CANCER—DR FAISAL ABBASAKOOR: « Une personne sur deux court le risque aujourd’hui »

« Le ‘lifetime risk of cancer’ avait doublé dans les années 1980. En 2000, il était d’une personne sur trois, ce qui était alarmant. Aujourd’hui, on parle d’une personne sur deux. » C’est ce qu’a fait ressortir le Dr Faisal Abbasakoor, chirurgien général et colorectal à la clinique Darné. Mais, nuance-t-il, « lorsqu’une personne a le cancer, cela ne veut pas dire qu’elle va mourir » Le médecin intervenait à l’occasion d’une causerie organisée par la Cancer Association Mauritius (CANMA) jeudi à Ébène. À Maurice, devait-il par ailleurs souligner, « malheureusement, par ignorance ou par peur, les patients ne viennent se présenter que très tard aux médecins et nous avons alors que très peu à leur offrir ». Selon le chirurgien, l’obésité en elle-même constitue un grand risque de cancer. Répondant ensuite aux diverses associations entre divers facteurs et le cancer, il devait avouer que « la médecine est loin de tout savoir et tout comprendre sur le cancer ».
« Nous sommes tous en train d’apprendre sur le cancer », devait d’emblée confier le Dr Abbasakoor, pour montrer d’abord, que faute de preuves, on ne peut de manière simpliste venir mettre le doigt sur un facteur précis comme étant la cause d’un cancer. Par ailleurs, ajoute-t-il, « il y a souvent plusieurs facteurs qui sont en jeu ». Une des choses l’ayant interpellé depuis les dix années qu’il travaille à Maurice, devait-il confier,  « c’est le nombre de patients qui m’ont demandé pourquoi nous voyons autant de cancers » à Maurice. « Ma première réaction a été qu’il s’agit peut-être d’une perception. Mais, après, je me suis demandé pourquoi ils se posaient cette question. Ces patients ne demanderont pas une telle question pour une hernie. Ils posent cette question parce qu’ils ont peur du cancer. Ils ont peur de mourir. » Et, souligne-t-il, « malheureusement, à Maurice, par ignorance ou par peur, les gens ne se présentent que très tard aux médecins et nous avons alors que très peu à leur offrir ». De l’autre côté, constate-t-il : « Si on détecte un cancer assez tôt et que vous disiez au patient qu’il faut faire une opération, il vous dit non ‘paski si ou met kouto, li pou fane’. Je n’ai pas vu une telle attitude en Angleterre. » Ces deux réactions font qu’il « se peut qu’il y ait des cas où, à cause de l’ignorance, le patient rate sa chance de guérison ».
Parmi les principales causes du cancer, on retrouve le tabac (30%), les hormones (25%), les habitudes alimentaires (25%), la pollution (5%) et l’hérédité (5%). Ce dernier facteur, devait commenter le médecin, « que beaucoup craignent ne représente pourtant que 5% ».
Selon le chirurgien spécialisé en chirurgie colorectale et oncologique, le ‘lifetime risk’ a doublé dans les années 1980. « En 2000, c’était alarmant, le risque était estimé à un sur trois. Aujourd’hui, on parle d’un sur deux. Mais en même temps, si une personne a le cancer, elle ne va pas mourir nécessairement. » D’après les statistiques communiquées par le Dr Abbasakoor, du début des années 1990 à 2008, il y a eu une hausse de 41% de cancer chez les hommes et 40% chez les femmes. L’Angleterre a connu une hausse au niveau du cancer du sein durant ces mêmes années. « Et dans le monde, nous nous attendons à ce que le taux augmente dans les années à venir. » Le Dr Abbasakoor poursuit : « La tendance diverge entre les pays riches et les pays pauvres. Les pays plus pauvres connaissent davantage de cancers de l’estomac, du col de l’utérus et du foie alors que, dans les pays les plus riches, ce sont le côlon, le sein et la prostate. »
Aux Etats-Unis, relève-t-il encore, le taux de cancer augmente, mais les décès dus à la maladie diminuent, « peut-être grâce aux tests de dépistage ». Quant à Maurice, « on est à mi-chemin et nous nous approchons de l’incidence prévalant dans les pays les plus riches ».
Les études ont aussi trouvé, selon le Dr Abbasakoor, que « les immigrants issus de pays où le taux de cancer du sein est très bas présentent, au terme d’une génération, les mêmes risques de cancer que les habitants de leur pays adoptif ». Ce qui l’amène à dire que, « pour moi, il est clair que l’environnement et le style de vie jouent ». Il énonce d’autres études : « Elles ont mis en avant que les femmes qui travaillent et qui mènent un style de vie urbain présentent des risques d’avoir un cancer du sein. Quant aux travailleurs agricoles, ils ont plus de risques d’avoir plusieurs types de cancer. »
Pesticides
Abordant la question des pesticides, le chirurgien devait citer l’exemple d’une région en Inde, appelée Malwa, où le taux d’incidence du cancer est 75% plus élevé que le taux national, et où on impute aux pesticides la survenue de ces cancers. Il devait toutefois nuancer en soulignant qu’avant qu’un cancer ne se déclenche, il y a un “multi-step process”. « On ne peut pas dire de manière simpliste que les pesticides causent le cancer. Nous n’en avons pas la preuve. » Mais, souligne-t-il encore, « si nous allons au-delà des normes et qu’on utilise un cocktail de pesticides, là, nous ouvrons la porte à ce “multi-step process” ». Les pesticides, dit-il, sont liés à plusieurs maladies, dont l’asthme et le diabète. « À Singapour, des médecins ayant traité des patients mauriciens ont trouvé chez ces derniers un taux excessif de pesticides. Mais nous n’avons pas une preuve absolue que c’est à cause de cela. » Ce qu’il faudrait, au niveau des pesticides, selon le médecin, c’est que « les consommateurs soient plus rigoureux et exigent de connaître le taux de pesticides présents dans les légumes ». Il poursuit : « Si on évalue le taux de pesticides, ils peuvent avoir été utilisés dans les normes. Mais quand il y a un cocktail de pesticides, là, c’est dangereux. D’autre part, il faut sensibiliser les planteurs. On doit considérer toute personne qui risque d’être malade comme un membre de notre famille. Un planteur ne peut penser qu’il mettra des pesticides excessivement dans les légumes et ne pas les manger lui-même. » Outre les pesticides, un autre facteur environnemental est pointé du doigt : la pollution. « Près de 25% des non-fumeurs ont le cancer du poumon à travers la pollution. ».
L’obésité en elle-même constitue également un grand risque de cancer du côlon, de l’oesophage, du pancréas et du sein, souligne le Dr Abbasakoor. « L’obésité dans le monde a doublé durant les 35 dernières années et, durant ces mêmes années, le taux de cancer a doublé. » Quant à l’alcool, non seulement il peut causer une cirrhose, mais il augmente aussi lui aussi le risque de cancer. « Et chez les femmes, l’alcool augmente jusqu’à 50% les risques de cancer du sein. »
Il existerait en outre un lien entre le diabète et le cancer. « Il y aurait peut-être les mêmes causes et mécanismes, mais cela reste à prouver. Pour éviter le cancer, nous avons besoin du même style de vie que pour éviter le diabète. Si nous pouvions travailler un peu sur les facteurs de risques, on pourrait sauver deux à trois millions de vie… »

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