ARRIVÉE DES TRAVAILLEURS ENGAGÉS : Un sang d’ici et d’ailleurs…

Ce samedi 2 novembre, le pays célèbre le 179e anniversaire de l’arrivée des travailleurs engagés à Maurice. L’occasion pour Scope de faire un retour sur cette partie de l’histoire à travers les souvenirs des descendants de ces immigrés. Pondichery, Tamil Nadu, Gahmar, Jamnagar, Tanjore, Bihar… Leur origine se trouve dans ces régions de l’Inde. Certains ont retrouvé leur famille, d’autres s’accrochent à des souvenirs transmis par leurs parents.
La seule chose que Raganbah Moothoocurpen connaît de ses origines indiennes c’est que son grand-père, Renghen Moothoocurpen, est venu de Pondichery pour travailler dans le camp sucrier de la famille Anthelme entre 1860 et 1865. Ignace Adakalum, âgé de 80 ans, se souvient qu’on lui a raconté que son arrière-grand-père et trois de ses frères s’étaient sauvés du Tamil Nadu. C’est une fois arrivés à Maurice qu’ils avaient informé leur famille de leur départ. C’est à l’époque de l’épidémie de grippe espagnole, dans les années 1800, que le grand-père de Noël Sowanbar a pris la décision de partir de son village, Bihar. De son côté, Sandanon est de la troisième génération des Davasgaium. Son grand-père et sa grand-mère étaient des coolies originaires du Tamil Nadu.
L’arrière grand-père de Noël Chowriamah est né et a grandi à Tanjore. En 1859, il accepta un contrat pour venir travailler dans les champs, et fit le voyage à bord du Coldstream. Ram Subhag Rai et Ram Sharitar Singh Subhag Rai, respectivement arrière-grand-père et grand-père de Jeenarain Soobagrah, sont arrivés à Maurice en 1898. Ils sont originaires de Gahmar, et prirent le poste de sirdar sur la propriété de Bel Ombre.
Mohamed Hossen, le grand-père de Farouk Hossen, fit partie de cette vague de migration de commerçants musulmans qui ont quitté l’Inde dans les années 1900. Un trajet qui les menait vers La Réunion, Maurice, l’Afrique du Sud ou l’Afrique de l’est. Lui, il décida de s’arrêter à Maurice. Il ouvrit un magasin d’objets de luxe, et loin de sa famille restée à Jamnagar, il construisit peu à peu sa nouvelle vie à la Rue Royale. C’est ainsi que chacun d’eux participa à la construction de Maurice.
Retour aux sources.
En 1986, presque un siècle après l’arrivée de son arrière-grand-père et grand-père, Jeenarain Soobagrah, directeur de Bonny Air Travel, a visité le village de Gahmar. Sa famille y vit toujours. Avec un brin de nostalgie, il relate cette aventure tout en parcourant un album photo de ce retour aux sources qui restera à jamais gravé dans sa mémoire : “C’était un grand moment d’émotion. Ce qui m’a frappé c’était ma ressemblance avec mes cousins. J’ai eu une chance de retrouver ma famille et c’est grâce à un parent qui avait déjà entamé les recherches et fait plusieurs voyages en Inde que j’ai pu à mon tour les rencontrer.”
Depuis, il est reparti une deuxième fois en 2009, accompagné de sa femme et d’une de ses filles. Ses cousins de Gahmar sont des planteurs de riz. Ils ont toujours vécu dans ce village. Même s’il n’est pas souvent en contact avec ses cousins indiens, Jeenarain Soobagrah a beaucoup d’estime pour eux. “Nous avons le même sang. Certes, on a chacun notre vie et un parcours différent. Mais cette richesse, ce lien familial est indestructible. Je suis fier d’être des leurs. Je me sens bien en leur compagnie.”
Rupture.
Retrouver la terre de leurs ancêtres ou revoir des parents du même sang, Raganbah Moothoocurpen, Ignace Adakalum, Sandanon Davasgaium, Noël Sowanbar et Noël Chowriamah savent qu’ils n’auront pas cette même chance. Tout simplement parce qu’ils n’ont pas suffisamment d’informations pour les retracer, et surtout parce que trop d’années se sont écoulées. Ils sont de la troisième ou quatrième génération de descendants de travailleurs engagés venus pour travailler dans les camps sucriers. Bien installés à Maurice, ils n’ont, cependant, jamais voulu oublier leurs origines. Pour préserver ce lien d’appartenance à l’Inde, ils s’accrochent donc aux bribes d’histoires ou aux souvenirs qui ont survécu au temps.
“Je ressens à la fois un sentiment de révolte et de fierté. Même si mon arrière-grand-père a fait le choix de venir à Maurice et qu’il est resté malgré les conditions de travail, sa vie n’a pas été simple. Aucun de ces travailleurs n’a eu la reconnaissance qu’il méritait alors que ce sont bien nos aînés qui ont bâti notre pays. Je connais mes origines, et c’est très important pour moi. Je compte bien expliquer et transmettre ces informations à mes petits-enfants”, relate Noël Chowriamah.

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