Betamax : entre soulagement et mise en garde

Le jugement de la Cour suprême, annulant la sentence arbitrale rendue par le Singapore International Arbitration Centre ordonnant à la STC de payer des dommages de Rs 4,5 milliards à Betamax, constitue un événement qui devrait dominer l’actualité en cette fin de semaine. À une semaine de la présentation du Budget, prévue le 10 juin prochain, cette nouvelle a été accueillie avec soulagement par plusieurs commentateurs vendredi à un moment où, de l’avis des institutions internationales, la dette publique du pays entre allégrement dans la zone rouge. À l’évidence, le jugement a sauvé de justesse la STC, qui était sommée par la Cour suprême indienne de déposer une garantie de Rs 4,5 M. En tout cas, ce jugement donne suffisamment de matière pour alimenter les débats sur la bonne gouvernance, sur le rôle des partis politiques au pouvoir, sur la nécessité de passer par les appels d’offres pour les gros contrats, ainsi que sur la pertinence des décisions prises par le DPP.

- Publicité -

Il serait toutefois malhonnête de ne pas reconnaître que l’affaire Betamax a dominé l’actualité du pays durant toute cette décennie. Dès l’octroi du contrat en 2010, il avait été dénoncé avec force par tous les partis de l’opposition et dans le secteur privé mauricien. Alors que le gouvernement d’alors parlait de démocratisation de l’économie, l’opinion publique, elle, dénonçait la violation des principes de bonne gouvernance et la protection de ceux qui orbitaient autour du pouvoir. Au Parlement, l’opposition MMM avait posé plusieurs questions et dénoncé le fait que l’allocation de ce contrat n’avait pas suivi les procédures d’appel d’offres. La viabilité du Red Eagle utilisé pour le transport des produits pétroliers entre l’Inde et Maurice avait également donné lieu à des débats. L’affaire Betamax était parmi les dossiers qui avaient pesé dans la balance lors des dernières élections générales. L’“award” du centre arbitral de Singapour, après que le gouvernement a rompu le contrat avec Betamax, avait été accueilli diversement à Maurice. Cette semaine encore, le leader du Parti travailliste a critiqué le gouvernement et estimait que la STC était dans l’obligation de dédommager Betamax et donnait raison à la Cour suprême de l’Inde. Les autres partis politiques ont toujours adopté une attitude plutôt réservée.

Aujourd’hui, le jugement rappelle aux décideurs l’importance de passer par le Public Procurement Office lors de l’octroi des contrats. Dans les milieux de l’opposition MMM, Reza Uteem considère que c’est une mise en garde lancée à tous les gouvernements concernant l’octroi de contrats. À son avis, les opérateurs qui obtiennent en ce moment des contrats sans suivre les procédures nécessaires devront prendre leurs précautions. Certains considèrent que le jugement de la Cour suprême suggère que même la fourniture des produits pétroliers devrait passer par les appels d’offres.

Au niveau du gouvernement, ce jugement qui est accueilli avec soulagement, donne suffisamment d’arguments pour s’attaquer à leur principal adversaire du jour, le Ptr. On note aussi la réapparition de critiques contre le DPP. Ivan Collendavelloo demande à ce dernier de revoir sa copie et de demander au commissaire de police de rouvrir le dossier Betamax. Ce jugement porte également sur le principe de l’arbitrage et de médiation en considérant que l’“award” arbitral ne peut être exécutoire à Maurice. Voilà une question qui devrait intéresser tous ceux qui militent pour la médiation. Cette question devrait être évoquée lors de la semaine de l’arbitrage qu’organisera la MCCI le mois prochain. Les commentaires du Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui rentre au pays ce matin de l’Inde, sont attendus avec intérêt.

JEAN MARC POCHÉ

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour