionnel dans la loi et le mot « annoyance » est ajouté. La sentence passe de cinq à dix ans. Il n’y a pas de doute que c’est fait pour bâillonner ceux qui pensent différemment. J’ai lu une déclaration du Premier ministre adjoint, Ivan Collendavelloo, qui dit que la loi a été faite pour protéger les mineurs. J’ai lu et relu la loi, le mot « mineur » n’est même pas mentionné.

Ils se cachent derrière cette supposée excuse pour justifier leurs actions irréfléchies. On a vu ce qui s’est passé avec Shameem Korimbocus. Il m’a envoyé un « recording » et m’a expliqué ce qui s’est passé. Si je comprends bien, Shameem a clairement été interpellé et on lui a dit d’arrêter de critiquer le gouvernement, mauricien, sinon on le déportait de Dubayy. C’est parce que le gouvernement en a fait la demande aux autorités de Dubayy. Il mettait leurs défauts à nu, cela les humiliait, parce qu’ils réalisaient que le monsieur avait raison. Cela leur a causé « annoyance, distress et anxiety » parce que le public voit la vérité. À travers l’ICTA, et ses nominés politiques, le gouvernement s’est servi de tous les outils à ses dispositions pour bâillonner et tuer la liberté d’expression, même pour ceux ne résidant pas à Maurice.

La loi existante ne protégeait-elle pas de tels délits ?

La loi, comme elle était, protégeait déjà. Mais il y avait les garde-fous qui assuraient que, d’une part, la liberté d’expression et d’opinion ne soit pas menacée et, d’autre part, que ce soit seulement ceux qui viennent porter atteinte à une autre personne avec intention de nuire qui est « amenable before the law ». Quelqu’un peut ne pas être d’accord avec le Ptr et il a le droit de le dire. Même si cela me cause une humiliation, « annoyance, anxiety ou inconvenience… ». La loi suprême, c’est ce qu’il y a dans la Constitution, c’est la liberté d’expression.

Est-ce qu’on peut aller jusqu’à dire que les amendements sont anticonstitutionnels ?

Je pense que c’est une loi qui viole les principes de la liberté d’expression inscrite dans la Constitution. Nous, au Parti travailliste, on abrogera cette loi une fois au pouvoir. Il faut investir dans la formation, pour que la force policière et le service des renseignements mauriciens puissent agir et prévenir dans l’intérêt national. C’est-à-dire les problèmes de drogues, les dangers liés au “law and order”, à partir de l’outil informatique. Il faut investir dans les équipements pour que l’Internet soit scruté dans l’intérêt national. Le trafic illicite, la vente de drogue ou comment fabriquer de la drogue synthétique… c’est ça qu’il faut bloquer sur Internet. Non pas la liberté d’opinion et les échanges d’idées. Il faut aussi dépolitiser l’ICTA. On ne peut toujours avoir affaire à des nominés politiques pour qui l’avancement du parti politique est plus important que l’avancement du pays. Pour un organisme aussi important que l’ICTA, il faut des experts et non pas des suiveurs.

Avec les médias en ligne prenant de l’ampleur, peut-on parler aussi d’atteinte à la liberté de la presse ?

Oui, la presse est menacée. Il suffit d’analyser les discours des politiciens récemment. Pendant la présentation de ce projet de loi, des politiciens des rangs du gouvernement ont critiqué la presse, disant qu’elle était irresponsable. Gayan l’a dit. Rutna aussi, entre autres. Anil Gayan est allé aussi loin pour dire qu’il fallait contrôler Facebook. Je constate aussi que la population est silencieuse. Ce qui veut dire qu’ils s’en foutent ou alors que la population n’est même pas au courant. Ce qui serait encore plus grave, car c’est le devoir de la population de se renseigner. Ou encore, la population se dit : « On va leur régler leur compte quand viennent les élections. » Ce qui serait laxiste, parce qu’entre-temps, la liberté est bafouée. Je trouve ça dommage car si la population veut avoir des dirigeants responsables, elle doit aussi assumer ses responsabilités. Il y a bien une bonne proportion de la population qui est sur la toile et qui exprime son désaccord de façon virulente, mais cela n’est pas suffisant pour faire comprendre au gouvernement qu’il fait fausse route ? Dans une démocratie, des manifestations et des débats s’organisent, des mouvements de contestation se mettent en place. Je me demande si c’est cette attitude de la population qui fait croire au gouvernement qu’il peut faire ce qu’il veut. L’accountability du gouvernement et des députés doit être permanente et non pas tous les cinq ans.
Je me demande aussi comment le président par intérim, qui est le « Guardian of the Constitution », peut trouver acceptable et raisonnable de donner son assentiment à un projet de loi comme une lettre à la poste. Surtout quand ça concerne la liberté d’expression, qui est clairement mentionnée dans la Constitution. Il y aurait dû, au moins, avoir un temps de réflexion, un temps pour la consultation. Mais le président par intérim a démontré que cela importait peu pour lui. Cela amène au même débat. Quelle sorte de président il nous faut, si le « Guardian of the Constitution does not act as one ». C’est pour cela que je suis d’avis que nos institutions, que ce soit la présidence, l’Assemblée nationale, l’ICTA ou encore la force policière, doivent être indépendantes. C’est l’homme qui doit donner ses lettres de noblesse à une institution et non pas l’institution qui donne les lettres de noblesses à l’homme. Alors, who do we chose ? Mais à Maurice, en 2018, les gens vont juger mon opinion en disant que j’ai tort parce que j’appartiens au Parti travailliste, que j’ai tort parce que je suis un musulman qui critique un hindou, que j’ai tort parce que je ne suis pas de la caste hindou appropriée qui critique un gouvernement dirigé par un hindou de la caste spécifique… En d’autres mots, on n’a jamais un débat intelligent et intellectuel.

Cette loi viendra-t-elle restreindre l’utilisation des réseaux sociaux pour les prochaines élections ?

En tout cas, en ce qui me concerne, cela ne va pas m’empêcher de dire ce que j’ai à dire. Et je vais faire en sorte « to annoy, humiliate, cause distress and anxiety to my political adversaries ». Nous sommes dans une démocratie. S’ils veulent me mettre en prison pour cela, qu’ils le fassent. Je lance un appel à la population : on peut ne pas être d’accord sur certains sujets, mais on doit tous se retrouver par amour pour notre patrie. Et quand notre patrie est en danger, unissons-nous !

ASHOK RADHAKISSOON | (Ex-président, ICTA) : «Oui sur la place publique mais non sur Internet

Les amendements à l’ICT Act constituent-ils une atteinte à la liberté d’expression ?
Il faut d’abord examiner la liberté d’expression dans notre juridiction. L’article 12 de la Constitution dit que tout individu a le droit de s’exprimer. La Constitution dit aussi que ce droit peut-être restreint, si on a fait une loi en ce sens. Par exemple, pour la radio, les télécommunications, il faut avoir un permis d’opération de l’Independant Broadcasting Authority (IBA), avec des conditions. La liberté de diffuser des informations est donc encadrée. De même, la Constitution dit que toute loi votée pour restreindre la liberté d’expression doit être justifiable. Autrement, on peut toujours aller en cour pour la contester. Mon souci se trouve là. Nous avons toutes ces dispositions, mais le législateur a quand même passé une nouvelle loi, avec de nouvelles dispositions, pour imposer des peines plus sévères.

Le libellé de la loi dit que le but est « to improve » l’ICT Act. Est-ce qu’en augmentant les peines de cinq à dix ans de prison, on est en train « d’improve » ?

L’article 46 de la loi de 2001 dit que si quelqu’un fait quelque chose dans le but de causer « annoyance, inconvenience or anxiety » à une autre personne, celle-ci peut porter plainte. Cependant, la personne incriminée pouvait toujours venir dire : « je n’avais pas l’intention de vous causer des contrariétés. » Avec la nouvelle loi, on a retiré cette défense. Quand on dit « which is likely to cause », cela veut dire que c’est la personne visée qui décide s’il y a eu « annoyance, distress, anxiety ». La personne incriminée n’a plus rien à dire pour se défendre. On vient ainsi mettre une restriction invisible à la liberté des internautes. Qui jugera s’il y a eu humiliation ? La personne critiquée ou un tribunal ? La loi n’est pas claire. Quand on durcit la loi, on intimide. Comment jouir de sa liberté d’expression si on a peur ? Pour moi, il y avait déjà un arsenal juridique pour contrôler les dérapages. Les nouveaux amendements ressemblent plus à la répression.

Il y avait, tout de même, la nécessité de mieux contrôler les réseaux sociaux quand on voit tout ce qui s’y dit par moments ?

Je suis le premier à reconnaître qu’il y a beaucoup de choses qui sont dites sur les réseaux sociaux et qui ne devraient pas être tolérées. Mais la loi n’est pas l’outil premier pour combattre les débordements. Il faut responsabiliser les internautes. C’est l’éducation depuis le jeune âge. Surtout les parents, qui ne sont pas censés être ignorants de tout cela. Je dis aux parents que c’est à eux de s’éduquer d’abord, pour savoir ce que font leur fils et leur fille dans leur chambre, dans l’anonymat. Ceux qui utilisent les réseaux sociaux croient qu’ils ne seront pas retracés. Tout ce qui est on-line est traçable. L’anonymat ne protège pas. Je serais très content qu’on vienne m’expliquer comment cette loi va venir empêcher les dérapages et protéger notre tissu social.

Récemment, j’ai entendu un dirigeant d’une organisation socioculturelle tenir des propos graves contre un responsable de l’Église catholique, en présence de deux sommités de l’État, soit le Premier ministre actuel et l’ancien Premier ministre. Est-ce que ces deux personnes qui, aujourd’hui, sont d’accord avec cette loi, trouvent que ce qui s’est passé ce jour-là est correct pour notre société multiculturelle ? Est-ce que cela n’aurait pas pu amener à un dérapage entre les différents groupes ? Est-ce seulement sur les réseaux sociaux qu’on va contrôler si notre tissu social ne va pas être affecté ? Je n’ai pas entendu un seul leader politique condamner cette déclaration à ce jour. J’ai seulement entendu le Premier ministre parler d’unité nationale. Donc, ce monsieur qui a parlé lors de la cérémonie avait toute la liberté de dire ce qu’il voulait et l’internaute lui, il n’a pas le droit de s’exprimer. On ne peut donner la liberté dans un contexte et nier la liberté dans un autre contexte. De ce point de vue, la loi est une discrimination envers les internautes.

Est-il toujours possible de contester cette loi ?

Si quelqu’un a de l’argent et qu’il veuille contester la loi en cour, il peut toujours le faire. Mais cela va prendre du temps, surtout s’il faut aller au Privy Council. À Maurice, on a tendance à prendre exemple sur l’Inde pour tout. Or, l’Inde a sanctionné une telle loi. Il y a eu un amendement à leur ICT Act en 2008, incluant l’article 66 A, avec plus ou moins le même texte que nous avons adopté. Il y a eu par la suite, en 2012, l’affaire Singhal, où une étudiante en droit, avait “challenge” la loi, suivant l’arrestation de plusieurs personnes pour leurs commentaires sur les réseaux sociaux. La Cour suprême de l’Inde a dit, dans son jugement, que l’article 66 A était anticonstitutionnelle.

Comment Maurice, qui prend exemple sur l’Inde, peut-il venir avec une telle loi ? Est-ce les grandes échéances de l’année prochaine qui en sont les motivations ? Il faut le rappeler, l’actuel gouvernement a bien bénéficié du support de l’outil informatique lors de la dernière campagne électorale. C’est un fait, qu’aujourd’hui, au lieu d’aller dans les meetings, les gens vont surtout voir ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Cela peut influencer les votes.

Faut-il aussi craindre une atteinte à la liberté de la presse ?

Tous les groupes de presse ont aujourd’hui leur site web. Ils peuvent se retrouver sous cette loi. On peut dire quelque chose dans la presse aujourd’hui, et si une personne se sent diffamée, elle va en cour. Si cette même information est publiée sur les réseaux sociaux ou un site web, la peine est de dix années de prison. Pourquoi cet effet coup de bâton ? La loi est un gourdin médiatique.

Ce gouvernement avait promis une Freedom of Information Act, mais il vient aujourd’hui contrôler l’échange d’information. Qu’en pensez-vous ?

On parle beaucoup de liberté d’expression, mais sans une Freedom of Information Act, cette liberté est comme une parenthèse non fermée. Elle n’est pas complète. La Freedom of Information Act est l’équilibre de la liberté d’expression. Car pour partager l’information, il faut qu’elle soit accessible. La liberté d’expression va prendre corps à 100% avec la Freedom of Information Act. Or, la nouvelle législation va à l’encontre de tout ça. En Inde, il y a une Freedom of Information Act, avec des procédures à respecter. Au lieu de dire aux internautes d’arrêter d’utiliser Internet comme ils le font aujourd’hui, donnez-nous notre Freedom of Information Act.

ERICKSON MOONEEAPILLAY  : « La voie criminelle jamais une panacée »

Quelle est votre opinion générale de la Legal and Judicial Provisions Act ?

Je déplore le fait qu’il n’y ait pas eu plus de concertation avant les amendements à l’Information and Communication Technologies Act. Nos législations existantes protègent déjà ceux qui se sentent lésés ou diffamés. Chaque personne pouvait déjà se saisir de la cour et entrer une action en diffamation. Alors pourquoi se servir de la loi pénale pour réguler les réseaux sociaux ? La voie criminelle n’a jamais été une panacée à tous les maux. D’autant plus que, dans la majorité des cas, les réseaux sociaux s’auto-régularisent. Et puis, c’est optionnel. On peut choisir d’y être ou pas. Mais de là à punir l’opinion par une peine d’emprisonnement de 10 ans, c’est pousser la barre trop loin. Rappelons que, la liberté d’expression, ce n’est pas avoir en face de soi une personne qui partage notre opinion. La liberté d’expression, c’est justement de penser et de dire les choses autrement.

Ces amendements suscitent beaucoup de craintes. Pensez-vous que c’est justifié ?

La situation est telle, justement, car les amendements sont aléatoires et les sentences encourant les délits sont excessives. Il y a une perception selon laquelle on veut museler les réseaux sociaux et cela affecte la conscience collective. Nos décideurs politiques ne se rendent pas compte que les réseaux sociaux peuvent justement servir de jauge pour mesurer le niveau de mal-être d’une société. Les nouveaux amendements ne prennent pas en compte le principe de l’extraterritorialité, l’internaute se trouvant dans un pays autre que Maurice peut se donner à cœur joie. Et puis, les insultes ne cesseront pas sauf que ceux qui le faisaient ouvertement le feront maintenant sous la couverture de l’anonymat. On verra alors une cyber-ghettoïsation. C’est ce genre de situation qui a vu la formation des Anonymous. Le manque d’espace libre pour s’exprimer peut créer une frustration viscérale dans une société.

Par ailleurs, on oublie souvent que la charge provisoire est toujours d’actualité. Donc, techniquement, la police peut arrêter une personne sous une charge provisoire s’il y a une plainte sous l’Information and Communication Technologies Act pour “annoyance”. Je suis contre tout pouvoir supplémentaire à la police puisque dans le passé elle a fait fi des procédures. Les charges contre Jameel Peerally et Nitin Chinien sont rayées aujourd’hui, pourtant, ils avaient été mis au cachot pendant plusieurs jours pour des commentaires et vidéos sur Facebook.

N’oublions pas non plus que les maîtres du jour peuvent être les oppressés de demain, sous un joug qui mène la vie dure aux opposants politiques. Et c’est bien pour cela qu’il fallait être prudent avant de toucher à la liberté d’expression. La priorité serait plutôt de renforcer notre espace démocratique au lieu de le fragiliser.

Fallait-il quand même, selon vous, un certain contrôle si l’on considère tout ce qui se dit sur les réseaux sociaux ?

Oui, il faut un contrôle, mais il faut d’abord que chacun assume ses responsabilités. Bien sûr, cela n’a pas l’air si simple, mais les réseaux sociaux ont maintenant leurs propres systèmes de lanceurs d’alarme et de sécurité. Il faut cependant reconnaître qu’il y a des cas extrêmes de cyber-bullying et de harcèlement qui méritent l’intervention des autorités. Mais le concept de “annoyance” est trop vaste et trop subjectif pour vraiment juger le degré de sévérité d’un commentaire malveillant qui aurait pu affecter quelques susceptibilités. Je pense que les délits d’opinion, en général, ne doivent pas encourir la prison. Et puis, il y a le principe de sentence en proportionnalité du délit. Comme un cas d’insulte dans une société ne requiert pas autant de sévérité, alors pourquoi un tel cas sur les réseaux sociaux amènerait-il à dix ans de prison ? C’est un quiproquo.
L’argument n’est pas que les gens bien intentionnés n’ont rien à craindre, mais que cela fait peur en pensant à ce que les gens mal intentionnés peuvent faire en se servant de cette loi.

Que pensez-vous du cas de Shameem Korimbocus, qui a risqué la déportation de Dubayy en raison de ses critiques envers le gouvernement ?

Le cas Korimbocus, où un compatriote a failli être déporté, doit être un exemple à ne pas suivre pour Maurice. Qui plus est, il nous semble que personne ne s’est plaint auprès des autorités de ses postes. Donc, pourquoi cherche-t-on à le museler ? De Théo Van Gogh à Charlie Hebdo, le monde a connu des martyrs de la liberté d’expression. Au lieu de mettre notre pays au panthéon des démocraties, ayant à cœur les libertés civiles, cette nouvelle loi est un pas vers les dédales sombres des pays rogues.

Avec les médias en ligne devenus incontournables aujourd’hui, pensez-vous qu’il y a une menace sur la liberté de la presse également ?

Oui. La presse traditionnelle est appelée à accorder ses violons afin de se mettre au diapason des nouvelles tendances technologiques si elle veut évoluer et survivre. La menace de la liberté d’expression est aussi un fait puisque réguler les médias en ligne équivaut à la cyber-censure. C’est pour cela qu’il faut s’offusquer et repousser les marées montantes de la tyrannie qui érodent les droits fondamentaux.

Les autorités ont prévu d’accorder des permis d’opération à trois nouvelles radios privées. Qu’en pensez-vous ?

C’est un pas en avant. Cela permettra de renforcer l’espace démocratique. La radio privée, c’est le concept de l’instantané qui invite le contradictoire et évite ainsi le débauchage intellectuel et la pensée unique.

Une Freedom of Information Act est-elle, selon vous, devenue nécessaire aujourd’hui ?

Attention, c’est un outil à double tranchant. Même si elle peut donner accès à des données sensibles, elle peut rendre les choses très difficiles. Le “red tape” entourant une application peut rendre l’information difficile et inaccessible. Le démon qu’on connaît est souvent mieux qu’un démon qu’on ne connaît pas.

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