BAI : Le CCID s’attaque à l’énigme des Rs 3,6 mds

Alors que depuis le 17 avril dernier, officiellement la Banque des Mascareignes nie toute connaissance du dossier des découverts bancaires de Rs 3,6 milliards le 31 décembre 2009, le jour de la fermeture des comptes du groupe BAI, l’ancienne directrice générale de la banque BCBG, Nelly Marie Isnelle Jirari, 51 ans, habitant La Réunion, a donné une autre version des faits. De ce fait, les limiers du Central CID, menés par le surintendant Mannaram et les assistants surintendants de police Rugbur et Dyall, sous la supervision de l’assistant commissaire de police Heman Jangi, sont en mesure de déchiffrer les dessous de l’énigme de l’opération de Window Dressing de ce 31 décembre 2009. Nelly Jirari, qui était à la tête de la Banque des Mascareignes au moment des faits, a été rattrapée par l’écroulement de l’empire Rawat dans le cadre de l’opération « Daylight Robbery » et a été interpellée hier après-midi alors qu’elle était en transit à Maurice à l’hôtel Holiday Inn de Plaine-Magnien. Ce développement majeur devrait générer des rebondissements dans l’enquête sur le détournement de fonds de Rs 23 milliards du groupe BAI avec très probablement la convocation formelle de Jean-Claude Liong, Signing Partner et Varsha Bishundat de KPMG comme étant le prochain move du Central CID. D’autre part, la reprise de l’interrogatoire du Chief Operating Officer du groupe BAI, Seemadree Rajanah, devrait se dérouler dans de nouvelles conditions aujourd’hui.
Presque 70 mois après avoir autorisé des découverts bancaires exceptionnels en vue de maquiller les chiffres de la banqueroute du groupe BAI du Chairman Emeritus Dawood Rawat, Nelly Jirari, aujourd’hui une Financial Consultant de profession, a passé hier une première nuit en cellule policière au Moka Detention Centre. Avec les documents versés dans le volumineux dossier à charge du BAI Ponzi Scheme, le Central CID s’était intéressé depuis quelque temps déjà aux responsabilités de l’ancienne patronne de la Banque des Mascareignes.
De ce fait, une Notice Upon Arrival, quasiment une arrestation dès la descente d’avion, avait été logée au Passport and Immigration Office (PIO) contre Nelly Jirari. En fin d’après-midi hier, l’alerte était donnée par le PIO, qui avait relevé que la Réunionnaise en question était en transit à Maurice. Les enquêteurs du Central CID, menés par l’assistant surintendant de police Dyall, n’ont eu aucune peine pour la cueillir à l’hôtel Holiday Inn, attendant d’embarquer alors que ses valises étaient déjà à l’aéroport.
Emmenée sous forte escorte policière au QG du Central CID, l’ancienne directrice de la Banque de Mascareignes a été interrogée Under Warning pendant plus de six heures jusqu’à minuit. Confrontée à la Documentary Evidence (voir graphique plus loin) au sujet des mouvements de ces Rs 3,6 milliards de découverts bancaires en date du 31 décembre 2009, elle n’a eu d’autre choix que de concéder qu’elle avait donné l’autorisation de cette transaction bancaire, sans le feu vert préalable de la Banque de Maurice, en date du 30 décembre 2009. Elle devait s’appesantir sur le fait que le jour du transfert de fonds, soit le 31 décembre 2009, elle n’était pas à Maurice, ayant pris l’avion pour se rendre à l’étranger pour les fêtes de fin d’année.
Des recoupements d’informations auprès des sources concordantes indiquent que lors de son interrogatoire dans la nuit d’hier à ce matin, Nelly Jirari a coopéré avec les enquêteurs du Central CID tout en niant toute responsabilité dans cette affaire en faisant état de l’identité des membres du groupe BAI, notamment les Authorised Signatories de British American Investment and its related companies, qui étaient engagés dans ces discussions menant à ce mouvement de Rs 3,6 milliards entre les différentes entités de ce conglomérat en vue de maquiller la faillite dès le 31 décembre 2009.
Window Dressing
L’ancienne N° 1 de la Banque des Mascareignes, en poste de 2007 à 2012, rejette toutefois les accusations sur les autres membres de la banque même si sa signature autorisant ce transfert fictif de Rs 3,6 milliards apparaît. Lors de sa comparution devant le tribunal de Rose-Hill, la police compte objecter à la remise en liberté vu le nombre de complices et de coaccusés à être appréhendés et inculpés sous l’article 97 (21) (a) de la Banking Act, notamment des « false entries in the several statements of account » du groupe BAI à la Banque des Mascareignes.
À ce stade, la Banque de Maurice pourrait décider d’agir contre la Banque des Mascareignes pour des infractions à la Banking Act. Depuis avril dernier, quand cette affaire de découverts bancaires de Rs 3,6 milliards au groupe de Dawood Rawat a éclaté, la Banque Centrale avait préféré jouer la prudence en attendant les conclusions de l’exercice de Forensic auditing de nTan Corporate Advisory Pte Ltd avant d’agir avec des sanctions. Maintenant, avec les quasi-aveux de l’ancienne directrice générale de la Banque des Mascareignes au Central CID, la Banque de Maurice pourrait être forcée à changer de fusil d’épaule dans cette affaire.
L’une des principales accusations retenues par le Central CID contre Nelly Jirari est des plus graves avec un complot ourdi avec d’autres responsables de la Banque des Mascareignes et les Authorised Signatories du groupe BAI, déjà identifiés dans les documents en possession de la police pour ce qui est confirmé comme une opération de « Daylight Robbery ». Elle avait autorisé le 31 décembre 2009 un transfert fictif de Rs 3,6 milliards du compte 01961611000 opéré à la Banque des Mascareignes au nom de la British American Investment Co Ltd alors que dans ce compte à cette date il n’y avait qu’un solde positif de Rs 1 000, ne permettant nullement d’envisager une telle opération bancaire.
Subséquemment, ces découverts de Rs 3,6 milliards ont été crédités sur le compte de la BAI Co (Mtius) Ltd, une des filiales de British American Investment Ltd, au sein de cette même banque, avec une nouvelle répartition des fonds comme suit dans des filiales du groupe BAI :
Rs 1,4 milliard à la société ILSAT Ltd,
Rs 1 milliard à la BAS Holding Co Ltd et
Rs 1,2 milliard à ACRE Services Ltd.

En fin de journée, le 31 décembre 2009, le montant de ces Rs 3,6 milliards a été retourné dans le compte de British American Investment dans le cadre d’une opération de Window Dressing et de Reverse Window Dressing pour maquiller la banqueroute du groupe BAI. Les informations fournies à ce jour par Nelly Jirari, rattrapée par ce jeu d’écriture, ont ouvert un véritable boulevard dans l’enquête du central CID avec des responsables de la Banque des Mascareignes et les directeurs du groupe BAI intégrant la liste des suspects à être convoqués formellement pour le délit de complot avec faux et usage de faux sous les dispositions de la Banking Act.
Convocation formelle
Dans une première réaction officielle après l’arrestation de son ancienne directrice générale dans le scandale BAI, la Banque des Mascareignes a émis un communiqué pour souligner que « Mme Jirari ne fait plus partie de la banque depuis 2012 », détail que celle-ci a déjà communiqué au central CID depuis hier soir car elle était en poste de 2007 à 2012. « La direction de la banque tient à rassurer ses clients et le public en général sur l’importance qu’elle accorde au strict respect des règles de conformité au sein de son établissement. La Banque des Mascareignes collabore pleinement avec la Banque de Maurice et les autorités judiciaires afin que toute la lumière soit faite sur cette affaire ».
Dans l’immédiat, les données auront changé de manière dramatique dans l’interrogatoire de Rajanah Seemadree, le Chief Operating Officer du groupe BAI. Depuis ce matin, ce suspect est entendu Under Caution au QG du Central CID. Il pourrait être confronté aux nouveaux éléments versés dans le dossier à charge par l’ancienne directrice générale de la Banque des Mascareignes. Indépendamment de toute stratégie que pourront adopter les enquêteurs du Central CID, Seemadree Rajanah devra sentir de nouveaux poids sur ses épaules au sujet de ses responsabilités dans la fraude et les détournements de fonds, portant sur des dizaines de milliards de 2010 à avril 2015.
D’autre part, l’inculpation de Nelly Jirari vient compromettre davantage la position de Jean-Claude Liong, Signing Partner et Varsha Bishundat de KPMG, qui avaient procédé à une Audit Presentation des comptes de la BAI à la fin de 2010 lors d’une réunion avec les membres du BAI Audit Committee et du Top Management du groupe le 29 mars 2011. À ce stade, tout semble indiquer que le prochain Move du Central CID pourrait être de convoquer formellement ces deux responsables du bureau d’experts-comptables KPMG pour interrogatoire sur les pages 14 à 18 de la BAI Audit Presentation.
À ce chapitre, le tandem d’auditeurs de KPMG s’était interrogé si « the substance of capital injection transaction of Rs 3.6 billion – Book Entry » ou encore « course of action to sustain future losses – would further capital injections of similar nature as above ben undertaken » et la mise en garde à l’effet que « increase in deposits relaying to Single Premiums would lead to increase costs in future ».
Mais la séance d’interrogatoire que devront subir Jean-Claude Liong et Varsha Bishundat pourrait être éprouvante car ils devront confirmer qu’au 31 décembre 2009, les comptes bancaires de British American Investment Ltd à la Banque des Mascareignes ne contenaient que Rs 1 000, « not sufficient funds » et cela avant les découverts bancaires de Rs 3,6 milliards. Le trou de Rs 10 milliards dans les comptes de KLAD Investments Ltd de Dawood Rawat aux Bahamas fera également partie du questioning à venir.
En dépit de ces chiffres accablants, KPMG a émis des Clean Audit Reports pour le groupe BAI de 2010 à 2014. Une équation comptable difficile à comprendre et qui devra être élucidée lors des prochaines étapes de l’enquête du Central CID…

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