AMOUR D’ADOLESCENT : Comment trouver un juste équilibre

Etre en couple quand on est au collège, ce n’est pas chose facile. Dans une société dite conservatrice, avoir un petit ami ou une petite amie peut encore être un sujet tabou. Ne se sentant pas toujours à l’aise de parler de ses histoires de coeur avec ses parents, et les parents se montrant parfois peu compréhensifs, peuvent mener à des situations qui créent tensions et conflits, parfois même briser toute relation entre les parents et l’adolescent (e). Sujet délicat, certes, mais inévitable dans la mesure où parents et enfants doivent cohabiter. Comment trouver un juste équilibre ? Quelques éléments de réponses avec Sophie Mamet et Nicolas Soopramanien, psychologues-cliniciens et membres de la Société des Professionnels en Psychologie (SPP) de Maurice.
« Le premier amour est un grand moment dans la vie de l’adolescent. C’est une découverte de nouveaux sentiments, de nouvelles émotions. C’est la première fois que le jeune expérimente l’amour en dehors du schéma familial. Cela représente une étape importante de la construction de son identité durant laquelle l’adolescent quitte l’enfance pour entrer progressivement dans le monde de l’adulte », explique Sophie Mamet.
Une relation amoureuse chez l’adolescent est, poursuit-elle, très enrichissante, car savoir que quelqu’un d’autre puisse ressentir des sentiments forts pour soi est un facteur qui permet de renforcer l’estime et la confiance en soi. Et c’est un aspect que les parents ne devraient pas négliger. « Ils ne faut donc pas minimiser les sentiments de son adolescent », précise la psychologue-clinicienne.
Quand les parents brisent le couple
Anna, 16 ans et étudiante en School Certificate (SC), accepte de raconter sa première expérience amoureuse : « Ma première histoire d’amour remonte à mes 13 ans. Je sortais avec mon voisin qui avait un an de plus que moi. » Même si, dit-elle, à l’époque, elle ne songeait pas à la question d’avoir un amoureux, elle s’est lancée dans l’aventure lorsque l’occasion s’est présentée à elle : « Kris m’a fait comprendre qu’il voulait que je sois sa petite amie. J’ai voulu essayer même si je me demandais si je n’étais pas trop jeune pour ça. Je me demandais si j’étais vraiment prête pour une relation amoureuse, et j’ai finalement accepté. Je me suis dit : ‘on ne sait jamais, peut-être que c’est la personne qui est faite pour moi’. « 
Leur histoire a duré deux ans. Mais Anna et Kris ont eu à faire face à deux obstacles majeurs — que rencontrent également de nombreux jeunes couples à l’adolescence, parfois même à l’âge adulte — : la pression des parents et une appartenance communautaire et religieuse différente. Lorsque les parents de Kris ont découvert leur relation, ils les ont contraints à mettre fin à leur histoire et les ont formellement interdits de se revoir. « Cela a été très dur pour nous deux. J’allais d’autant plus mal parce qu’il ne m’avait même pas dit ce qui s’était passé avec ses parents. Il m’a simplement dit que notre histoire ne pouvait plus continuer à cause d’eux. J’ai passé des nuits et des jours à pleurer. J’ai pris un an à m’en remettre, même si j’ai gardé des sequelles de ma rupture. » Elle raconte que la douleur était tellement intense qu’ils ont dû s’éviter pour pouvoir aller de l’avant : « Kris a emménagé chez ses tantes pendant quelque temps pour qu’on ne puisse plus se croiser. « Anna a difficilement vécu cette rupture, mais le temps l’a aidée à faire le deuil de sa première expérience amoureuse. Après un an de célibat, elle a rencontré quelqu’un d’autre, dit-elle.
Dire ou ne pas dire : Une question relative à chacun
Mais un deuxième problème se pose pour la jeune fille : ses parents ne savent rien de sa nouvelle relation tout comme ils ne savaient pas pour Kris. Si elle appréhende la réaction de ses derniers, elle craint également qu’ils ne lui fassent plus confiance. « Je ne voulais pas le leur dire parce que je pensais que c’est difficile pour des parents de voir que leur petite fille a grandi, mais maintenant je crains qu’ils ne me fassent plus confiance car je l’ai toujours caché », dit-elle se référant à sa précédente relation. Elle dit que son petit ami fait face au même problème. Car pour elle, avoir un amoureux à son âge est synonyme de décevoir ses parents, qui, selon elle, estimeront qu’elle est bien trop jeune pour entamer une relation amoureuse étant donné qu’elle est à toujours au collège.
Une réaction et une peur tout à fait justifiées pour la psychologue-clinicienne, Sophie Mamet qui précise que « l’adolescent ne parle généralement pas de sa relation amoureuse avec ses parents, c’est sa vie privée. L’opinion des parents est parfois appréhendée par le jeune qui craint que ceux-ci ne l’écoutent pas, dévalorisent ses sentiments ou encore ne les comprennent pas. Il aura plus tendance à en parler à ses amis, des jeunes de son âge, qui seront, selon lui, plus susceptibles de cerner ce qu’il vit ».
Pour Nicolas Soopramanien, psychologue-clinicien, la question de s’il faut dire ou ne pas dire à ses parents est relative à chaque personne : « Je ne pense pas qu’il soit indispensable d’informer les parents de sa vie privée. C’est au contraire le rôle des parents, dès que leur enfant entre dans l’adolescence, donc dès l’entrée au collège, de discuter de ces choses avec leurs enfants. En ayant, par exemple, un discours plutôt préventif pour dire à l’enfant qu’il fera certainement des rencontres mais que tout n’est pas aussi simple, qu’il peut y avoir des ruptures, des coeurs brisés, et lui expliquer ce qu’est une relation amoureuse. Tout cela évidemment sans chercher à s’immiscer dans la vie de son enfant. » Le psychologue pense, par ailleurs, qu’il est important d’expliquer à l’adolescent(e) comment se comporter avec l’autre, lui parler des sentiments qui accompagnent l’amour, à l’instar de la compréhension de l’autre ou de la jalousie. « Malheureusement, dans certaines familles, ce genre de conversation est encore tabou. Tout comme la question de différence de communauté ou de religion. Je pense sincèrement que les parents devraient apprendre à être plus ouverts et mettre de côté les préjugés », affirme Nicolas Soopramanien. Le psychologue-clinicien soutient qu’outre le conservatisme de certaines familles mauriciennes, certains parents sont également trop sévères, trop soucieux du qu’en-dira-t-on, ou même trop protecteurs.
Se tourner vers l’école des parents
Pour aider les parents à mieux comprendre son enfant, ses besoins, ses désirs d’adolescent et les complexités de la puberté, Nicolas Soopramanien précise qu’il existe à Maurice plusieurs centres et espaces pour les parents. « Il est bon de savoir que l’école des parents existe également. Le ministère de la Femme organise aussi parfois des sessions qui dispensent des conseils sur la façon d’aborder certains sujets, entre autres, avec les jeunes. Des services de ce genre existent et les parents doivent en profiter », souligne-t-il.
Par ailleurs, il existe aussi des espaces pour les jeunes également. Ces derniers peuvent se diriger vers ces centres tels que Tibaz à Rose-Hill, ou parler à des personnes de confiance qui pourront les écouter et les conseiller. Dans certains collèges, par exemple, ils ont la possibilité de consulter un psychologue ou se tourner vers un service de councelling.

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