CHAGOS : Initiatives politiques et diplomatiques en cascade

A six semaines de la date butoir pour les Submissions à la Cour internationale de justice au sujet de l’Advisory Opinion sur les Chagos, les initiatives politiques et diplomatiques connaissent une intensification. Que ce soit à Port-Louis, à Londres ou à La Haye. C’est ce qui découle des recoupements d’informations de sources concordantes et officielles effectués par Week-End. A l’Hôtel du gouvernement, la prochaine étape devra intervenir les 7 et 8 janvier de l’année prochaine avec une nouvelle et dernière séance de travail en présence des membres du Legal Panel mené par le Professeur Philippe Sands, QC, et Alison McDonald, QC de Matrix Chambers, pour mettre au point les derniers détails des documents formels au nom de Maurice.

Du côté de Londres, la prétendue sérénité affichée par le Foreign and Commonwealth Office sur la question de souveraineté sur l’archipel des Chagos est prise à contrepied par des demandes pressantes venant du Chagos Islands All-Party Parliamentary Group de la Chambre des Communes en vue d’une solution négociée vu que « prolonged litigation before the World’s Court would inflict further damage at a time when our (British) future is uncertain ». Par ailleurs, la Cour internationale de justice de La Haye est déjà en présence d’une première série de documents sur la requête de Maurice pour une Advisory Opinion émanant du secrétariat des Nations unies à New York. Cette documentation en trois parties dresse la chronologie des tractations politiques et diplomatiques entre Port-Louis et Londres au sujet des Chagos et également annexée d’une copie du Traité historique de Paris du 30 mai 1814 entre l’Autriche, la Grande-Bretagne, le Portugal, la Prusse, la Russie, la Suède et la France.
Dans le camp mauricien, les consultations de haut niveau se succèdent pour que tout soit prêt pour le premier rendez-vous du 30 janvier de l’année prochaine. Des séances de travail sont prévues pour les 7 et 8 janvier à l’Hôtel du gouvernement entre les conseils légaux internationaux, dont le Pr Sands, QC, et la partie mauricienne, menée conjointement par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, et le Minister Mentor, Sir Anerood Jugnauth. Ces discussions font suite à un précédent round qui s’est déroulé à Londres au début de ce mois. « Le travail préparatif des documents pour étayer la position de Maurice à la Cour internationale de justice a atteint un stade bien avancé et nous serons prêts pour le 30 janvier », ont indiqué à Week-End des sources autorisées.
Après, cette échéance du 30 janvier 2018, la partie mauricienne se prépare à prendre connaissance de l’argumentation présentée par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, en particulier en vue de  répondre sous forme « d’observations écrites sur les autres exposés écrits conformément au paragraphe 4 de l’article 66 du Statut ». Le délai pour ces contre-propositions a été fixé au 16 avril de l’année prochaine par la Cour internationale de La Haye.
Le gouvernement britannique, qui campe sur sa position à l’effet que « the United Kingdom is clear about its sovereignty of the British Indian Ocean Territory and strongly rejects Mauritius’ claim that the Territory is part of Mauritius », fait face à une fronde persistante au sein de la Chambre des Communes. Les membres du Chagos All-Party Parliamentary Group, avec à sa tête le leader du Parti travailliste britannique, Jeremy Corby, se penche de plus en plus en faveur d’une solution négociée sur la question des Chagos. Lors de la 65e réunion de ce groupe réunissant des parlementaires britanniques de tous bords politiques le 6 décembre, la conclusion qui se dégage est que « the Group believes that an overall settlement with Mauritius and the Chagos Islanders is long overdue. For the United Kingdom to continue to argue against an International Court of Justice would have consequences fo the UK’s reputation in the United Nations ».
Un exercice de lobbying intense
Se basant probablement sur des Political Inside Informations, le Chagos All-Party Parliamentary Group indique que les Etats-Unis ne seraient nullement hostiles à un retour des Chagossiens dans leur archipel natal. A cela, ces parlementaires britanniques ajoutent que Londres ne peut se permettre d’essuyer une nouvelle gifle diplomatique devant cette instance internationale après l’échec du 21 novembre lors de l’élection d’un juge à la La-Haye. « The Group continues to believe that with political will these issues can de addressed and resolved. Indeed, the Group understands that the US has no objection to a pilot resset-tlement on Diego Garcia », soutient ce document, qui doit être transmis au Registrar de la Cour internationale de justice en vue des Proceedings de l’année prochaine.
Deux autres démarches sur le plan politique sont « in the pipeline » à Londres. Toutefois, les objectifs pourraient ne pas aller dans le même sens que celui privilégié par Port-Louis. Le député britannique, Henry Smith, procède à la collecte de signatures de ses pairs en vue de présenter un texte de loi sous la procédure du Ten Minute Rule Bill en janvier. «The purpose of the bill is to enable descendants of Chagossians born in the Chagos Islands to register as British Overseas Territories Citizens as if their families had not been removed from the Territory against their will. This would give them the same rights as citizens of all the Overseas Territories. Members of the APPG agreed to support the bill », fait-on comprendre alors que Port-Louis dénonce avec force une nouvelle tentative de Divide and Rule de la communauté chagossienne.
Les procédures ont atteint un stade avancé
Dans un deuxième temps Londres se prépare à s’engager dans un exercice de lobbying intense en marge du 25e Commonwealth Heads of Government Meeting se déroulant à Londres le 16 avril 2018, soit coïncidant avec la seconde échéance de la Cour internationale de justice. Lord Luce, un des membres de la Chambre des Lords, se fait un point d’honneur de soutenir lors de la dernière réunion de l’APPG sur les Chagos que «25th CHOGM Summit to be held in London in April would provide an opportunity for the Commonwealth to discuss resettlement and the International Court of Justice (ICJ) referral. That the US had no objections to resettlement made it easier for the UK to reach a compromise », alors que des parlementaires britanniques maintiennent que dans la conjoncture, « there needs to be change from the UK’s legalistic approach: often it has been said for the purpose of kicking the issues into the legal long grass, to a pragmatic and compromising approach if further expense and embarrassment are to be saved ».
En parallèle, les procédures devant la Cour internationale de La Haye ont atteint un stade avancé avec le secrétariat général des Nations unies ayant déjà transmis un volumineux dossier pour les besoins des délibérations du Full Bench de juges internationaux à être désignés. Cette documentation, qui peut être consultée sur le Web Site de la Cour internationale de justice, s’articule en trois parties avec « la partie I comprenant du matériel de référence relatif à la demande d’un avis consultatif présentée à l’Assemblée générale, la partie II du matériel des Nations unies relatif aux questions posées à la Cour et la partie III comprend du matériel provenant de sources extérieures aux Nations unies concernant l’archipel des Chagos ».
Poursuivant, la note explicative, accompagnant ces milliers de pages de documents historiques, comme la copie du Traité de Paris de 1814, des Notes Verbales de Maurice contestant la décision de la Grande-Bretagne d’annexer l’archipel des Chagos à différentes étapes, de même que le procès-verbal de la séance plénière du 22 juin 2017 aux Nations unies pour l’adoption de la résolution 71/292, affirme que « le présent dossier contient les documents et autres éléments d’informations de l’Organisation des Nations unies, ainsi que des instruments internationaux, pouvant servir à élucider les questions sur lesquelles l’avis consultatif de la Cour est demandé ».
En tout cas, les parties se présentant devant la Cour internationale de justice affûtent déjà leurs armes légales pour une bataille, qui s’annonce sans merci…

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