Chagos : D-Day

Sur le coup de midi, heure de Maurice, ont démarré les auditions publiques sur l’Advisory Opinion” quant aux effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965. Le ministre mentor, sir Anerood Jugnauth, le dernier survivant de la conférence constitutionnelle de Lancaster House de 1965, est le premier intervenant officiel au prétoire de la Cour internationale de justice de La Haye.

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Le “full bench” de cette instance judiciaire suprême des Nations unies, est présidé par le Somalien Abdulqawi Ahmed Yusuf avec à la vice-présidence la Chinoise, Mme Xue Hanqin. L’intervention d’un quart d’heure du “Lead Representative” de Maurice, portant sur le processus de la décolonisation complète de Maurice, aura permis de baliser le champ d’intervention de Maurice, avec les membres du “Legal panel”, mené par sir Philippe Sands, QC, prenant le relais pour se consacrer au volet légal de l’excision unilatérale de l’archipel des Chagos du territoire de Maurice avant l’indépendance.

Pour cette première journée des audiences, Maurice dispose de trois heures « to make her case » et la Grande-Bretagne donnera la réplique en début de soirée. Un détail qui vaut son poids : Londres ne sera pas en mesure de bénéficier de la contribution de son Attorney General, Geoffrey Cox, QC. Celui-ci a été mis K.-O. avant le premier round du jour vu que ses services avaient été retenus par Maurice sous Navin Ramgoolam pour le même dossier des Chagos.

Après une introduction liminaire par le président de la Cour internationale de justice, retraçant les différentes étapes du vote de la résolution 71/292 à l’Assemblée générale des Nations unies du 22 juin 2017 et aujourd’hui au sujet de l’Advisory Opinion sur les Chagos, l’ancien Premier ministre et Mentor Minister a entamé son audition à 12 heures 21 (heure de Maurice). Pendant un quart d’heure, il établira le fond sur lequel l’indépendance de Maurice avait été discutée en 1965 et avec l’exclusion unilatérale de l’archipel des Chagos du territoire de la République de Maurice. Il s’appesantira sur le fait que « in 1965, the choice was no choice all (for Mauritius) ». Il ajoutera que « this cannot meet the requirement of self-determination ».

Strenuous opposition

Sir Anerood est revenu avec la thèse que l’Advisory Opinion en faveur de Maurice sur les effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos en 1965 « ne viendra que compléter le processus de décolonisation de la République de Maurice » 50 ans après l’indépendance. S’adressant à la Cour internationale de justice en anglais et en français, il a soutenu avec force que « le Premier d’alors, sir Seewoosagur Ramgoolam, avait subi des menaces et d’immenses pressions ».

D’entrée de jeu, sir Anerood a confirmé à la Cour de La Haye qu’il reste « le dernier survivant de la conférence constitutionnelle à Lancaster House en 1965 ». Il a ajouté que Maurice entretient d’excellentes relations avec les parties impliquées dans le litige. « Malheureusement, un peu plus de 50 ans, après la conférence constitutionnelle menant à l’indépendance et50 ans après l’indépendance, le processus de décolonisation n’a pas encore été compl été avec l’excision illégale et unilatérale de l’archipel des Chagos », avance-t-il en citant le fait que de tout temps « Chagos fait partie intégrante du territoire mauricien ». Sir Anerood a fait état des conditions dans lesquelles l’indépendance de Maurice avait été abordée.

« In 1965, there was no room for any choice », rajoutera-t-il en évoquant les réunions privées organisées par les Britanniques avec cinq représentants de la délégation mauricienne. « We were told of the immense pressure on the small group (of Mauritian representatives). Mauritius expressed strenuous opposition to the detachment of Chagos. C’est à ce moment que l’ancien Premier ministre britannique, Harold Wilson, devait avoir une réunion privée avec le Premier d’alors », dit-il « Sir Seewoosagur fut soumis à des menaces et à des pressions immenses. The choice was no choice at all », poursuivra sir Anerood, qui reviendra sur le fait que quelques semaines après ces tractations en marge de la conférence de Lancaster House, l’archipel des Chagos était excisé du territoire mauricien sur la base d’un Order in Council, créant le territoire-fantôme du British Indian Ocean Territory ».

Behind the back of the UN

Vers la fin de son intervention liminaire, sir Anerood a attiré l’attention de la Cour internationale de justice que la communauté internationale reconnaît qu’avec le détachement des Chagos, le processus de décolonisation n’est pas encore complété. « There was a clear plan to do it behind the back of the United Nations », dira-t-il en réitérant l’engagement de Maurice pour le maintien de la base militaire des Américains à Diego-Garcia.

L’audience se poursuit avec les interventions de nature juridique des membres du Legal Panel de Maurice au nom du principe de l’autodétermination et contrecarrant les points avancés par la Grande-Bretagne, les États- Unis, l’Australie et Israël. Le week-end dernier a vu les dernières tractations bilatérales à l’hôtel Carlton Ambassador, à La Haye, où la délégation mauricienne a pris ses quartiers depuis mercredi dernier. La “Legal Team” de Maurice a rencontré les représentants du Botswana, de Chypre et de l’Argentine, qui soutiennent la requête pour une “advisory opinion” de la Cour internationale de justice.

Dans le camp de Maurice, l’on se dit de plus en plus confiant de cette nouvelle étape décisive dans la revendication pour la reconstitution de l’intégrité territoriale de la République de Maurice. Les détails des interventions d’ouverture de Maurice ont également été mis au point entre les différents protagonistes concernés. Dans la journée d’hier, les représentants légaux de Maurice – dont Philippe Sands des Matrix Chambers et le Solicitor General Dhiren Dabee, en compagnie des hommes de loi du Groupe Réfugiés Chagos de Mardemootoo Chambers, et du minister mentor, sir Anerood Jugnauth – ont apporté les dernières retouches aux “submissions” qui seront argumentées lors de la séance du jour. De leur côté, pour la toute première fois, les Britanniques ne seront pas représentés par leur Attorney General lors d’un débat de cette envergure.

Geoffrey Cox, qui avait été précédemment nommé par Navin Ramgoolam en tant que conseiller de Maurice a dû se retirer, d’autant qu’il avait déjà donné son opinion sur le dossier des Chagossiens. Par ailleurs, un scénario imprévu a toutefois eu lieu ce week-end. Les alliés du camp adverse, notamment les Américains et les Australiens, résident eux aussi à l’hôtel Carlton Ambassador, installant dans la conjoncture une certaine méfiance. Ces derniers ont aussi multiplié des contacts en vue de pouvoir attirer d’autres pays dans leur camp hier.

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