Assemblée nationale – À la mi-journée : La drogue et les missions enflamment l’hémicycle

La reprise des travaux de l’Assemblée nationale a été marquée par des moments de tension que ce soit lors de la Private Notice Question sur le fléau des drogues synthétiques et le refus du gouvernement de divulguer le montant des dépenses encourues sur 258 missions ministérielles. D’ailleurs, avant même la première heure des travaux, la Speaker, Maya Hanoomanjee, a dû sortir les rappels à l’ordre.

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De son côté, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a défendu la politique du gouvernement en matière de lutte contre la prolifération de drogue à Maurice en mettant de l’avant « les saisies records » de ces derniers mois. Pressé au sujet de la recommandation du rapport de la commission d’enquête sur la drogue quant au démantèlement de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) et son remplacement par la National Drug Investigation Commission, il a mis en avant que la question relève des responsabilités du comité ministériel sous sa présidence. « Il y a des mesures qui sont fondamentales. There are some measures which will require fundamental changes in the law. We are addressing the issues. In time to come, I will be discussing the issue (ADSU) with my colleagues ministers. Le conseil des ministres sera appelé subséquemment à prendre des décisions qui s’imposent », s’est appesanti le Premier ministre.

De son côté, le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, devait acculer le Premier ministre sur le niveau de sécurité dans le port. Il voulait savoir si le chef du gouvernement est informé de l’état de choses par rapport aux deux radars dans le port. « Ces deux radars dans le port, permettent de suivre le mouvement des navires. Est-il au courant de ce détail ? » devait-il se demander. Finalement, Pravind Jugnauth devait avouer que « I was not aware » en ajoutant que le nécessaire est en cours pour les réparations nécessaires. Sur la question de la drogue, le leader du PMSD a relevé que les prix de la drogue, surtout ceux des drogues synthétiques, sont à la portée des enfants.

Le Premier minstre s’est gardé de commenter la décision du chef commissaire de Rodrigues, Serge Clair, après la publication du rapport de la commission d’enquête sur la drogue.  « I understand that there has been a debate at the Rodrigues Regional Assembly. I don’t want to interfere in the affairs of the Rodrigues Regional Assembly », devait-il faire comprendre à une interpellation supplémentaire du leader de l’opposition, qui voulait savoir si le Premier ministre a demandé à Serge Clair de Step Down entre-temps.

À l’issue des échanges sur la PNQ se déroulant dans une ambiance tendue, la PQ de Rajesh Bhagwan sur les dépenses pour les missions officielles a donné lieu à des échanges tendus. Face aux dénonciations d’opacité du député du MMM, Pravind Jugnauth devait répondre que de 2004 à ce jour, l’Assemblée nationale est en attente d’une réponse promise par l’ancien Premier ministre d’alors, Paul Bérenger, suite à une interpellation du député Rajesh Jeetah du parti Travailliste à ce même sujet.

La première PNQ du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, pour la reprise des travaux parlementaires, portait sur l’ampleur et la prolifération des drogues synthétiques dans le pays. Il a demandé au Premier ministre si, « en ce qui concerne la prolifération considérable de substance psychoactive à Maurice et à Rodrigues », comme indiqué au paragraphe 2.16 du rapport de la Commission d’enquête sur le trafic de drogue à Maurice, il indiquera « s’il a discuté de cet état de choses avec les agences responsables de lutter contre le trafic de drogue » et, dans l’affirmative, s’il en indiquera le résultat. Ce à quoi le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a fait comprendre que « contrairement à l’ancien gouvernement », il avait tenu sa promesse d’instituer une commission d’enquête sur la drogue, laquelle commission a soumis son rapport.

Formation appropriée

Il a ainsi expliqué que lors d’une précédente interpellation parlementaire, il avait informé la Chambre « de toutes les mesures qui ont été prises ». Selon Pravind Jugnauth, le rapport fait l’objet de discussions avant tout avec les ministères concernés, dont ceux de la Santé et de l’Éducation. Il a également dit avoir eu des rencontres avec « toutes les institutions qui se sont engagées dans la lutte contre le trafic » de drogue, comme la MRA, la FIU, la police et les autorités portuaires et aéroportuaires, précisant qu’un comité conjoint – comprenant la MRA, la police et les autorités portuaires – a été institué. Des mesures ont été prises « avant, pendant et après » les travaux de la commission d’enquête, a-t-il ajouté. « Toutes les parties prenantes ont reçu la formation appropriée. Des chiens renifleurs ont été formés pour détecter toutes formes de drogues. Un chien sera envoyé à Rodrigues. » Le Premier ministre a aussi donné une longue liste d’équipements qui ont été achetés afin de contribuer à la lutte contre la drogue. Tout en insistant sur la volonté de pratiquer une politique de « tolérance zéro », il a rappelé que la lutte contre la drogue est une « national issue ».

Le leader de l’opposition a d’entrée affirmé que le gouvernement est « en train de faire “too little too late” ». Selon lui, il y a une « tremendous surge » de drogue synthétique dans le pays avant de demander au Premier ministre s’il est « au courant du prix auquel les drogues sont disponibles » sur le marché.

Nette diminution

Pravind Jugnauth a dit son désaccord avec le leader de l’opposition, lui demandant pourquoi, alors qu’il faisait partie du gouvernement PTr/PMSD, il n’avait pas « insisté sur l’institution d’une commission d’enquête » sur la drogue. Et de se dire « convaincu » que prenant en compte les quantités de drogues saisies, le volume le drogues sur le marché est « en nette diminution », expliquant à ce titre discuter de la situation avec le commissaire de police « tous les jours » et qu’il assiste à « des réunions régulières avec l’ADSU ».

Xavier-Luc Duval est revenu à la charge pour donner les prix auxquels la drogue est disponible sur le marché local, avant de qualifier la situation de « dramatique ». À la suite quoi le Premier ministre a reconnu que « le problème de la drogue synthétique est le même dans le reste du monde » et que plusieurs pays « ont tiré la sonnette d’alarme » à ce propos. Il a par ailleurs admis que le prix des drogues synthétiques est « très bas » et que ces drogues sont « facilement disponibles ». En outre, dit-il encore, leur fabrication « évolue, ce qui fait qu’il est difficile de la contrôler ». Cependant, ajoute-t-il aussitôt, « nous déployons toute notre énergie pour la contrôler ».

Xavier-Luc Duval s’est ensuite attaqué directement au gouvernement en affirmant que, depuis son arrivée au pouvoir, en 2014, « la situation a empiré ». Et d’observer que « le nombre de décès a doublé, le nombre de personnes admises à l’hôpital a doublé et le taux de criminalité a également doublé ». Pour lui, la politique du gouvernement a de fait « été un échec », demandant dans le même souffle au Premier ministre de « voir la vérité en face ».

État d’urgence

Le pays est « en situation d’état d’urgence au niveau de la drogue », a encore estimé le leader de l’opposition. À partir de là, le ton des échanges est monté d’un cran, Pravind Jugnauth finissant par accuser le gouvernement PTr/PMSD d’être « responsable de la prolifération de drogue » dans le pays, provoquant ensuite une bruyante protestation de la part du PMSD et du PTr. « Vous avez été dans le gouvernement pendant dix ans et qu’avez-vous fait ? », a ainsi lancé le Premier ministre à l’adresse de Xavier-Luc Duval. Poursuivant ses interpellations, ce dernier a demandé au Premier ministre quelles étaient les mesures qui ont été prises pour remplacer l’ADSU par une autre institution, comme recommandé par le rapport de la commission. Et d’accuser dans le même temps Pravind Jugnauth d’avoir « désavoué la commission d’enquête en félicitant le travail abattu par l’ADSU ». Ce à quoi le Premier ministre a félicité à nouveau les membres de l’ADSU pour « le travail abattu » tout en reconnaissant néanmoins qu’il y a « des “blacksheep” » et que des mesures « seront prises à leur encontre ». Poursuivant, le Premier ministre a expliqué que « même s’il n’y a pas de preuve, des membres de l’ADSU ont été transférés et des enquêtes ont été initiées ». Par ailleurs, il souligne qu’un comité ministériel se penche actuellement « sur toutes les recommandations de la commission d’enquête », précisant que « s’il faut restructurer l’ADSU, la question sera débattue au gouvernement et des dispositions seront prises ».

Autre moment fort de l’exercice : l’affirmation du leader de l’opposition à l’effet que « deux radars stratégiques ne fonctionnent pas » dans le port. Le Premier ministre, pris de court, a demandé des renseignements à ses conseillers, ce qui a donné lieu a des quolibets en provenance des rangs de l’opposition. « Gouvernman inkonpetan e konseye inkonpetan », a ainsi lancé Rajesh Bhagwan. Finalement, le Premier ministre a obtenu la réponse attendue, rassurant que les deux radars défectueux « seront remplacés ». Xavier-Luc Duval a également interpellé le Premier ministre concernant Serge Clair, ce à quoi il a répondu que la question a été évoquée à l’Assemblée régionale et qu’il ne voudrait s’ingérer dans les affaires rodriguaises. Et de préciser aussi que Serge Clair a demandé une “judicial review”.

À l’exception de Vishnu Lutchmeenaraidoo et du ministre Sawminaden, tous les parlementaires étaient présents ce matin. La députée Danielle Selvon, qui siège désormais en indépendante, occupe désormais la dernière rangée aux côtés d’Alan Ganoo. À noter que la séance a aussi été marquée par l’élection de Joe Lesjongard comme Deputy Speaker, l’opposition lançant « transfuge » en sa direction. Son élection a été applaudie par la majorité. Un hommage a aussi été rendu à l’ancien député Poonith, qui est décédé.

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