Assemblée nationale : diplomatique comme la der de 2017

-Pour l’une des rares fois, le ministre Lutchmeenaraidoo sollicité sur la frustration grandissante aux Affaires étrangères avec le cas de l’ex-ambassadeur Gunnessee et le Parlement panafricain

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-Le Minister Mentor, SAJ, préfère la formule « disclosure of any information  in connection with the case would be prejudicial to the investigation process »

-L’ex-PPS Kalyan Tarolah suscite la polémique alors que la Speaker, Maya Hanoomanjee, se fait intraitable par rapport aux documents soumis par les parlementaires

Le ton était diplomatique pour la dernière séance du Question Time de cette année avant les grandes vacances de fin d’année, devant intervenir vendredi. Ainsi, le ministre des Affaires étrangères, Vishnu Lutchmeenaraidoo, qui a connu une année parlementaire relativement « low profile », a été sollicité à plusieurs reprises par les députés de l’opposition sur des sujets relevant du ministère des Affaires étrangères. Le député Rajesh Bhagwan s’est intéressé à la frustration grandissante au ministère des Affaires étrangères alors que Franco Quirin a délaissé momentanément son terrain de prédilection, le sport, pour s’aventurer sur le plan de la diplomatie, notamment l’avenir du Parlement Panafricain de l’Union européenne. De son côté, le Minister Mentor, sir Anerood Jugnauth, demeure tout aussi tranchant dans la teneur de ses réponses aux Parliamentary Questions, rappelant à chaque fois que dans l’état des enquêtes policières toute divulgation d’informations pourrait porter préjudice.

L’un des rares moments de tension au sein de l’hémicycle a été cette bataille rangée verbale entre des députés du PMSD Thierry Henry, Adrien Duval et Salim Abbas-Mamode et la Speaker, Maya Hanoomanjee, pour couper court à des interpellations en vue de permettre à l’ancien Parliamentary Private Secretary Kalyan Tarolah de signer sa première PQ depuis sa démission forcée dans le sillage de Lalang Gate. Les quolibets et invectives n’ont pas manqué à ce stade. De son côté, le backbencher de la majorité Sudesh Rughoobur n’a pas eu de chance entre les mains de la Speaker, qui s’est montrée intraitable au sujet des documents, dont une lettre confidentielle de l’Independent Commission Against Corruption, qu’il voulait déposer sur la table de l’Assemblée nationale.

Le député Rajesh Bhagwan a tiré la première salve contre le chef de la diplomatie en réclamant des précisions au sujet des critères pour le Special Posting, le Cross Posting ou encore le paiement d’allocations spéciales pour les affectations diplomatiques dans des régions à risques. Le ministre a fait état des « well established criteria » mis en place au ministère pour les Postings du personnel des ambassades mauriciennes à l’étranger. Il a ajouté que Antananarivo, Addis Abeba, Islamabad et Maputo sont considérés comme des affectations difficiles avec un Tour of Service plus court que dans les autres capitales et le paiement d’une Hardship Allowance en guise de compensation. Cette allocation est de 1 000 dollars à tout officier du ministère muté à une mission diplomatique dans l’une de ces capitales.

Bhagwan : Mais, il y a le cas d’un Blue-Eyed Boy, un dénommé Y. R., qui bénéficie de tous les privilèges lors des affectations à l’étranger, contrairement au traitement administré aux autres membres du personnel. Une telle situation débouche sur un climat de frustration parmi le personnel du ministère des Affaires étrangères car le dénommé Y. R. est très proche des politiciens.

Lutchmeenaraidoo : Je ne connais pas le dénommé Y. R. Ce qu’il faut savoir, c’est que depuis l’indépendance, les postes diplomatiques sont assumés par des nominés politiques. Mais nous voulons que dorénavant ce soit un mélange de nominés politiques et de diplomates chevronnés et expérimentés.

Bhagwan : Le ministre doit être au courant combien il est frustrant pour des diplomates professionnels de recevoir des instructions de la part des nominés politiques ?

Lutchmeenaraidoo : I would not agree. Ce qu’il doit savoir c’est que nous avons aboli les postes d’attaché commercial dans les ambassades. Ces postes étaient occupés par des nominés politiques. Nous avons pris la décision d’insuffler un nouvel élan au ministère des Affaires étrangères. Nous procédons à une restructuration du ministère en mettant l’accent sur de la Capacity Building. Nous voulons créer les meilleures conditions possibles pour que les officiers puissent donner le maximum d’eux-mêmes.

Bhagwan : Le ministre compte-t-il faire appel à l’expertise de l’Inde pour revoir le service de protocole à son ministère, qui est tombé à son niveau le plus bas ? En tant que parlementaires, nous savons de quoi, il en retourne ?

Lutchmeenaraidoo : That’s a good question. The Protocol Service needs to be adapted. Nous avons démarré ce matin un séminaire de quatre semaines. Nous avons un urgent besoin de se montrer proactifs. We are moving on the e-diplomacy platform. Tout récemment, le Premier ministre a signé un protocole d’accord avec l’Estonie pour pouvoir bénéficier de la meilleure plateforme en e-diplomacy. This is a global move en vue d’améliorer la capacity-building.

À peine avait-il eu le temps de se recomposer que le ministre Lutchmeenaraidoo faisait face à une interpellation au sujet d’un ancien ambassadeur, Satiawand Gunnesee, au cœur d’une sinistre affaire de propos relevant du racisme alors qu’il occupait d’importantes fonctions diplomatiques à l’étranger. Dans sa réponse liminaire à la Parliamentary Question d’Osman Mahomed au sujet de cet ancien ambassadeur propulsé à d’importantes fonctions constitutionnelles récemment, le ministre devait confirmer que cette affaire de « disparaging remarks » avait opposé Noël Lee Cheong Lem et l’ambassadeur Gunnessee à la fin de 2010.

Suite à une lettre de dénonciations de Noël Lee Cheong Lem contre l’ambassadeur Gunessee, le premier nommé a été appelé à donner de plus amples détails concernant ses accusations. « But they were of general nature. Il n’y a rien de substantiel dans les dénonciations et les choses en sont restées là », devait-il ajouter.

Bérenger : To pa ti bizin dir so nom.

Mahomed : Aujourd’hui, l’auteur de ces propos, qui puent le racisme, a été nommé à la tête d’une importante institution constitutionnelle. Qu’a répondu le ministre quand il a été question du caractère de cet ancien ambassadeur lors des procédures pour la récente nomination ?

Lutchmeenaraidoo : Sorry… My first reaction was one of confusion. Both were political nominees. It looks like a règlement de comptes entre eux.

Alors qu’il voulait poursuivre le fil de ses interpellations supplémentaires, Osman Mahomed a été stoppé par la Speaker par rapport aux documents cités et qu’il voulait déposer sur la table de l’Assemblée pour étoffer ses dénonciations contre l’ancien ambassadeur et son éventuelle disqualification à ce nouveau poste.

Speaker : You ask a question on him as a former ambassador. You can’t ask any question on his actual capacity. Déposez vos documents sur la table de l’Assemblée et après leur examen, je déciderai s’ils sont acceptables ou non.

Le ministre des Affaires étrangères a fait comprendre au député Quirin que Maurice n’est pas très chaude à l’idée d’être partie prenante du Malabo Protocol de l’Union africaine pour accorder des pouvoirs législatifs au Parlement panafricain. Il a ajouté que sur les 55 États membres de l’Union africaine, seuls cinq ont ratifié ce protocole tout en ajoutant que « Mauritius has not signed the 2014 Protocol ». Il a fait comprendre que la réticence de Maurice se situe au niveau de la perte de souveraineté de l’Assemblée nationale au profit du Parlement panafricain.

Devant la pression exercée par les députés Quirin et Reza Uteem, qui représente Maurice sur le Parlement panafricain, Vishnu Lutchmeenaraidoo maintient que « we should not move too fast ».

Tout au long de la tranche du Question Time, le Minister Mentor, sir Anerood Jugnauth, ne s’est pas départi de son attitude « minimum answer » face au barrage de l’opposition. Tel a été le cas lors de la Private Notice Question du leader de l’opposition Xavier-Luc Duval, sur l’état de la force policière et également avec les autres PQs d’hier après-midi. Le député du MMM Reza Uteem a soulevé le dossier Dhobi de Klas, avec les révélations dans l’affidavit de Hussein Abdool Rahim débouchant sur la démission de Ravi Yerrigadoo comme Attorney General en septembre dernier.

Sir Anerood devait soutenir que le dénommé Abdool Rahim a consigné trois dépositions à la police, le 21 au Central CID pour le délit de conspiracy, le 27 septembre pour infraction au Computer Misuse and Cybercrime Act et le 17 octobre pour une affaire de détournement de fonds. Poursuivant, le Minister Mentor ajoute que ces enquêtes sont toujours en cours et que « as at date no person has been arrested ».

« Being given that investigation into the three cases is still in progress, at this point in time, disclosure of any information pertaining thereto would be highly prejudicial to the enquiry », a ajouté sir Anerood.

Uteem : C’est un dossier extrêmement délicat. A la suite de cette affaire, l’ancien Attorney General a dû soumettre sa démission. It is a very serious matter… La police a-t-elle déjà enregistré la déposition de l’ancien Attorney General…

SAJ : Les enquêtes sont toujours en cours. In due course, we’ll know…

Uteem : Le dénommé Abdool Rahim a juré un affidavit avec des copies remises aux autorités, dont la police. Puis, il s’est rétracté. C’est déjà un délit criminel. A-t-il eu l’occasion de discuter avec le commissaire de police pour savoir pourquoi il n’a pas fait l’objet d’une arrestation ?

SAJ : I’m not discussing anything with the commisioner of police.

Bhagwan : Le dénommé Abdool Rahim bénéficie-t-il encore de la protection policière 24 heures sur 24 ?

SAJ : I don’t know.

Uteem : Peut-il confirmer si dans le cadre de ces enquêtes, l’assistance des autorités étrangères, dont celle de la Suisse, a été sollicitée en raison des ramifications sur le plan international ?

SAJ : I need a specific question.

Un enregistrement vidéo avec des interventions relevant du délit d’incitation à la haine raciale, avec un membre de la force policière impliqué, a soulevé des passions au sein de l’hémicycle. Sir Anerood a  confirmé que « in the video, a male person, Mr. D, was addressing a religious gathering at L’Espérance Trébuchet and he made use of words of communal nature.  The Police IT Unit downloaded the clip and submitted it to the CCID for enquiry. I am also informed that during the course of Police investigation, eight persons were interviewed and their statements recorded.  So far, no person has been arrested in connection with this matter. Given that the enquiry is still ongoing, disclosure of any information in connection with the case would be prejudicial to the investigation process ».

Abbas-Mamode : Le Premier ministre est-il au courant qu’une déposition a été consignée par des représentants des corps religieux…

SAJ : I’ve already answered.

Adrien Duval : Malgré la gravité du délit, aucune sanction n’a été prise à l’encontre de cet officier de police. Il n’y a qu’un simple transfert. Peut-il confirmer si des mesures disciplinaires sont envisagées dans cette affaire ?

SAJ : So far, I know that several steps have been taken…

Uteem : Le Premier ministre concède-t-il que cette affaire est d’une extrême gravité et qu’elle relève d’incitation à la haine raciale avec pour auteur un membre de la force policière ? Dans ce genre de cas, le commissaire de police se doit de prendre des mesures pour éviter tout dérapage ?

SAJ : Il a pris des mesures pour que la paix puisse prévaloir dans le pays. There is  no threat to peace.

Mohamed : Le commissaire de police fait preuve de diligence pour procéder à l’arrestation de citoyens pour des remarques contre des membres du gouvernement. Par contre dans d’autres cas plus graves, comme des insultes à l’encontre d’une communauté spécifique et d’incitation à la haine raciale, no action whatsoever…

SAJ : The honorable member has come and made certain insinuations against the commissioner of police and of which I’m not aware…

Speaker : Next question…

Abbas-Mamode (protestant) : Mais c’est mon interpellation parlementaire,  j’ai droit à une interpellation parlementaire supplémentaire, je crois.

Maya Hanoomanjee ne veut rien entendre des protestations des députés du PMSD et maintient que la parole est à l’ex-PPS Tarolah pour sa PQ sur la circonscription No 10. Les remarques montent crescendo avec en première ligne les députés Henry, Abbas-Mamode et Adrien Duval.

Speaker (à l’adresse d’Abbas-Mamode) : You can’t argue with me.

Henry : Tarolah, tire to la lang…

Speaker : You can’t argue. If you continue, I’ll order you out…

Henry : Dir li bizin tir foto (kouma Tarolah) pou gagn drwa poz kestion…

Bérenger : Donn li kas pou so telefonn…

Abbas-Mamode : It’s very unfair. It is my PQ….

Alors que le député Ravi Rutnah tente d’intervenir, des députés de l’opposition lui rappellent qu’il était sur l’estrade à L’Espérance Trébuchet lors du rassemblement en question. Le dernier des backbenchers du gouvernement, Kalyan Tarolah, pose sa première interpellation dans un brouhaha indescriptible avec l’opposition montrant son désaccord avec l’intervenant, sur qui pèse la motion de blâme déposée par Rajesh Bhagwan et inscrite à l’ordre du jour de vendredi comme pour la clôture de la présente session de l’Assemblée nationale…

***

Ces envolées parlementaires qui collent

« We may cough. We may laugh. Whatever we do, we have to respect our laws » (Le PM suppléant, Ivan Collendavelloo, au sujet de la confidentialité octroyée aux enquêtes de l’ICAC)

« The document cannot be tabled inasmuch as it divulges the identity of the informer » (Maya Hanoomanjee au sujet d’un document de l’ICAC en possession du député Rughoobur)

« All cases fixed for trial had to be postponed for unavailability of briefs » (L’Attorney General, Manesh Gobin, au sujet de la panne de l’e-filing system à la Commercial Court)

« The minister (Bodha) has been quite harsh, maybe unwittingly. Is he ready to have a meeting with the two officers (of the RDA) to clear the air and there is no bad blood » (Shakeel Mohamed au sujet de deux ingénieurs interdits de fonctions puis réintégrés)

« Pou anter twa dans Ring Road » (Paul Bérenger au ministre Bodha)

« Je suis perdu. Cela fait mille et une questions dans une questions » (Le ministre Toussaint après une interpellation supplémentaire du député Lepoigneur)

« Nous pensons qu’il est prématuré pour que le Parlement panafricain puisse avoir des pouvoirs exécutifs » (Vishnu Lutchmeenaraidoo à une interpellation de Franco Quirin)

« The quality of road marking is worse » (Rajesh Bhagwan sur le dossier des accidents)

« I don’t think theatricals will help » (Le PM suppléant, Ivan Collendavelloo, répondant à Shakeel Mohamed)

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