APRÈS LA CHUTE D’UN ROCHER DE LA FALAISE : L’accès à Baie du Cap chaotique

Depuis plus d’une semaine, leur calvaire n’en finit plus. Si ne n’est de longues heures à voyager en autobus à travers la route sinueuse de Chamarel-Choisy, c’est une marche de 2km qui attend les habitants de Baie du Cap, coupé du Morne au niveau de Macondé. Si le rocher de plus de 30 tonnes qui s’est détaché de la falaise a été enlevé de la route scénique, les autorités ont décidé de fermer cette route au passage, les risques d’éboulements étant accrus. Vendredi après-midi, décision a été prise de procéder à l’extension de la route sur environ 150 mètres, à partir du view point jusqu’à l’entrée de Baie du Cap. Objectif: éviter aux usagers de la route le passage via cette zone dangereuse où les fissures dans la falaise démontrent de réels dangers de chutes de rochers. Ce projet devrait démarrer d’ici une semaine, suivant le déboursement des fonds par le ministère des Finances.
Entre-temps, si des navettes ont été prévues entre Baie du Cap et Case Noyale, cette situation est loin de satisfaire les habitants de la région qui déplorent un parcours du combattant à chaque déplacement, les navettes étant irrégulières et surtout la route empruntée, reliant Case Noyale à Choisy en passant par Chamarel, étant très étroite et encore plus dangereuse en temps de pluies et la nuit. Qui plus est, les risques d’éboulements sur cette route ne sont pas exclus…
« Zot mem inn crée sa. Kan ti construire pont dernière fois », déplorent de nombreux habitants de Baie du Cap et du Morne. Ils mettent ainsi en cause la construction du pont de 103 mètres de Macondé, érigé sur des pilotis en enjambant la Baie de Macondé, au coût de quelque Rs 190M pour remplacer l’ancien radier de Macondé. Une construction effectuée pour pallier le danger que représentait l’ancien radier mis en cause dans de nombreux accidents provoqués par les débordements en période de grosses pluies et ayant coûté la vie à plusieurs personnes.
Or, dans le cadre de cette construction, des dynamites avaient été utilisées. Ce qui, selon certains experts en environnement, a contribué déstabiliser la falaise. « Le détachement de ce rocher relève de causes naturelles et humaines en même temps », souligne un ingénieur en environnement, relevant ainsi que l’instabilité des rochers sur la falaise peut être précipitée par certains événements comme les pluies, les mouvements sismiques ou encore des vibrations des machines ou autres véhicules.
« Il y a plusieurs exemples de route du littoral identique à la route de Macondé dans le Monde, à l’instar de la route du cap à Cape Town. Mais les autorités de ces pays ont trouvé des moyens pour éviter les drames », dit-il. Et de faire ressortir qu’à l’origine, à la construction de ces routes à l’étranger, des précautions ont été prises, suivant des études de faisabilité professionnelles effectuées. « Dans certains cas, il y a des injections de béton sur la paroi des falaises; dans d’autres, il y a des filets avec des maillons en inox pour empêcher les rochers de descendre trop vite s’il y a une chute. Dans d’autres encore, les autorités ont creusé des tunnels et placé des structures en béton pour retenir la paroi », indique-t-il, relevant que « pour la construction des routes, il ne suffit pas, comme ce fut le cas sur la route Terre Rouge-Verdun, de couper la paroi. » Ainsi, outre la construction du pont de Macondé à l’origine, les périodes de grosses pluies qui ont arrosé cette partie de l’île, ces derniers mois, auraient accéléré l’infiltration des rochers, déstabilisant ainsi la montagne.
Depuis la fermeture du tronçon de Macondé pour des raisons de sécurité, le 26 avril – jour où un rocher de plus de 30 tonnes s’est détaché de la falaise, c’est un calvaire pour les usagers de la route dans cette partie de l’île. Les autorités ayant pris la décision de fermer la route au passage, avec des policiers de l’Emergence Response Service (ERS) et de la Divisional Support Unit (DSU) qui assurent une présence régulière des deux côtés du tronçon, où des barrages ont été installés, deux options s’offrent aux usagers de cette route: les navettes spéciales mises à leur disposition par la Compagnie Nationale de Transport (CNT) entre Case Noyale et Choisy en passant par la route de Chamarel, ou la traversée à pieds.
Route de Chamarel encore plus dangereuse
Dans les deux cas, c’est un parcours du combattant pour les usagers de la route qui déplorent que « les navettes ne sont pas régulières. Bizin sortie lacaz plis ki inn her temps avant pour ressi ale travail. Bis la vini péna place. Soit ou rentré, simin Chamarel bloqué parski li trop tipti, et pann fer pou sa quantité loto là ». Et d’ajouter que de par l’étroitesse de la route de Chamarel, les automobilistes peuvent foncer tout droit dans les ravins. C’est ainsi que, depuis une semaine, femmes, personnes âgées, enfants et hommes préfèrent descendre de l’autobus au niveau de La Prairie et parcourent le tronçon de Baie du Cap à pied, à leurs risques et péril. Si certains trouvent en les policiers de ERS de bons samaritains qui font la navette pour eux sur ce tronçon, bravant les interdits, la majorité des habitants de la région, pour gagner du temps, font le trajet à pied. Pas évident, notamment les jours de pluie, disent-ils.
D’autres indiquent qu’avec cet obstacle, plusieurs mères sont obligées de garder leur bébé à la maison car le détour vers Chamarel est trop long pour transporter leur enfant à la garderie située à Baie du Cap ou au Morne. « Bizin sorti bonner lacaz. Patron li pa conn u nanien ladan, li dir ou li pey ou, ou bizin fer arranzma pou ou arriv travay à ler », racontent Kardaree, Deborah et Esitnoo, trois habitantes de Baie du Cap que nous avons croisées parmi les nombreuses personnes qui traversent cette route à pied. « Zot dir nou nou pe met nou la vi en danger, mais ski sot croire ki sa la route Chamarel là, koto bis pe passé là, nou lavi pa en danger? Pliss encore! », disent-elles, déplorant l’état de cette route trop étroite pour une circulation assidue. 
Pas plus tard que vendredi matin, un autobus et une voiture sont entrés en collision sur cette route, indique Rico L’intelligent, travailleur social de Chamarel et ex-président du Conseil de district de Rivière Noire. Et de faire ressortir que le tronçon Case Noyale-Choisy en passant par Chamarel est encore plus dangereux puisque non seulement la route est étroite, mais elle a déjà cédé. « Li pou vin parey couma Ring Road sa. En plis, boucou zarb fin déraciné ek kapav tomme lor semé nimport ki ler. Manziné asoir, enn zabre lor semé, pena la limier, ki pou arrivé!? », dit-il. Une solution temporaire pour alléger la situation sur cette route serait son agrandissement, selon lui.
Une option que a été vue par les autorités qui ont déjà entrepris, selon un constat de visu vendredi dernier, des travaux sur les bordures de route à certains points en vue de rendre ce tronçon moins dangereux. Mais pour les habitants de Baie du Cap et du Morne, il y a plus simple: il faut un fly over reliant les deux villages. Rico L’Intelligent estime que cette option devrait être sérieusement envisagée par les autorités car elles réduiraient les risques qu’un drame ne survienne. Il réclame également que les autorités mettent des filets de protection sur la falaise pour prévenir les risques d’éboulements.
La nouvelle route devrait traverser la mer
Vendredi dernier, les experts de la Japan International Cooperation Agency (JICA) et les ingénieurs et techniciens du ministère des Infrastructures publiques ainsi que les représentants du National Disaster Risk Management Committee se sont attelés à trouver une solution à long terme. Dans un premier temps, il était question d’enlever manuellement les rochers fissurés de la falaise. Une option vite abandonnée à la lumière d’une étude de faisabilité menée sur le terrain en présence des responsables de la Special Mobile Force (SMF) et du Groupement d’Intervention de la Police Mauricienne (GIPM), démontrant la difficulté d’un tel exercice en raison de la surface Est trop inclinée de la montagne Macondé. L’option envisagée de dynamiter ces rochers à risques de la falaise a également vite été mise de côté, ce procédé présentant davantage de risques de fissurer la montagne. Finalement, au terme de plusieurs heures de discussions, il a été décidé de procéder à l’extension de la route de Macondé sur environ 150 mètres, à partir du view point jusqu’à l’entrée de Baie du Cap. Cette extension de route devrait se faire sur la mer, indiquent nos sources aux Infrastructures publiques.
De ce fait, une partie de la mer au niveau de Baie du Cap sera comblée et, de l’autre côté, au niveau du view point, où la mer est plus profonde, un système de pilotis est envisagé. L’objectif, éviter aux usagers de la route tout passage via cette zone dangereuse. L’actuelle route devrait, dès lors, servir de buffet zone, selon nos informations du ministère des Infrastructures publiques. À ce stade, les Infrastructures publiques ne peuvent se prononcer sur le coût de ces travaux et encore moins sur la durée de la construction de la nouvelle route. Le ministère attend, cependant, l’aval du ministère des Finances qui devra débourser les fonds pour aller de l’avant.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -