BAI : Les secrets des archives de la Banque des Mascareignes

Pour le cinquième jour consécutif, l’escouade du Central CID, sous la supervision de l’assistant commissaire de police Heman Jangi, multiplie les opérations en vue de faire la lumière sur les dessous des découverts bancaires de Rs 3,6 milliards au groupe BAI de Dawood Rawat pour 24 heures le 31 décembre 2009. L’objectif est d’identifier formellement l’origine des instructions pour cette opération bancaire sans l’autorisation de la Banque de Maurice en vue de dissimuler la banqueroute financière de l’empire Rawat depuis fin 2009. Alors que les dossiers des archives de la Banque des Mascareignes, la filiale mauricienne du deuxième plus important groupe bancaire en France, la Banque Populaire Caisse d’Épargne (BPCE), sont épluchés de manière systématique, le Central CID a procédé ce matin à la quatrième arrestation de la série. Tout semble indiquer que l’ancien Relations Manager à la Banque des Mascareignes, Jean-Jacques Fung-Wah Heen-Fah, 44 ans, aujourd’hui employé à l’AfrAsia Bank, devra connaître le même sort que ses anciens collègues, soit un passage en cellule policière après la séance initiale d’interrogatoire Under Warning du jour. Sur un autre front, la clinique Apollo-Bramwell, qui n’a jamais réalisé de profits, entame une difficile remise sur les rails sous la houlette de la State Investment Corporation. Mais la direction de la clinique se heurte à un obstacle majeur, la demande des sociétés fournissant des médicaments et autres équipements médicaux, soit IBL, Mauritius Pharmacy et Chemtech, de se faire rembourser au moins une partie des factures non payées avant le 10 avril dernier.
En cette fin de semaine, la priorité du Central CID par rapport au volet de l’enquête consacré à l’énigme des Rs 3,6 milliards au groupe BAI est d’établir de manière formelle la chronologie des événements menant au 31 décembre 2009 avec cette importante somme créditée au compte de British American Investment avec des crédits de Rs 1 000 seulement. L’ancienne directrice générale de la Banque des Mascareignes Nelly Jirari a levé un bout du voile en indiquant que les directives sont venues de Paris, dont de la maison mère de la BPCE, et qu’elle n’était pas à son poste le jour de l’exécution de ces ordres incriminés.
La ressortissante réunionnaise Nelly Jirari, qui devra se présenter aujourd’hui devant la Bail and Remand Court pour sa motion de remise en liberté provisoire, a promis de revenir avec une Further Statement au sujet de ces directives, transmises par voie de télécopie au QG de la Banque des Mascareignes. En parallèle, les enquêteurs du Central CID ont débarqué à la banque dans la journée d’hier en vue de confronter la direction générale avec les derniers éléments des interrogatoires et pour verser de la Documentary Evidence dans le dossier à charge. Jusqu’ici, ce document crucial est classé dans la catégorie « missing ».
“Done deal”
Par ailleurs, une nouvelle arrestation, la quatrième de la série Banque des Mascareignes dans le cadre de l’opération Daylight Robbery avec l’écroulement de l’empire Rawat, est intervenue ce matin. L’ancien Relations Manager de la Banque des Mascareignes, responsable du Corporate Portfolio, Jean-Jacques Fung-Wah Heen-Fah, a été interpellé sur son lieu de travail dans les locaux de l’AfrAsia Bank. Il a été emmené aux Casernes centrales sous forte escorte policière.
Le Central CID soupçonne cet ancien cadre de la Banque des Mascareignes d’être un des maillons forts dans le réseau mis en place pour favoriser les Suspicious Transactions en faveur du Chairman Emeritus de la BAI à la fin de 2009. Son interrogatoire devra durer toute la journée et tout semble indiquer qu’il devra passer la nuit en cellule policière avec une inculpation provisoire de complot sous la Criminal Code (Supplementary) Act et la Banking Act devant la Bail and Remand Court.
De son côté, l’ancien Corporate Director de la Banque des Mascareignes, Unmole Lobine, dont la signature figure sur des documents bancaires incriminés, a passé la nuit d’hier à ce matin en cellule au Moka Detention Centre. Ce suspect, qui a retenu les services de Me Gavin Glover, Senior Counsel, a été reconduit au QG du Central CID pour la reprise de son audition Under Caution. Il nie les allégations de complot dans les découverts bancaires de Rs 3,6 milliards aux entités du groupe BAI.
Tout comme Nelly Jirari, Mohammad Bin Akheel Medhi Ackbarally, le dénommé Unmole Lobine devra être inculpé de la même charge, soit complot « to make false entry in a statement of account » en vue de maquiller les comptes de ce groupe. Dans la matinée, les indications sont que la police compte objecter à toutes les motions de remise en liberté provisoire dans les cas relevant de la Banque des Mascareignes tant que tous les suspects, soit « les bank officers and authorised signatories of British American Investment and Related Entities » impliqués dans ce done deal ne sont pas interpellés, interrogés et inculpés provisoirement.
En clair, cela veut dire que ces quatre suspects passeront le week-end au moins en cellule policière. La tournée des limiers du Central CID au sein de la Banque des Mascareignes n’est pas encore bouclée vu qu’à ce stade, seuls les cadres de la Corporate Division ont été inquiétés alors qu’il y a encore d’autres Top Managers, notamment de la Trésorerie, entre autres, qui devront fournir des explications et répondre à des questions Under Warning à la police vu que techniquement, ils auraient dû objecter à ces versements vu que le client, la British American Investment, n’avait que des crédits de Rs 1 000.
« Liquidity issue »
L’enquête sur les Rs 3,6 milliards de découverts bancaires devra entraîner la chute de Top Guys de la BAI Co (Mtius) Ltd, qui ont pu se garder à l’écart de tout souci criminel depuis l’avènement du BAI Ponzi Scheme de Rs 23 milliards le 3 avril dernier. Des documents avec leurs signatures au bas des instructions pour ces découverts bancaires sont soigneusement gardés au Central CID avec les premiers de ces noms qui circulent. Toutefois, leur interpellation, donnant une nouvelle dimension à l’opération « Daylight Robbery », de même que la convocation des auditeurs de KPMG, ne devra intervenir qu’au plus tôt vers la fin de la semaine prochaine, indique-t-on dans des milieux bien informés.
En ce qui concerne le cas de la firme d’experts-comptables KPMG, avec son Audit Presentation du 29 mars 2011 pour l’exercice financier se terminant au 31 décembre 2010 et ses subséquents Clean Audit Reports de 2010 à 2014, l’enquête du Financial Reporting Council, avec des Querries transmises à la filiale locale de KPMG, est sur le point d’être bouclée. Néanmoins, ce dossier attend la disponibilité du président du Board du Financial Reporting Council, l’ancien juge Bushan Domah, qui devra convoquer officiellement cette instance pour prendre connaissance de ces manquements professionnels graves.
Même si la firme KPMG est considérée comme un des Big Four sur le plan international dans le secteur de l’audit et de la comptabilité, la Financial Reporting Act prévoit des sanctions contre des Audit Partners sur le plan individuel pour des infractions à la loi et aux règlements. Toutefois, aucun détail n’a encore transpiré quant aux conclusions de cette enquête du Financial Reporting Council au sujet des Clean Audit Reports de KPMG en faveur du groupe BAI en dépit du fait qu’à la page 31 de la BAI Audit Presentation, le Country Manager de KPMG, Jean-Claude Liong, avait soutenu que « policyholders’ fund are being invested in assets in related entities where minimal return is obtained and recoverability is slow » ou encore que la situation est « not sustainabe for long term » en raison d’une « liquidity issue ».
Toutefois, la question, qui se pose dans la conjoncture est qui du Board du Financial Reporting Council ou du Central CID se prononcera en premier sur le cas de la filiale locale de KPMG, emportée par l’imbroglio du puzzle Dawood Rawat.
« Near misses »
Sur un autre front, la reprise des activités à la clinique Apollo-Bramwell se fait difficilement avec l’un des principaux problèmes à gérer portant sur la fourniture de médicaments. En effet, devant le track record de la clinique, les fournisseurs de médicaments et autres équipements médicaux n’acceptent des livraisons que contre paiements en cash. La nouvelle direction de la clinique se félicite de l’entière collaboration d’IBL, de Mauritius Pharmacy et de Chemtech, en approvisionnant la clinique en médicaments même dans des conditions financières extrêmement précaires.
Toutefois, Apollo-Bramwell fait un appel aux autorités pour que les factures non payées pour la période précédant le 10 avril dernier fassent l’objet d’un arrangement. « Suppliers need to be informed about their pre-10 April payments. We cannot expect any sort of partnership with them if that issue is not discussed. They would settle for a clearance of the debt over a period of four to five years with a down payment of 20-25 % of the sum due at 31 st January 2016 », souligne la direction de la clinique dans un premier état des lieux tout en rappelant que « procurement suffered from lack of visibility for availability of funds. There were a number of near misses and serious events were averted thanks to the cooperation of suppliers and the negotiating skills of the procurement team ».
Dans l’immédiat, un Business Plan devra être validé dans les deux semaines à venir en vue de consolider la remise sur les rails de la clinique de Dawood Rawat. Toutefois, le mois de septembre montre des signes positifs par rapport au mois précédent avec une progression de 10 % dans les urgences traitées à la clinique, soit 1 002. La situation dans les autres départements de la clinique est la suivante :
Outpatients : 5 412 cas traités, soit 2 % de plus
In Patient : 657, soit 8 %
Interventions chirurgicales : 190, soit 7 %
Radiologie : 1 694, soit plus de 6 %.
Dans un autre ordre d’idée, la clinique Apollo-Bramwell tente de négocier un partenariat avec le ministère de la Santé pour consolider ce redémarrage vu que la clinique offre « a wide range of medical specialities and is fully capable of treating complex cases in Mauritius ». Des discussions sont envisagées avec le gouvernement en vue de rentabiliser les opérations. Dans un premier temps, les possibilités ont été identifiées dans les domaines des Orthopaedics, Ophthalmology et ENT.
La direction de la clinique Apollo-Bramwell a exprimé le souhait de prendre en charge des patients mauriciens qui sont envoyés en traitement en Inde. « We are keen to work with the government and share our expertise. Our hospital has the necessary medical capabilities to treat many of the cases currently being referred to overseas institutions by the government, e.g. Scoliosis cases are currently being referred to Apollo Chennai but can be treated at ABH. Not only will the total cost of treatment reduce, the patients will also be able to recover close to home and benefit from the support and presence of their immediate family », fait comprendre Apollo-Bramwell dans le cadre de cette nécessaire restructuration, qui comprend le tourisme médical, le programme de transplantation de la cornée et du rein, la formation médicale et les “Clinical Research and Clinical Trials”.

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