Children’s Bill : préconisations pour interdire le mariage des enfants…

… une pratique discriminatoire qui renforce les inégalités de genre

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Le Children’s Bill a été présenté au parlement mardi. C’est un moment historique pour Maurice et pour la protection des droits de l’enfant. Nous remercions tous ceux et celles qui y ont travaillé ces 16 dernières années et nous espérons qu’il améliorera considérablement la vie des enfants de la République de Maurice.

Dans la sous-partie II du Children’s Bill qui concerne la protection de l’enfant, le projet de loi condamne la discrimination (8), le mariage forcé (9), la maltraitance (10), l’abus et le tourisme sexuel (16 et 19) entre autres. S’il est essentiel que ces points soient adressés et approuvés, il est important de soulever certaines incohérences, qui pourraient être amendées afin d’assurer une meilleure protection aux enfants, en particulier aux filles de notre pays.

Fidèle à La Convention internationale des droits de l’enfant, le projet de loi définit l’enfant comme une personne de moins de 18 ans. Cependant, sous la clause 16, il est indiqué que les abus sexuels ne sont pas condamnables pour les enfants de plus de 16 ans et de même sous la clause 19 qui concerne le tourisme sexuel (child grooming). Par ailleurs, le mariage des enfants est condamnable uniquement s’il est “forcé” (No person shall force a child to be married civilly or religiously) et aucune mention n’est faite de la section 145 du code civil qui stipule que les enfants de plus de 16 ans peuvent se marier avec le consentement des parents. Le projet de loi doit absolument être renforcé sur ces deux points :

Il est primordial que le child grooming et tout délit sexuel soient condamnables jusqu’à ce que l’enfant ait 18 ans et que le mariage et le concubinage soient interdits pour les enfants de moins de 18 ans, sans aucune option de consentement des parents.

Pour cela, il faut que le projet de loi invalide l’article 145 du Code civil précédemment mentionné.

Si le Children’s Bill n’inclut pas ces amendements, il contribuera de fait à perpétuer les inégalités de genres et les inégalités sociales. Ceci ira donc à l’encontre de la clause de non-discrimination incluse dans le même projet de loi. En effet, le mariage des enfants (et le concubinage avec des enfants) concerne principalement les filles de milieux défavorisés et contribue à les maintenir dans une situation de dépendance, d’impuissance voire de détresse physique, psychologique, sociale et économique. C’est pourquoi la Convention on the Elimination of All forms of Discrimination Against Women (CEDAW) recommande que l’âge légal minimum du mariage soit de 18 ans, et que la SADC recommande la mise en oeuvre d’un ‘Model Law on Eradicating Child Marriage and Protecting Children Already in Marriage’ (Model Law).

Avec le KDZM, nous, professionnelles en psychologie et en éducation, demandons que l’Etat mauricien respecte la CEDAW qu’il a ratifié en 1984 et qu’il ratifie le protocole de la SADC. À ce jour, nous sommes le seul pays de la SADC à autoriser le mariage des filles de moins de 18 ans. Or, comme le rappelle le UNFPA (2018) dans son guide pour instaurer le Model Law “When a young girl becomes a bride, the consequences are lifelong – for the girl, for her children and for her nation”. (UNFPA, 2018).

Une fille mariée ou en situation de concubinage risque sa vie car elle est dans une position d’impuissance, financièrement dépendante de son conjoint duquel dépend sa vie, son futur.

Elle est vulnérable et risque d’être victime d’abus sexuels et de violences conjugales. Ses risques de dépression et de comportements addictifs (alcool, drogue, etc.) sont plus élevés ainsi que les risques de comportements suicidaires. Plus que tout, elle risque une grossesse précoce qui représente un danger pour elle et pour l’enfant à naître. Ces risques ne doivent pas être sous estimés, en 2018 selon le Child Development Unit (CDU), 142 mineures sont devenues mères et 184 mineures étaient enceintes dans notre pays.

Comme l’indiquent les Objectifs de développement durable des Nations unies, le mariage des enfants a des conséquences directes sur la pauvreté et l’éducation des filles et est une source d’inégalité des genres. La Cible 5 préconise de « Mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles; d’éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violence faites aux femmes et aux filles, y compris la traite et l’exploitation sexuelle et d’autres types d’exploitation; d’éliminer toutes les pratiques préjudiciables, telles que le mariage des enfants, le mariage précoce ou forcé; adopter des politiques bien conçues et des dispositions législatives applicables en faveur de la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles à tous les niveaux et renforcer celles qui existent ».

Nous demandons au gouvernement mauricien d’assurer la protection de nos enfants, de nos filles en incluant l’interdiction de mariage et de concubinage pour les enfants de moins de 18 ans dans le Children Bill via l’abrogation de l’article 145 du Code civil et l’intégration du Model Law on Eradicating Child Marriage and Protecting Children Already in Marriage’. Nous insistons pour que nos demandes soient entendues et prises en considération afin d’arrêter la spirale d’inégalités et de violences qui affecte les filles de notre nation.

Pour en savoir plus, téléchargez le rapport soumis à Madame La Ministre de l’Égalité des Genres, du Développement de l’Enfant et du Bien-Être de la Famille, l’Honorable Roubina Jadoo-Jaunbocus le 18 Juillet 2018, puis à l’Honorable Fazila Jeewa-Daureeawoo, par un collectif de psychologues mauriciennes. Ce rapport concerne l’impact du mariage (et du concubinage) sur les filles de moins de 18 ans avec des recommandations claires pour assurer la protection des mineurs, en particulier des filles.

Le KDZM et un collectif d’expertes en psychologie et en éducation : Emilie Carosin, Natasha Chakowa, Julie Curé, Emilie Duval, Teresa Lim Kong, Amélie Saulnier, Mélanie Vigier de Latour-Bérenger.

Lien vidéo : https://www.facebook.com/1635866443331368/videos/431799950800879/

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