Censure : Mulk et Rafiki ne seront pas proposés aux cinéphiles

Cela fait plusieurs semaines que Mulk, film dramatique indien, et Rafiki, un long-métrage kenyan, sont projetés dans plusieurs pays. Mais ces deux films n’ont pas franchi les portes de nos salles de cinéma à Maurice, même si nos deux principaux promoteurs (Star Cinema et Mont Ida Entertainment Ltd) en ont entendu parler. À Scope, ils évoquent chacun des raisons différentes pour expliquer cette absence. Avec un scénario abordant le terrorisme dans Mulk et celui de l’homosexualité dans Rafiki, la société mauricienne aurait-elle accueilli ces deux films à bras ouverts ?Il n’y a pas que sur leurs propres terres que les films Mulk avec Rishi Kapoor et Rafiki, premier film kenyan sélectionné pour le Festival de Cannes, n’ont pas été projetés en salles. À Maurice non plus, ces deux films n’ont pas été proposés aux cinéphiles. Certes, tous les films ne peuvent pas être programmés, mais il semble que cette non-diffusion n’est pas si anodine.

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Eric Koenig de Star Cinema confie avoir bien fait la demande auprès de ses fournisseurs, puisque “ce sont deux films très intéressants”. Le promoteur ajoute : “Je n’ai pas reçu les droits de diffusion des maisons mères”, sans souhaiter nous en dire plus. De son côté, Rajesh Callicharan du réseau MCine/Novelty a bien reçu les propositions de ses fournisseurs pour Mulk. Cependant, il n’a pas souhaité l’importer. “Comme il y avait déjà une polémique autour de ce film en Inde et que j’avais eu aussi de nombreuses autres propositions, j’ai préféré ne pas donner suite. De toute façon, ce genre de film n’attire pas la grande foule à Maurice. Nous choisissons plutôt le genre commercial, familial et entertainment”.

Hypocrisie et tabous

Mulk d’Anubhav Sinha raconte l’histoire d’une famille musulmane honnête qui vit à Varanasi et qui se trouve accusée d’avoir des liens avec une personne qui a planifié une attaque terroriste. Rafiki de la réalisatrice Wanuri Kahiu raconte une histoire d’amour à Nairobi entre deux jeunes adolescentes, filles de politiciens locaux rivaux.
Avouant qu’il y a “encore beaucoup d’hypocrisie autour du cinéma et dans bien d’autres domaines”, Eric Koenig souhaiterait “une ouverture d’esprit”. Il concède qu’à Maurice, “nous devons prendre en compte les différentes communautés”. En effet, des tabous perdurent. Dans le domaine du cinéma, on censure ou on empêche la diffusion d’un film pour éviter d’attirer la foudre des soi-disant bien pensants. Pour Rajesh Callicharan, “ce n’est pas à nous mais à ceux qui visionnent les films de changer leur regard. En tant que promoteur, nous ne sommes là que pour diffuser. Néanmoins, nous vivons dans une société multiculturelle et nous devons être prudents pour ne pas créer des tensions. Même si un film est grand, avec de célèbres acteurs et qu’il marche bien l’étranger, il est possible qu’il ne soit pas approprié pour Maurice”.

Si ce ne sont pas les promoteurs de cinéma eux-mêmes qui choisissent de ne pas importer certaines grosses productions, d’autres chiens de garde, à savoir le Film Classification Board, peuvent aussi mettre leur veto et rejeter leur diffusion en salles.

Mulk, la barbe d’Oussama

“If you can’t differentiate my beard from Osama Bin Laden’s beard, I still have every right to follow my Prophet’s path (sunnat) in this country.” Tel est le slogan du film indien Mulk (Anubhav Sinha, 2018), interdit d’exploitation totale au Pakistan, le 3 août 2018, pour islamophobie. Le réalisateur n’a pas manqué d’exprimer sa déception en postant une lettre ouverte sur Twitter pour rejeter les accusations que son film Mulk est anti-indien ou anti-pakistanais. Il a maintenu que le long-métrage ne fait que promouvoir le message d’amour qui existe entre les Hindous et les Musulmans.

Malgré la controverse, ce film a été vu par la critique et la presse internationale comme un film juridique et social tiré de faits réels. Mulk aborde, entre autres, les tensions communautaires exacerbées par le terrorisme et la religion. Tourné sous l’égide de Soham Rockstar Entertainment et Benaras Media Works Production, ce long-métrage d’Anubhav Sinha raconte l’histoire d’un père accusé d’avoir entraîné son fils à commettre un acte terroriste. Prateik Babbar tient le rôle de Shahid Mohammed, fils de Murad Ali Mohammed (Rishi Kapoor). Tapsee Pannu se met dans la peau d’Aarti Malhotra, l’avocate qui assure la défense de Shahid Mohammed, alors qu’Ashutosh Rana interprète Santosh Anand, l’avocat de la poursuite.


Rafiki : Une femme avec une femme

Rafiki est entré dans l’histoire plus tôt cette année en étant le premier film kenyan sélectionné et présenté avec succès dans la section “Un certain regard” lors du prestigieux Festival de Cannes. Il a été projeté dans des festivals du monde entier. Après la France et la Belgique, d’autres sorties du film sont prévues aux États-Unis, au Japon, en Suisse, en Hollande, en Scandinavie et en Afrique du Sud. La justice kenyane a fini par revenir, partiellement, sur l’interdiction du film en salles. Ceci afin de permettre à Rafiki de pouvoir être éligible aux Oscars dans la catégorie Meilleur film en langue étrangère.

Dans Rafiki, Wanuri Kahiu filme les premiers émois de jeunes filles avec infiniment de délicatesse : les sourires qui éclairent les visages, le premier baiser, la douceur d’être ensemble. Mais aussi le mur de l’incompréhension, de l’intolérance et de la colère auquel elles se heurtent. De cette Afrique dont elle montre le conservatisme et le rôle restreint dévolu aux femmes, la cinéaste donne une autre image, moderne, joyeuse, tendre et optimiste.

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