ANIL GAYAN/ONG : Pas le grand amour !

Depuis qu’il a remis en question le programme de méthadone et qu’il s’est montré très peu enclin au dialogue avec les ONG, le ministre de la Santé, Anil Gayan, n’a pas ménagé son ton pour s’interroger sur l’efficacité et la transparence des organismes qui militent contre la toxicomanie. Si les ONG ciblées ont réagi, en revanche d’autres organisations non gouvernementales intervenant dans différents secteurs, mais qui ont souvent recours à ces ONG pour les besoins de leurs bénéficiaires respectifs, n’ont pas pris de position dans cette affaire Ne pas se mouiller leur garantie une bonne place dans le carnet des autorités.
«Allez enquêter sur les ONG et vous verrez «, lançait le ministre de la Santé, Anil Gayan, hors micro, aux journalistes présents à la fin de la conférence de presse de son parti, le Mouvman Liberater, il y a deux semaines. Anil Gayan ne ménageait pas son ton. Entre-temps, le ministre de la Santé, n’a pas changé d’avis et encore moins de ton! Selon le ministre, les organisations non gouvernementales qui méritent une attention particulière sont celles spécialisées dans la prévention, la lutte contre la toxicomanie et l’accompagnement des toxicomanes. Depuis un certain temps déjà, Anil Gayan ne cachait plus son mécontentement à l’égard de ces organisations, lesquelles pourtant sont devenues, au fil des années, des références dans leur domaine et des partenaires clés pour d’autres ONG intervenant dans différents secteurs. Ses critiques acerbes ont fini par donner l’impression qu’Anil Gayan se laissait aller à un acharnement à l’encontre des ONG précises. Pour le service de communication du ministre, tel n’est pas le cas. Anil Gayan qui «veut collaborer et communiquer avec les ONG» n’est, tout simplement, pas content de l’absence de suivi psychosocial que celles-ci auraient dû avoir fait dans le sillage du programme méthadone. 
Soutien              silencieux
Le ministre de la Santé, dit-on, ne serait pas hermétique à toute discussion avec les organisations de la société civile autour d’une table. C’est pour cette raison qu’il aurait accepté – grâce à l’intervention de l’ancien ministre et actuel assesseur de la commission sur la drogue, Sam Lauthan – de rencontrer des responsables d’ONG militant contre la toxicomanie, durant la semaine écoulée. Mais, auparavant, le ministre Gayan est revenu à la charge. Il imputait, à nouveau, l’échec, selon lui, du programme de traitement des toxicomanes à la méthadone, aux ONG qui n’auraient, affirme-t-il, pas su assurer leur rôle à cette étape de la prise en charge! Les ONG ciblées se sont regroupées, ont réagi, se sont défendues et expliquées avec des arguments à l’appui. Depuis que le ministre Gayan est monté au créneau pour faire la leçon aux acteurs du social, les seuls dans le secteur à répliquer ont été les ONG critiquées, elles-mêmes. Les témoignages de solidarité et d’indignation sont parvenus jusqu’à celles-ci, mais ils ont été émis sans faire de bruit! Pourtant, de nombreuses ONG qui opèrent dans les secteurs de l’éducation, du renforcement de la capacité des vulnérables, logement, entre autres, font souvent appel à leurs collègues disposant des connaissances nécessaires pour aider leurs bénéficiaires touchés par la toxicomanie. D’autre part, durant ses différentes sorties contre les organisations de la société civile, le ministre Gayan qui a émis des réserves sur la manière dont elles opéraient ,réclamait plus de transparence de leur part. Un message qui n’est pas pour autant passé inaperçu dans le milieu social, car, à ce niveau, la transparence est une question pertinente et à la fois sensible. Ce message du ministre Gayan est passé au travers de la gorge des ONG dans différents secteurs. Mais, aussi, il n’est pas étonnant que certaines d’entre elles refusent de donner leur opinion publiquement sur cette polémique, pour ne pas être mal vues par le gouvernement. Il est connu de tous que de nombreuses ONG préfèrent garder le profil bas et éviter d’égratigner les autorités pour s’assurer de rester dans le bon carnet de celles-ci. Approchée pour donner son avis sur les critiques du ministre sur la transparence et le fonctionnement des organisations, une ONG très visible – encadrant des enfants malades – nous a expliqué qu’après concertation, son conseil d’administration a fait le choix de ne pas faire de déclarations à ce sujet à la presse!
Gayan a semé des doutes
En réponse aux piques d’Anil Gayan, PILS et CUT, deux des 14 ONG qui se sont regroupées en collectif suivant la polémique autour de l’interruption du programme de méthadone, le renvoient d’une part à l’audit annuel auquel toute association est obligée de se soumettre. Le rapport «Approved and Audited Statement of Income and Expenditure», est ensuite soumis au Registrar of Association. C’est d’ailleurs cette institution qui, en cas de doute sur les données du rapport ou si elle reçoit des doléances, est apte à initier une enquête sur le dossier en question. Et d’autre part, CUT, par la voix de son chargé de plaidoyer et communication, Kaunal Naïk, rappelle que l’ONG se doit d’être «accountable» envers ses bailleurs de fonds. Et le gouvernement en fait rarement partie! En étant accountable envers toutes les parties concernées, l’ONG, explique encore Kaunal Naïk, assure son image et sa crédibilité auprès de la communauté où elle intervient et du public.
ONG et              politique, pas compatible
De son côté, Patricia Adèle-Félicité de Caritas île Maurice, rappelle que les bailleurs de fonds, notamment le Global Fund, prennent aussi en considération la performance et la crédibilité de l’organisation non gouvernementale avant de financer son projet social. «Je n’ai pas été insensible aux déclarations du ministre de la Santé!», explique cette dernière. Et d’ajouter: «On ne reconnaît pas toujours le travail des ONG. Nous sacrifions beaucoup de choses, y compris nos familles pour être actif sur le terrain. Les ONG et instances publiques doivent travailler en collaboration, car nous avons besoin les uns des autres pour atteindre les résultats voulus. Ailleurs et même aux Nations unies, les ONG sont consultées dans des prises de décisions vitales. Cela devrait être pareil à Maurice.» D’aucuns pensent que les propos d’Anil Gayan sur les ONG ont néanmoins «semé des doutes» sur la crédibilité de celles-ci, dans le public. Mais pas pour Anièle Ducray de l’ONG Le Pont du Tamarinier. «Les propos du ministre n’engagent que lui! Nous ne nous sommes pas attardés dessus S’il avait critiqué notre champ d’intervention, qui est l’accompagnement et le logement, nous lui aurions proposé une rencontre pour un constat en commun. Ceci dit, nous avons besoin des ONG qui travaillent avec les toxicomanes et nous les soutenons, car nous travaillons étroitement avec certaines d’entre elles», explique Anièle Ducray.
Par ailleurs, s’il y a une ONG qui se serait retrouvée dans une situation embarrassante dans le sillage de la polémique, c’est Aides, Infos, Liberté, Espoir et Solidarité (AILES), dont la mission, entre autres, est d’accompagner les toxicomanes pour intégrer le programme méthadone. En effet, sa responsable, Brigitte Michel était candidate aux dernières élections municipales. Arborant les couleurs de l’Alliance Lepep – dont fait partie le ministre Gayan – Brigitte Michel s’est retirée de la course peu après la présentation officielle des candidats. «J’ai toujours soutenu le PMSD et ma couleur politique n’est un secret pour personne. Quand on m’a approchée pour être candidate aux municipales, j’ai cru avoir trouvé en cela une occasion pour faire avancer mes idées pour. Mais avec le conseil d’administration d’AILES, nous avons estimé que mon engagement politique serait incompatible avec mes responsabilités au sein de l’ONG. J’ai choisi de poursuivre mes activités auprès d’AILES», explique Brigitte Michel. AILES qui a intégré le collectif regroupant les ONG défendant le programme méthadone, n’aurait pas été en mesure de réfuter les critiques d’Anil Gayan. Et ni sa responsable de déclarer que «le ministre est dans le faux! Il est mal conseillé. Dire qu’un directeur d’ONG touche Rs 250 000 par mois, ce qui est nettement plus que le salaire d’un ministre est absurde! A AILES, nos employés touchent entre Rs 3 000 et Rs 18 000.»  
L’affaire du programme méthadone a rappelé d’une part l’importance du travail en synergie et le dialogue entre les autorités et les ONG. Et, d’autre part, la nécessité pour celles-ci d’opérer en toute indépendance, sans intervention politique, d’opérer uniquement dans l’intérêt de leurs bénéficiaires, de remettre en question (pour certaines ONG) le financement de leur administration afin de répondre sans embarras aux attaques sur la transparence!

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