CAMPAGNE ÉLECTORALE : L’emploi comme carotte pour obtenir des votes

On ne sait pas si en 1968 il y avait déjà eu le phénomène de l’appât du recrutement pour obtenir des votes, mais on sait que quelques jobs avaient été distribués en 1976 à la veille du scrutin, mais ce dont on se souvient bien, c’est qu’il y eu 20,000 emplois artifi ciellement créés quelques semaines seulement avant le 11 juin 1982, ce qui n’a pas empêché les 60-0 et une commission d’enquête présidée par feu Rajsoomer Lallah avait qui avait confi rmé le caractère illégal de ces créations d’emploi. Cette pratique n’a pas pour autant disparu puisque, à la veille de chaque consultation populaire, comme en ce moment même, on évoque des recrutements ici et là, question de satisfaire les agents et les mobiliser en prévision du vote.
Cette perversion longtemps tolérée avait pu échapper à la sanction des tribunaux jusqu’à l’affaire Ashock Jugnauth dont l’élection a été invalidée pour cause de «bribe électoral» autour du recrutement de 388 Health Care Assistants, dont une centaine venait du No 8 et presque autant de la circonscription du neveu Pravind Jugnauth au No 11. Mais même si la justice a fonctionné dans un cas, les lois, elles, n’ont pas été durcies en conséquence, ce qui laisse toujours la porte ouverte à certains abus.
Si les chiffres ne sont pas toujours étalés sur la place publique, il y a eu, de temps en temps, des révélations qui ont permis de constater que le bal des recrues politiques a continué de plus belle même après l’affaire Ashock Jugnauth. La circonscription No 18, là où a apparemment défi nitivement posé sa valise le leader du PMSD Xavier Duval après avoir successivement tâté le No 4, le No 6, le numéro 20 et le No 17, est un des récents cas où il a été établi qu’il y a eu embauche d’agents politiques proches de l’ex-ministre de la circonscription qui a offi cié au Tourisme, à l’Intégration sociale et aux Finances.
Et c’est nul autre que celui qui l’avait succédé au Tourisme, Nando Bodha qui, jouant la transparence à son arrivée à ce ministère en 2010 ou dans un souci inavoué de régler quelques petits comptes avec les bleus, va, à l’Assemblée nationale, révéler que les proches de Monsieur Duval ont été bien gâtés.
Il y a eu le premier cercle, les Thierry Henry, Robert Valentino Pallamy, Roshan Seetohul et autres Michael Sik Yuen qui avaient investi les organismes publics comme privés qui relevaient du Tourisme alors que Xavier Duval en avait la charge. Les Discover Mauritius et Events Mauritius sont des compagnies fondées avec l’argent des contribuables, mais enregistrées sous le Companies Act afi n de pouvoir caser ces proches qui étaient aussi des conseillers municipaux, ce statut ne leur donnant pas le droit d’occuper un poste dans le service public.
Les réponses données par Nando Bodha à des interpellations parlementaires de Rajesh Bhagwan et de Kavi Ramano jetteront un autre éclairage sur la politique de recrutement qui avait eu cours sous Xavier Duval. C’est un mois après les élections de 2010 que le pot aux roses sera découvert d’autant que le nouveau ministre du Tourisme Nando Bodha prend la décision de procéder à la fermeture de la Cleaning Unit de la Tourism Authority, qui était, en fait, une unité presque exclusivement dédiée aux recrues politiques. Une décision qui intervenait juste avant qu’un rapport de l’Audit ne confi rme ses méthodes de recrutement à la Tourism Authority pour dire le moins bizarres.
Et comme pour confi rmer comment ils ont été recrutés, ces malheureux qui furent jetés sur le pavé avaient été invités à suivre des cours pour être employés dans le privé. Amers, ils n’avaient pas hésité à lancer sur les radios privées que «quand ti dire nou allé place banderoles ek laffiche, pa ti dir nou al suive cours lerla!».
«Cleaning team»
On apprendra ainsi de la liste circulée à cette occasion par Nando Bodha que, sur les 165 embauchés dans les différents services relevant du Tourisme, pas moins de 71 étaient issus du No 18 et, qu’entre juin 2009 et mai 2010, le mois des élections générales, sur 22 contractuels, 9 venaient de la circonscription de Xavier Duval. En sus des travailleurs, d’autres noms très «connectés» aux bleus.
Voilà ce qu’écrivait Week- End le 4 juillet 2010 sur les réponses édifi antes gracieusement fournies par Nando Bodha: «Parmi les noms les plus connus qui se trouvent sur cette liste, au milieu de simples travailleurs et chauffeurs venant des régions de Belle-Rose et de la Résidence Père Laval, qui touchent Rs 8,000 par mois, figure Gaetan Février, un agent notoire du PMSD habitant de Curepipe, mais qui connaît le No 18 pour s’y être présenté comme candidat aux élections générales de 2000. Dans cette «cleaning team» contractuel, il fait fonction de Supervisor avec des salaires mensuels de Rs 18,000.»
Plus loin, Week-End précisait aussi que le contrat de M. Février «a commencé le 20 mars 2009 et prendra fi n le 1er mars 2011. Avec un tel traitement, on comprend maintenant que Gaetan Février utilise les ondes des radios privées pour défendre avec ardeur ses amis politiques. Dans la même catégorie du «cleaning team» de luxe avec contrat de mars 2009 à mars 2011, assorti d’un salaire mensuel de Rs 18,000, Henri Maudar, qui n’est autre que le fi ls de Régina Maudar, elle-même présidente du Tourism Welfare Fund et ancienne maire de Quatre-Bornes. Henri Maudar qui est Supervisor à la Tourism Authority est aussi accessoirement à la tête d’une petite compagnie de ‘bouchers’».
Notons que ce même Gaetan Février, jusqu’à récemment grand donneur de leçons sur les ondes des radios privées, a ensuite été repêché en tant que Project Coordinator au National Empowerment Foundation, qui a été, comme on le sait, sous la responsabilité de Xavier Duval alors qu’il avait été posté à l’Intégration sociale après avoir été privé du Tourisme et que Régina Maudar a, elle aussi, comme par hasard, trouvé refuge à la NEF jusqu’à sa démission récente de cet organisme à la suite de sa participation active à la campagne du candidat Duval à Belle-Rose/Quatre- Bornes.
Des clarifications s’imposent
C’est dans cette perspective que le cas de Ziad Goomany qui revendique avoir été renvoyé de la National Empowerment Foundation après que sa photo a paru dans la presse est intéressant à plus d’un titre. Si on doit évidemment condamner les conditions dans lesquelles ce chauffeur de la NEF a été renvoyé et que ce n’est pas le premier cas de ce genre à être recensé, un employé de la BDM ayant été renvoyé en 2005 après qu’il eut présidé un meeting et que de simples travailleurs des casinos ont été mis à pied, la question qui mérite d’être posée est comment Monsieur Goomany, un habitant de la Rue Malartic à Quatre-Bornes, a atterri à la NEF.
Qui l’a recruté? Comment a-t-il été embauché? Sur quel critère? Quelles sont ces qualifi cations? Y a-t-il eu un appel de candidatures pour ce poste? Était-il le plus qualifi é? Autant de clarifi cations qui s’imposent. Parce que, si on sait comment il est parti, on ne sait pas comment il est arrivé. Quoi qu’il en soit, l’affaire ayant été portée devant l’Equal Opportunities Commission, il faut attendre les observations de cet organisme pour être véritablement fixé.
Et si, on en sait un peu sur ce qui s’est passé récemment à Belle-Rose/Quatre-Bornes ou, hier encore à Moka/ Quartier-Militaire ou Vieux- Grand-Port/Rose-Belle et que la pétition électorale logée par Françoise Labelle après la partielle de septembre 1999 à Beau-Bassin/Petite-Rivière avait été extrêmement instructive pour ne pas dire édifi ante ou même choquante et que l’affaire Stauffer révélée par Week-End début 2000, avec photos de distribution de billets de banque à l’appui viendra totalement accréditer, le problème ne sera réglé que lorsque les lois seront absolument claires sur ce qui est permis ou pas par ceux qui sont en position de décideur et que les organismes de surveillance commenceront à enquêter sérieusement et surtout à sévir. Or, ce n’est pas demain la veille…

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