CHRONIQUE D’UNE ARRESTATION ABUSIVE : Calvaire et cauchemar de Malini Tetapoulay (35 ans)

Elle a vécu une expérience des plus traumatisantes. Pendant neuf jours, elle a été placée en état d’arrestation au Moka Detention Centre comme une vulgaire criminelle pour un crime qu’elle n’a pas commis. Aussi paradoxal et cruel que cela puisse paraître, pendant ce véritable calvaire qu’elle a véçu, elle n’a trouvé du réconfort que dans les pleurs et les cris de sa petite fille de 17 mois, arrachée sans pitié d’elle lors de son arrestation par des policiers faisant preuve de précipitation en vue de boucler l’enquête sur le meurtre de la boutiquière Panjalee Tetapoulay, âgée de 71 ans, le 19 novembre dernier à La Chapelle Lane, L’Escalier. Depuis la fin de la semaine, Rajendri Tetapoulay, aussi connue sous le nom de Malini, âgée de 35 ans, a vu son honneur lavé. Toutefois, les cicatrices de cette arrestation, somme toute abusive, sont encore vives et jettent un éclairage sur les méthodes d’interrogatoire de la police loin des yeux et des oreilles du commun des mortels.
Malini Tetapoulay, jeune mère de famille et épouse, n’affiche aucune tendance meurtrière. Sur l’unique base de la chute de ses cheveux et de sa présence à l’étage de la maison du crime, des limiers du CID de la Southern Division, responsables de cette enquête, ne lui ont nullement accordé le bénéfice du doute dans les circonstances. Au moment du drame, la victime s’était agrippée aux cheveux de son agresseur et des brins de cheveux avaient été prélevés dans sa main. Pour la police, une preuve suffisante pour jeter en cellule au Moka Detention Centre une innocente mère de famille.
Pire encore seront l’humiliation et les menaces que subira Malini Tetapoulay durant ces neuf jours de détention injustifiée, que ce soit au moment de son arrestation ou encore pendant les séances d’interrogatoire avec des policiers qui l’accusaient injustement d’avoir tué sa belle-mère sans mobile apparent.
Au cours de cette conversation à bâtons rompus avec Week-End, faisant preuve d’un stoïcisme sans égal, elle ne cessera de répéter comme un leitmotiv : «Mo finn viv enn vré cauchemar. Mo finn traumatisé. Mo pa lé ki okenn inosan pass par là !»Un véritable cri du coeur et une véritable soif de justice contre un système inhumain.
Malini Tetapoulay, qui est venue récupérer de cette dure épreuve au domicile de ses parents à Beau-Bassin, sait de quoi elle parle. Avec sa petite fille, elle avait été l’unique adulte à se trouver dans les parages au moment du crime à L’Escalier. Ce jour-là, encore abasourdie par le meurtre de sa belle-mère, la jeune mère de famille avait subi une première séance d’interrogatoire serré et musclé par la police. En regagnant son domicile, elle avait cru avoir pu convaincre la police de son innocence.
C’était mal connaître le système, souvent présenté comme «enn ti prosédir». Le lendemain, aussitôt les rites funéraires terminés, Malini Tetapoulay est embarquée de force par les limiers du CID de la Southern Division et de la Major Crime Investigation Team. Elle revit le cauchemar de son arrestation et entend de nouveau les cris et les pleurs de sa petite fille, séparée de force d’elle alors qu’elle était encerclée par des policiers, impatients de démarrer le lynchage d’une innocente.«Zot mem pa finn gagn pitié pou sa zenfant-là ! Mo mem pann resi donn li manzé. Zot finn sépare mwa ek li pendant 9 zours», ajoute-t-elle.
Impuissante
Impuissante devant la séquence des événements, cette mère de famille s’agrippera à ces pleurs d’enfant pour survivre à ce cauchemar. «Mo mem pa finn gagn létan donn li manzé. Zot dir moi madam fer vite. Aret fer cinéma là. Zot prétann mo fami ki zot pé amenn moi L’Escalier, ler guété monn arrive Plaine-Magnien. Ti bien bien difisil. Mo ti pé tann moi zanfan hirlé déor», se rappelle-t-elle comme si c’était hier.
Les moindres détails relevés sur son corps seront retenus comme des preuves par la police pour l’incriminer du meurtre de sa belle-mère. Pourtant, des explications fournies par Malini Tetapoulay et soutenues par les analyses physiques du Principal Police Medical Officer, le Dr Maxwell Monvoisin, auraient dû être suffisantes pour dissiper tout doute.
Les enquêteurs de la police ne l’entendaient pas de cette oreille en s’appuyant sur une marque relevée sur son bras gauche et une trace d’ongle à l’arrière de son oreille. Le médecin légiste avait conclu à une «old mark»et nullement compatible avec le déroulement du drame et que la marque au niveau de son oreille était une «skin fall.»Elle ajoute qu’elle a été martyrisée en raison de ses chutes de cheveux. L’explication fournie à l’effet qu’elle s’est servie d’un défrisant qui ne lui allait pas fut tout simplement ignorée.
La riposte des limiers du CID était des plus implacables. Les questions, les poings tapés sur la table, les accusations à l’effet qu’elle a tué sa belle-mère, Panjalee Tetapoulay, 71 ans, fusaient de partout dans la salle d’interrogatoire avec pour objectif de la déstabiliser. «Ou mem sa madam, ou mem sa ! Ou konn kitsoz ou pa pé dir ! Dir séki ou koné !»ne cessaient-ils de hurler en vue d’arracher des aveux.
Face à système, qui se refermait sur elle, Malini Tetapoulay n’avait que sa conviction à offrir. «Monn tenir ferm. Kifer ? Parski mo koné mo inosan dan sa zafer-là. Monn fer serman lor latet mo zanfan ki pa mwa sa. Monn siplié zot pou ki zot krwar mwa. Mo pa ti pou kapav fer enn zafer koumsa», dit-elle.
Les menaces des policiers devenaient encore plus cruelles et humiliantes. Elle ne sait pas comment et d’où elle a pu puiser des forces pour affronter le pire cauchemar de sa vie. «To pou al pourri Beau-Bassin pandan 77 ans. To zanfan pou apel toi grand-mère», lancent ces policiers avec dédain à l’encontre de Malini Tetapoulay. Ses larmes et ses supplications ne serviront non plus à rien.
Sachant que l’on voulait la transformer en un bouc émissaire, elle ne craquera point. «Mo finn zis pense  figir mo zanfan. Mo tousel koné ki souffrans monn passé. Mo tousel koné kouma monn viv pandan 9 zours dan sa ti karé-là sans trouve mo fami. Monn viv enn vré cauchemar. Li bien, bien dir, surtout kan ou ou koné ki ou inosan. Monn prié mo belmer pou démann li fer trouve vré koupab-là», confie-t-elle.
Finalement, ses prières et ses voeux seront exaucés mardi avec l’arrestation d’un suspect, qui est passé aux aveux quant aux circonstances du meurtre (voir texte plus loin). Tout au long des différentes séances d’interrogatoire, elle a donné la même version des faits, à savoir qu’elle n’avait rien entendu jusqu’aux cris de la jeune fille, qui avait fait la découverte macabre. «Mo tifi zett tou bann zafer par lafnet, samem partou ress ferme. Dernièrement, li ti mem zett so sucette, finn bizin réal aster enn lot», soutient-elle.
«Mo finn bien explik zot ki mo ti lao pandan toute la zourné parski mo belmer ti pé bizin ale Mahebourg. Sé akoz sa ki mo pann kass latet.» En temps normal, sa belle-mère Panjalee s’occupe de sa petite fille de 17 mois de 9h à midi, mais ce jour-là, elle devait se rendre à Mahébourg pour s’approvisionner en cartes prépayées.
Malini Tetapoulay a accouru pieds nus quand elle avait entendu les appels au secours d’une des voisines. «J’ai vu ma belle-mère, face contre terre. Monn trouve drap pré kot li. Monn pensé linn ale ramass linz, linn gagne vertiz ek linn tombé. Mo ti pé rode ale ver li pou retourn li, lerla enn dimoun dir pas tousé la polis pé vini. Mo tifi, ler inn trouve boukou dimoun finn koumans fer mové. Monn pensé ki SAMU en route pou occupe li. Mais apré ki monn koné kinn arrivé», dit-elle, luttant désespérément pour maîtriser ses émotions.
Les membres de la famille, qui ont connu un double drame, n’en reviennent pas devant les graves accusations portées contre Malini Tetrapoulay. Que ce soit son époux, le fils de la victime, ou encore son beau-frère, ils ont soutenu son innocence tout au long de sa détention. «Zot ti bizin fer zot lanket bien avan trap dimounn kouma enn criminel !»fulmine-t-elle encore avec une fierté toute légitime d’avoir pu retrouver son époux et sa petite fille.
Malini Tetapoulay exprime sa détermination dans ce combat visant à faire que «mo pa lé ki okenn inosan pass par là !»Une phrase qui devra peser très lourd sur la conscience des policiers au banc des accusés dans cette enquête…

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