Cambodge : le commerce brutal de la viande de chien reste juteux

Ils attendent leur tour, à l’étroit, dans une cage, avant d’être tués, dépecés, cuisinés et mangés. Malgré les tabous, le commerce de viande de chien reste très répandu au Cambodge, un business florissant, à l’abri des regards.

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Entre deux et trois millions sont abattus sans respect des règles d’hygiène et sans souci du bien-être animal chaque année dans le royaume, d’après l’association de protection des animaux « Quatre pattes ».

« Je vous demande pardon », dit Khieu Chan, qui en égorge jusqu’à six par jour avant de les servir à ses clients dans son restaurant à quelques heures au sud de Phnom Penh. « Si je ne vous tue pas, je ne peux pas nourrir les miens », ajoute ce père de famille de 41 ans.

Manger de la viande canine n’est pas prohibé au Cambodge et cette industrie lucrative s’étend traditionnellement sur toute l’Asie, de la Chine à la Corée du Sud.

– « Commerce gigantesque » –

L’ONG « Quatre pattes », qui a récemment mené une enquête dans le royaume, a recensé une centaine de restaurants servant de la viande canine à Phnom Penh, et une vingtaine à Siem Reap, près du célèbre temple d’Angkor.

« C’est un commerce gigantesque », relève à l’AFP Katherine Polak, vétérinaire de l’association, venue présenter les résultats de l’étude aux autorités cambodgiennes. Elles ont été « choquées » de l’ampleur du phénomène encore aujourd’hui, ajoute-t-elle.

Tout commence dans le nord du pays. Des chasseurs traquent les chiens errants ou passent de famille en famille, proposant des ustensiles de cuisine en échange de leur animal domestique. Ils les embarquent dans des cages à l’arrière de leur moto et les revendent à des intermédiaires entre 2 et 3 dollars le kilo.

Les animaux sont ensuite conduits dans des abattoirs ruraux où les employés opèrent sans aucun contrôle et sans aucune protection alors que la rage est encore très répandue par endroits.

« Une fois un chien m’a mordu, mais il était tard quand je suis rentré chez moi alors je ne suis pas allé me faire soigner », raconte à l’AFP Pring That, un villageois de 33 ans, en faisant mijoter un ragoût à base de viande de chien et de sauce au poisson fermentée.

Il s’est contenté de nettoyer la plaie avec un mélange de savon et de citron.

– Lucratif –

L’abattage des bêtes est brutal: pendues à un arbres, assommées ou parfois noyées dans une bassine d’eau putréfiée.

« En les noyant, cela permet de ne pas entendre les cris », raconte une femme de la province de Kampong Chamn, au nord-est de la capitale.

Le pelage est ensuite retiré en faisant bouillir la carcasse, et l’animal découpé en morceaux.

« Dans les bons jours, j’en tue entre 10 et 12 », raconte Hun Hoy, un employé de 59 ans.

« J’ai de la peine pour eux, mais c’est mon boulot de faire ça », ajoute-t-il, alors que la nuit tombe sur l’abattoir rudimentaire dans lequel il travaille près de Siem Reap.

Son activité peut lui rapporter entre 750 et 1000 dollars par mois, contre 200 s’il travaillait, par exemple, dans l’industrie du textile.

Ses clients sont des restaurants en ville ou de simples échoppes en bord de route, où le chien est vendu en barbecue ou dans une soupe, pour 1,25 dollar.

Mais ce commerce engendre aussi des traumatismes.

Le restaurateur Khieu Chan explose ainsi en sanglots lorsqu’il décrit comment il égorge lui-même les bêtes, un travail qui le hante lorsqu’il va se coucher.

Pour lui permettre de se réorienter, l’association  « Quatre pattes » lui a acheté un terrain et il va fermer son restaurant et se lancer dans l’agriculture.

Ses chiens sont emportés par les bénévoles, direction une clinique vétérinaire de Phnom Penh.

« Vous êtes libres », leur lance-t-il. « Vous échappez à la mort ».

suy-joe/del/sde/ia

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