Chagos : Auto-détermination – L’Inde répond du tac au tac aux États-Unis

New-Delhi: « De par la déclaration de l’ONU du 14 décembre 1960, tous les pays doivent observer strictement et de manière indéfectible les dispositions de la Charte et de la résolution traitant de l’égalité du respect des droits souverains et de l’intégrité territoriale de tous les États »

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Washington: « La pratique des États ne présentait pas non plus le degré d’uniformité requis, que ce soit dans les années ayant précédé l’adoption de la résolution 1514 ou jusqu’à la fin des années 1960 »

En attendant l’exposé verbal de l’Union africaine (UA), axé sur le processus de décolonisation, clôturant jeudi l’étape des auditions devant la Cour internationale de justice sur l’Advisory Opinion sur les Chagos, l’Inde répond cet après-midi du tac au tac aux États-Unis. C’était sur la question de l’auto-détermination et la fin du processus de décolonisation. En effet, intervenant, l’envoyé spécial de New-Delhi, devait articuler l’un des points fondamentaux dans l’exposé écrit en date du 28 février dernier et portant sur les exigences des attributions de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux des Nations unies du 14 décembre 1960. S’appuyant sur la résolution 1514 (XV), l’Inde maintient que le processus de décolonisation n’a pas encore été complété pour Maurice. Par contre, les États-Unis, dont le représentant est intervenu en début de séance du jour au Palais de la Paix à La Haye, l’indépendance de Maurice a été complétée depuis le 12 mars 1968 et avec l’adhésion subséquente de l’État mauricien aux Nations unies en marginalisant les conséquences des obligations sous cette même résolution du 14 décembre 1965.

Le document soumis officiellement par l’Inde sous la signature de Vishmu Dutt Sharma, associé et conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, souligne que « les faits historiques concernant l’archipel des Chagos et les aspects juridiques qui leur sont associés confirment: la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos (fait par ailleurs admis par le Royaume-Uni), la non-application par le Royaume-Uni des résolutions des Nations unies relatives à la décolonisation de Maurice, et le caractère aujourd’hui inachevé du processus de décolonisation de Maurice ».

Pour étayer ses dires sur le volet de la décolonisation, l’Inde met l’accent sur les tractations diplomatiques aux Nations unies au début des années 60 en vue de faire adopter la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Cette initiative, qui revient au Cambodge, agissant au nom de 26 pays d’Asie et d’Afrique, avait été adoptée par 89 voix et neuf abstentions, dont le Royaume-Uni. Le document officiel de l’Inde, soutenant Maurice devant la Cour internationale de justice, avance que la résolution appelle à mettre rapidement et inconditionnellement fin au colonialisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations et dispose que « toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations unies ».

Dans son argumentation sur les répercussions de la déclaration du 14 décembre 1960, New-Delhi note que « par cette déclaration, la communauté internationale se montre fermement résolue à faire en sorte que tous les pays coloniaux, les territoires sous tutelle et les territoires non autonomes se voient accorder l’indépendance complète et la pleine liberté, leur permettant de bâtir leurs propres Etats-nations conformément à la volonté et aux vœux librement exprimés de leurs peuples. Le système colonial et l’administration coloniale sous toutes leurs formes doivent être définitivement abolis afin de permettre aux peuples de ces territoires de choisir eux-mêmes leur destin et leur forme de gouvernement. Tous les bastions du colonialisme, s’entendant de toute forme de possession dans le territoire d’autres pays, doivent être éliminés. Tous les pays doivent observer strictement et de manière indéfectible les dispositions de la Charte des Nations unies et de la résolution (Déclaration) traitant de l’égalité du respect des droits souverains et de l’intégrité territoriale de tous les États ».

Indépendance complète

New-Delhi rappelle également qu’à l’annonce officielle de l’excision de l’archipel des Chagos du territoire mauricien à la fin de 1965, le comité spécial responsable de l’application de la résolution du 14 décembre 1960 fut saisi du dossier. « En conséquence, le 16 décembre 1965, l’Assemblée générale des Nations unies condamne le détachement dans sa résolution 2066 (XX), intitulée ‘Question de l’île Maurice’, et appelle le Royaume-Uni à mettre en œuvre de manière complète la résolution 1514 (XV) et à « ne prendre aucune mesure qui démembrerait le territoire de l’île Maurice et violerait son intégrité territoriale », commente l’Inde, qui fait également des dispositions de la résolution 2232 (X) du 20 décembre 1966, « réaffirmant le droit inaliénable des peuples des territoires coloniaux, y compris celui de Maurice, à l’indépendance complète et totale ».

Pour conclure la série de condamnations de Londres sur les Chagos dans les années 60, l’un des puissants alliés de Maurice revient sur la résolution 2357 du 19 décembre 1967, soit à la veille de l’indépendance. Les autorités indiennes soutiennent que « dans cette résolution, l’Assemblée générale réaffirme qu’elle condamne et déplore le défaut d’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Elle réitère également toutes les demandes relatives à la nécessité de porter aide et assistance aux peuples de ces territoires, ainsi qu’aux obligations de rapport du Comité spécial ».

Staunch Ally des Anglais

Cette prise de position de l’Inde au titre de l’auto-détermination est venue contrer les arguments mis en avant par les États-Unis, dont le représentant avait ouvert l’audience du jour. L’un des points majeurs de ce Staunch Ally des Anglais et principal bénéficiaire du démantèlement du territoire mauricien, avec la base militaire de Diego-Garcia, porte sur les obligations imposées aux puissances coloniales par la résolution du 14 décembre 1960.

« Les résolutions citées dans la question a) ne révèlent pas une convergence d’opinions entre les États, et encore moins une opinio juris, sur des règles juridiques internationales établissant un droit à l’autodétermination qui auraient frappé d’interdiction légale la création du Territoire britannique de l’océan Indien. La pratique des États ne présentait pas non plus le degré d’uniformité requis, que ce soit dans les années ayant précédé l’adoption de la résolution 1514 ou jusqu’à la fin des années 1960. Les résolutions pertinentes ne reflétaient pas des règles de droit international alors en vigueur, et leur adoption n’a pas non plus donné naissance à de telles règles », lit-on au paragraphe 4.29 de l’exposé écrit des États-Unis en date du 1er mars dernier.

Sur la question de la création par la Grande-Bretagne du British Indian Ocean Territory (BIOT), Washington laisse entendre que « jusqu’à la fin des années 1960, aucune règle de droit international coutumier pouvait être interprétée comme interdisant l’établissement du territoire britannique de l’océan indien n’avait émergé ». Les Américains poursuivent que « des passages de la résolution 1514 sont aujourd’hui interprétés comme articulant certains des éléments fondamentaux du droit à l’autodétermination, tel que ce dernier s’est développé par la suite. Néanmoins, la résolution elle-même ne reflétait pas le droit international coutumier ni au moment de son adoption ni à la fin des années 1960 ».

Compétence consultative

Les États-Unis, qui adoptent la ligne dure à l’effet que « le statut de la Cour ne lui confère la compétence consultative pour statuer sur des différends entre États », sont d’avis que l’indépendance de Maurice avait été complétée le 12 mars 1968.  « Il convient de noter qu’après l’indépendance de Maurice et sa demande d’adhésion à l’ONU, aucune objection aux arrangements pris dans le cadre du Territoire britannique de l’océan Indien n’a été soulevée à l’Assemblée générale. Par la suite, Maurice n’est plus apparue sur la liste des territoires non autonomes », ajoute Washington en privilégiant l’option d’un différend pendant entre Maurice et le Royaume-Uni concernant la souveraineté sur l’archipel des Chagos. Il s’agit notamment, mais pas exclusivement, de points tels que le rôle du consentement des représentants élus de Maurice et la réaffirmation de cet accord par Maurice après l’accession à l’indépendance. Ces sujets purement bilatéraux, ainsi que d’autres points de désaccord entre Maurice et le Royaume-Uni, viennent étayer l’argument selon lequel la présente espèce ne devrait pas être soumise à la compétence consultative de la Cour.

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